Performance

Les douze travaux de l’Anap

Publié le 20/02/2010
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L’Agence nationale pour l’appui à la performance hospitalière (Anap) a lancé son vaste programme de travail pour l’année 2010. Au menu : la signature de 50 contrats de performance hospitalière, de 100 contrats de performance de pôle, d’aide à la mise en place de système d’information… Pour rendre les hôpitaux plus efficients, à savoir moins dispendieux, tout en privilégiant une meilleure qualité des soins.

Attendue au tournant par l’ensemble de la communauté hospitalière, l’Agence nationale d’appui à la performance hospitalière (Anap) a présenté son ambitieux programme de travail pour l’année 2010. Au menu : signature de dizaines de contrats de performance avec les hôpitaux, réforme des blocs opératoires, optimisation des systèmes d’information hospitaliers… Un calendrier très chargé, servi par une montée en puissance des moyens de l’agence. « Nous sommes actuellement une soixantaine de personnels dans l’agence, et nous devrions atteindre quelque 80 employés d’ici à la fin de l’année 2010 », affirme le Dr Ayden Tajahmady, responsable du programme de travail de l’Anap. « Pour l’année 2010, nous disposons d’un budget de 36 millions d’euros, mais nous pouvons engager 64 millions d’euros », ajoute-t-il. Une taille importante pour cette nouvelle agence, qui n’entre pas en concurrence, néanmoins, avec celle d’une autre nouvelle agence, l’Asip, forte de 130 personnels. Quoi qu’il en soit, la performance sera le maître mot de l’Anap. Mais qu’il n’y ait pas maldonne : performance n’est pas synonyme d’économie drastique. « Nous entendons la performance selon la définition qu’en donne l’OMS, à savoir l’amélioration de l’état de santé de la population. » Il n’empêche : les sujets auxquels s’attellera l’Anap en 2010 ont fort à voir avec des projets de restructuration et de réduction des coûts hospitaliers. Qu’il s’agisse de la restructuration des blocs opératoires, de l’accompagnement à la mobilité des ressources humaines, ou encore des contrats de performance, ces chantiers devraient faire aboutir à une meilleure gestion des subsides en direction des hospitaliers. Même si Christian Anastasy se défend d’être un cost killer : « Les dix contrats de performance signés ne concernent pas uniquement des établissements en difficulté financière. » Dans la plaquette de présentation du rôle de l’Anap, comme pour illustrer cette volonté de servir avant tout l’amélioration de la qualité des soins, on cite en exemple « la réduction du temps de jeûne par des mesures d’ordre organisationnel qui entraîne une réduction de l’apparition des escarres chez les personnes âgées ». Et donc une réduction des coûts, puisque la prise en charge des escarres est extrêmement coûteuse. Mais d’autres mesures, purement économiques, devront également être prises par l’Anap, et qui n’influeront en rien sur la qualité des soins. « Nous regrettons des investissements surdimensionnés dans l’immobilier. Un mètre carré bâti génère 1 000 euros de charge pour l’assurance maladie », rappelle opportunément Christian Anastasy.

Contrat de performance

Dans le détail, l’Anap devrait ouvrir dès cette année plusieurs chantiers, dont le plus attendu est sans conteste la signature de contrats de performance hospitaliers. Déjà usités avec la SNCF, le ministère de la Culture, les universités, mais aussi l’Agence de biomédecine, ces contrats de performance se donnent comme objectif de gérer la chose publique en fixant des résultats. Ce concept est directement issu de la théorie de la new public gouvernance (cf. Décision Santé n° 258 pp. 34 à 36), qui tend à appliquer au secteur public les méthodes de management du privé.

Les dix premiers contrats de performance ont été lancés entre le 5 décembre et le 5 janvier dernier, a indiqué Christian Anastasy. Le 5 décembre, le CHU de Nancy, les Hospices civils de Lyon, l’Institut mutualiste Montsouris (Paris), le CHU de Bordeaux, et le CHU de Toulouse se sont engagés dans un contrat de performance. Le 5 janvier dernier, ce fut au tour du CHU de Rennes, du centre hospitalier de Mulhouse, du CHU de Reims, du centre hospitalier de la région d’Annecy et du centre hospitalier de Pontoise. « Nous avons sélectionné ces établissements selon des critères à la fois techniques et managériaux : autofinancement, endettement, etc. Mais je tiens à souligner que nous n’avons pas choisi des établissements uniquement déficitaires », a précisé Christian Anastasy. Reste que, sur dix établissements sélectionnés, six sont des CHU, lesquels, dans leur globalité, sont déficitaires.

