UNE CINQUANTAINE DE DOYENS de médecine, de pharmacie et d'odontologie ont répondu présents à une réunion d'information organisée par leurs conférences.
Assis sur les bancs d'un amphi de l'école de médecine, à Paris-V, ils ont écouté religieusement leurs représentants détailler les dangers du projet de réforme de l'autonomie des universités que le gouvernement souhaite faire adopter cet été. Le Pr Bernard Charpentier, président de la conférence des doyens de médecine, alerte depuis plusieurs semaines le monde de la santé sur les modifications importantes que pourrait entraîner cette refonte juridique (« le Quotidien » des 22 juin et 3 juillet). «Depuis que ce texte a été proposé, sans concertation avec les doyens, de nombreux problèmes se posent aux facultés de santé, attaque le Pr Charpentier. Un articleprévoit que le nouveau conseild'administration et son président puissent créer des UFR quels qu'ils soient. Nous craignons de voir apparaître 85UFR de médecine, ce qui entraînerait une dérégulation de notre système de formation.»
Plus inquiétant pour le représentant des doyens de médecine : l'article 15 de ce même projet ne reprend que partiellement l'article 32 de la loi Savary de 1984 qui confie une relative autonomie aux doyens pour appliquer les conventions hospitalo-universitaires. «Nous pouvons comprendre que des points puissent être négociés avec les présidents d'université, mais le dossier très spécifique de l'emploi pose problème, poursuit le doyen Charpentier. Nous craignons des transferts de postes vers d'autres composantes de l'université.» Les doyens des facultés de pharmacie et d'odontologie s'opposent également au projet de loi. «Nous pouvons lâcher du lest sur d'autres particularités, mais pas sur la gestion des emplois, soutient Marc Bolla, président de la conférence des doyens d'odontologie . Ils doivent continuer à être gérés par nos deux ministères de tutelle, la Santé et l'Enseignement supérieur.»
Amendements souhaités.
Les doyens de santé souhaitent que le projet de réforme, qui devait être présenté hier au Conseil des ministres, soit amendé lors de son passage au Sénat dès le 11 juillet et à l'Assemblée nationale à partir du 23 juillet. Le Pr Roger Gil, doyen de Poitiers, a lu devant ses confrères une proposition d'amendement : «Les ministères compétents affectent directement et conjointement aux UFR et aux CHU les emplois hospitalo-universitaires attribués à l'université.» Cette insertion permettrait, selon le doyen, de «ne pas retomber dans les travers de la période qui a précédé en 1958 la constitution des CHU».
«Nous disposons d'un outil performant avec les facultés de santé, ne les cassons pas», conclut le Pr Charpentier, soucieux.
Une discipline à part ?
Dans une tribune publiée dans « le Monde », une dizaine de présidents d'université appellent les doyens de médecine à ne pas craindre le projet de réforme d'autonomie des universités. «La médecine n'est pas une discipline à part, écrivent-ils. La médecine a autant besoin de réformes que les autres disciplines. Ses performances dans le classement de Shanghai sur la recherche sont plus mauvaises que celles d'autres disciplines. Elles ne pourront s'améliorer que si la médecine reste ancrée dans l'université [...] Les facultés de médecine ne gagneront rien à devenir des écoles professionnelles; elles ne gagneront rien à s'isoler sous forme d'universités de santé, alors que partout ailleurs les universités se regroupent en pôles de recherche et d'enseignement supérieur polydisciplinaires.» Le président de la Conférence des doyens de médecine est très étonné de cette «accusation de bunkérisation»: «Avec les doyens de pharmacie et d'odontologie, nous ne sommes pas bloqués sur des positions archaïques, indique Bernard Charpentier . C'est un faux procès que l'on nous fait. Concernant le classement de Shanghai auquel tout le monde se réfère, je regrette que les chercheurs mentionnent toujours leur hôpital, l'unité Inserm à laquelle ils appartiennent mais pas leur université. Les facultés de médecinene sont pas des mauvais élèves!»
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