DANS L’ABORD de l’épisode dépressif majeur (EDM), la clinique garde une place centrale et insistante. Les spécialistes soulignent désormais l’importance de la sémiologie physique et, en particulier, des douleurs corporelles. Estimée à 30 % dans la population générale, la plainte douloureuse serait de l’ordre de 50 % dans l’EDM traité en ambulatoire et de 90 % dans l’EDM demandant une hospitalisation. Pour le Pr Emmanuelle Corruble, chef du service de psychiatrie à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, sa fréquence dépasse à elle seule la forme clinique de la dépression masquée : «La plainte somatique peut parfois “masquer” la plainte psychique, indique-t-elle, mais le plus souvent elle est associée à la plainte psychique.»
Projections ascendantes et descendantes.
Parallèlement, les conceptions physiopathologiques progressent et fournissent une hypothèse explicative à ces symptômes douloureux qui font partie intégrante de la dépression. En effet, selon les neurobiologistes, douleurs corporelles et dépression sont en rapport avec un déséquilibre du système mono-aminergique (sérotonine/noradrénaline), dont l’épuisement retentit sur toutes ses projections : la plupart des symptômes dépressifs résulteraient de dysfonctionnement au niveau des projections sérotoninergiques et noradrénergiques ascendantes, mais aussi descendantes. Les projections ascendantes (vers les structures cérébrales) intéressent l’humeur, l’anxiété, le fonctionnement cognitif, le comportement moteur, les fonctions instinctuelles. Les projections descendantes (vers la moelle épinière) modulent la perception de la douleur. La baisse de la transmission monoaminergique diminue la capacité de filtrer l’intensité de la douleur, explique le Pr Jean-Pol Tassin (Collège de France), à tel point que des sensations habituellement perçues comme non douloureuses peuvent le devenir lors d’un épisode dépressif majeur.
Le retour de la clinique et les hypothèses physiopathologiques qui l’accompagnent vont de pair avec l’élargissement actuel de l’évaluation de nouvelles molécules. En effet, à côté des échelles classiques de dépression comme celle de Hamilton (Hamilton Rating Scale for Depression ou HAMD), les critères de jugement évoluent vers plus de globalité, prenant en compte les douleurs corporelles, l’anxiété, la qualité de vie…
La duloxétine, double inhibiteur.
Pour limiter rechutes et récidives, il est indispensable d’atteindre la rémission complète de l’ensemble des symptômes de la dépression. C’est dans ce contexte que les résultats obtenus par la duloxétine, double inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, prennent tout leur intérêt. Comme l’indique le Dr David Gourion, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris, ces résultats témoignent de son efficacité sur l’épisode dépressif majeur par une supériorité statistique versus placebo mesurée par l’amélioration du score total de l’échelle de dépression de Hamilton (HAMD-17) qui prend en compte à la fois les symptômes émotionnels et somatiques de la dépression. Ces résultats ont été constatés lors d’un programme clinique incluant 3 158 patients (soit une exposition de 1 285 patients-années) présentant un épisode dépressif majeur (critère DSM-IV). L’efficacité de la duloxétine à la posologie de 60 mg, une fois par jour, a été démontrée chez des patients adultes non hospitalisés présentant un épisode dépressif majeur dans trois études à court terme. Dans ce programme clinique, d’une façon générale, l’efficacité de la duloxétine a été démontrée à des doses journalières comprises entre 60 et 120 mg. Par ailleurs, les taux de rémission sont également significativement plus élevés avec la duloxétine que sous placebo, cette notion étant particulièrement importante à prendre en compte afin de prévenir les rechutes. Ainsi, en agissant sur toutes les dimensions de la dépression, la duloxétine améliore significativement la qualité de vie et le fonctionnement global des patients.
Les effets indésirables le plus fréquemment rapportés (nausées, bouche sèche, céphalées et diarrhée) sont majoritairement d’intensité légère à modérée ; ils commencent généralement en début de traitement et tendent à s’estomper malgré la poursuite du traitement.
Commercialisée dans différents pays, la duloxétine a obtenu son AMM en France en janvier 2005 et est actuellement en attente de prix.
Symposium Lilly et Boehringer Ingelheim organisé dans le cadre du 5e Congrès de L’Encéphale.
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