Les EHPAD : des lieux de privation de liberté à contrôler ?

Publié le 25/02/2013
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Crédit photo : S. TOUBON

Le rapport annuel du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, ouvre un débat - inopiné - sur le sort que réservent les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à la liberté de leurs pensionnaires. Il demande l’extension de ses missions aux EHPAD. Un avant-projet de loi a été déposé à Matignon en mai 2012 en ce sens.

Qu’ont les EHPAD d’une prison, qui pourrait justifier leur contrôle par les services de Jean-Marie Delarue ? « Les EHPAD ne sont évidemment pas des lieux de privation de liberté assimilables à ceux qui, par, nature, ont été créés comme lieux de captivité », reconnaît le rapport. Le contrôleur général avance néanmoins 3 arguments en faveur de son intervention. D’abord, ces établissements sont des lieux fermés de facto. « En théorie, il n’existe en EHPAD ni obstacles à l’entrée, ni empêchement à la sortie. Mais en pratique, de nombreux établissements, pour la protection des personnes âgées elles-mêmes, sont fermés (on pense ici à certaines unités dites "Alzheimer" », peut-on lire. L’enjeu est d’autant plus crucial que, dans certains cas, les personnes y séjournent des années.

Une exigence humaine

Le contrôleur général souligne ensuite l’« exigence humaine » que représente la protection des âgés dépendants. La restriction de leur liberté n’est pas la conséquence d’une infraction dont ils seraient responsables, mais de leur état et du passage des ans. « La détresse psychique due à un affaiblissement de la capacité de consentement rend d’autant ces populations vulnérables ».

Enfin les contrôleurs participeraient à un devoir de transparence à l’égard des familles et du grand public. Des efforts ont été faits : le gouvernement a créé le comité national pour la bientraitance, et « une attention particulière existe, mais elle repose essentiellement sur l’autodiscipline des professionnels ».

Le CGLPL viendrait compléter les garde-fous déjà existants par son expertise indépendante. Aujourd’hui, deux types de surveillance existent en EHPAD : en amont, lorsque les autorités délivrent un agrément à l’établissement, et a posteriori, par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ou l’Agence de santé régionale (ARS). « (Ce dernier) est en général diligenté sur la base de signalements, souvent après la survenue d’un incident. Les contrôles que nous effectuons ont le mérite d’être inopinés et c’est précisément ce qui amène à une réelle modification des comportements sur le terrain », argumente Jean-Marie Delarue dans un entretien accordé à La Croix.

Les réserves déontologiques de Delaunay

En réponse, la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’autonomie relève sur son blog« les difficultés concrètes et les questions (...) déontologiques » auxquelles se heurte la proposition de Jean-Marie Delarue. Elle insiste notamment sur le consentement d’entrer des âgées. Est-il toujours plein et entier ? Les conditions sont-elles réunies pour qu’il soit éclairé ? Michèle Delaunay plaide pour une amélioration du respect des droits des âgés, qui doivent être explicités en toutes circonstances.

La ministre suggère ensuite de considérer individuellement les droits des personnes - inégales au regard de leur état cognitif - et non d’assimiler tout EHPAD à un lieu limitatif de liberté. Cette option découragerait les personnes âgées d’entrer dans ces établissements - d’autant plus que certains ont défendu toute leur vie leur liberté, même en temps de guerre, souligne Michèle Delaunay - et battrait en brèche l’engagement des personnels des EHPAD à conserver autant que faire se peut l’autonomie des patients.

« La liberté de chaque résident, à tout instant et quel que soit son degré de perte d’autonomie, doit être l’astre supérieur qui commande chacune des décisions et pratiques en EHPAD », conclut la ministre.

Vieillesse, Handicap, loi sans consentement

Le rapport du contrôleur général a été remis au président de la République le 18 février dernier et au président du Sénat le 19. Jean-Marie Delarue le remettra demain à l’Assemblée nationale après sa présentation à la presse aujourd’hui. Disponible en librairie (aux Éditions Dalloz ), il pourra être téléchargé sur le site du contrôle le 3 avril.
Outre l’analyse sur les
EHPAD , le rapport inclut un chapitre sur les pathologies de longue durée et à l’accès à leur prise en charge en prison (chapitre V) tandis que le chapitre I consacre un volet à la réforme des soins sans consentement (voir le détail de ces deux volets).

 

 COLINE GARRÉ  D. B.

Source : lequotidiendumedecin.fr