UNE SIMPLE SCÈNE de ménage d'une demi-heure suffit à retarder la cicatrisation d'une plaie de 24 heures. Plus encore. Des relations houleuses chroniques dans un couple peuvent doubler le temps nécessaire à la même cicatrisation. Voilà résumée de façon démonstrative une étude menée par Janice Kiecolt-Glaser et Ronald Glaser (Ohio). Leur objectif était d'identifier et d'expliquer la manière dont un stress psychologique peut influer sur l'immunité humaine.
D'emblée, les deux chercheurs américains voient une application à leur travail, et aux précédents, dans le domaine de la chirurgie. Ils constatent que les patients doivent être psychologiquement prêts à une intervention. Les protocoles devraient être modifiés, suggèrent-ils, pour que le stress des futurs opérés soit réduit. Selon leurs conclusions, les délais de cicatrisation seraient ainsi réduits, les hospitalisations écourtées (d'où économies) et le risque d'infection abaissé.
Le protocole de l'étude mérite d'être rapporté, ne fût-ce que pour son originalité.
Les chercheurs ont enrôlés 42 couples unis depuis douze ans, au moins. Deux fois, à deux mois d'intervalles, ils ont été admis dans le centre de recherches pendant vingt-quatre heures. Chaque fois ont été pratiquées, sur les bras des deux partenaires, huit petites phlyctènes grâce à un système de ventouse. L'épiderme en a été ensuite excisé et remplacé par une petite capsule. Les investigateurs pouvaient ainsi prélever les sécrétions liquidiennes in situ. Un questionnaire, enfin, était rempli afin d'évaluer le niveau de stress, en début de l'expérience. De même, un échantillon de sang était prélevé.
Au cours de la première des deux journées, chaque membre des couples devait évoquer, pendant plusieurs minutes, ce qu'elle, ou il, souhaitait changer. Le ton donné à la discussion était volontairement encourageant et positif.
A la seconde journée, la discussion était à nouveau engagée, mais cette fois à propos de sujets de discorde. C'est-à-dire de thèmes chargés émotionnellement.
Tous les entretiens étaient filmés en vidéo, pour que les chercheurs évaluent le niveau d'hostilité dans les couples. Des prélèvements sanguins et au niveau des plaies étaient réalisés.
Les résultats de ces deux journées de tests sont parlants. Après les seconds entretiens, autour de sujets conflictuels, les phlyctènes ont mis vingt-quatre heures de plus pour guérir qu'après la première série d'entretiens. Plus encore, chez les couples à l'hostilité la plus marquée la cicatrisation a pris deux jours de plus.
La biologie confirme la clinique. Le taux d'interleukine 6 (IL6) était une fois et demie plus élevé chez les membres des couples les plus agressifs, par rapport aux moins hostiles. Alors que l'IL6, au niveau d'une plaie, favorise la cicatrisation, des niveaux sanguins élevés sont en relation avec un état d'inflammatoire prolongé.
L'équipe rapporte que ses travaux antérieurs, sur le même thème, avaient été menés avec des stress plus forts qu'une simple demi-heure de discussion âpre entre conjoints. Ils en concluent que la cicatrisation est un processus particulièrement sensible et que de faibles modifications de cytokines ont un retentissement marqué sur l'état de santé.
« Archives of General Psychiatry », décembre 2005.
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