Si les établissements sont sélectionnés, ils n’ont pas encore signé, en tant que tel, un contrat de performance. « Les premiers contrats, avec les établissements sélectionnés, seront signés en mars ou avril », ajoute le Dr Ayden Tajahmady, responsable du programme de travail. Ainsi, c’est à l’issue d’une réunion le 18 février prochain que l’IMM signera son contrat de performance. « Il nous faut faire un audit avec la direction de l’hôpital avant toute chose », avertit Ayden Tajahmady. La méthode appliquée sera la même pour tous les établissements de santé : « Nous analyserons dans un premier temps la production des services, ainsi que les moyens engagés. Si nous constatons des écarts qui ne sont pas justifiés, nous proposerons d’y remédier », explique Christian Anastasy. Trois thématiques seront privilégiées : l’urgence, la gestion des lits, les blocs opératoires. D’autres thèmes seront abordés, comme les systèmes d’information hospitaliers. Vingt nouveaux contrats seront signés en avril et vingt autres en septembre. « Nous accompagnerons les établissements sur une période de deux ans », détaille Christian Anastasy. Les contrats de performance sont tripartites : ils engagent à la fois l’Anap, la direction de l’établissement, et l’agence régionale de santé. « Après avoir tranformé ces hôpitaux, nous passerons le flambeau aux ARS. »

Ambulatoire et SI

S’ils constituent le clou du programme de l’Anap, les contrats de performance n’occuperont pas non plus la totalité des moyens de l’Anap. D’autres sujets brûlants seront également traités. Comme la chirurgie ambulatoire. « C’est un constat partagé avec la HAS. La France a pris beaucoup de retard dans le développement de la chirurgie ambulatoire. » Autre projet : la mise en place d’un parcours de soins, dans le cadre de la recomposition de l’offre de soins et médico-sociale. « Nous allons en 2010 mettre sur pied un parcours de soins idéal pour personnes âgées, auquel participeront deux ARS et dix CHT », ajoute Christian Anastasy. La restructuration de 182 blocs opératoires, pratiquant moins de 1 500 interventions par an (cf. Décision Santé n° 259 p. 5), ne devrait pas non plus échapper à l’expertise de l’Anap. « Faudra-t-il transformer ces établissements en Ehpad, maisons de santé, longs séjour ? C’est la question que nous nous poserons. » Autre volet important, la gestion des ressources humaines : « Nous avons constaté des phénomènes de cloisonnement entre le sanitaire et le médico-social. Il faut que nous puissions faire évoluer les personnels, en particulier paramédicaux, du sanitaire vers le médico-social. Et pour ce faire, travailler sur des problèmes de statuts, de rémunération, etc. » Et de citer en exemple la mise en place réussie en décembre dernier d’une cellule mobilité à l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM). Toujours au chapitre management, l’Anap devrait optimiser la performance de 100 pôles hospitaliers, en accompagnant leurs managers. Ce chantier devrait débuter en mars prochain.

En partage avec l’Asip, l’Anap devrait aider les établissements de santé à implémenter leurs systèmes d’information hospitaliers. « L’Asip est entièrement dédiée aux SIH, contrairement à l’Anap. Nous aiderons les établissements de santé à intégrer les SIH développés par l’Asip », explique Christian Anastasy. Et, afin de clarifier les rôles dévolus à chacune de ces deux agences, une convention devrait être signée entre elles courant février. L’Anap a par ailleurs déjà signé un accord du même type avec la HAS.

La pierre est aussi une préoccupation de l’Anap : « Nous mettrons en place une gestion patrimoniale et pluriannuelle dans les établissements de santé. » Enfin, l’Anap sera également amenée à intervenir dans le médico-social, pour améliorer sa « performance ». Un maître mot, décidément, pour cette toute nouvelle agence, sur laquelle reposent bien des espoirs. Du côté de l’avenue Duquesne, mais aussi de Bercy.

Jean-Bernard Gervais

Source : Décision Santé: 262