LE PROJET du dossier médical personnel (DMP) – sans être enterré – reste groggy au lendemain de la publication du cinglant rapport d'audit (1) sollicité par le gouvernement (« le Quotidien » des 5 et 14 novembre). A contrario, le dossier pharmaceutique – son « petit frère » qui est censé alimenter le volet médicament du DMP lorsque ce dernier sera généralisé dans plusieurs années – semble se porter comme un charme. Son expérimentation «se passe bien» depuis six moisdans les 300 officines des six départements pilotes (2), se félicite Jean Parrot, président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP). Au 25 novembre, le CNOP recensait «plus de 100000 dossiers pharmaceutiques» créés par les officinaux avec l'autorisation des patients concernés. Seuls 15 % des patients auraient refusé que leur pharmacien puisse consulter leur DP au moyen de leur carte Vitale.
Fort de ce démarrage prometteur, l'Ordre des pharmaciens espère que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) donnera son feu vert «en décembre ou en janvier» à une extension de l'expérimentation du DP. Cette deuxième phase de déploiement d'une durée de six mois doit notamment permettre, selon Jean Parrot, de tester aussi le DP dans «2000 pharmacies des Hauts-de-Seine et des Yvelines» et de «former des pharmaciens formateurs et référents dans les départements», en vue d'une généralisation du dossier pharmaceutique à la France entière courant 2008.
Le CNOP a conçu et finance le dossier pharmaceutique à hauteur de «15 à 20 millions d'euros sur trois ans» (grâce aux cotisations ordinales des pharmaciens). Il souligne l'intérêt du DP pour la santé publique : cet outil professionnel participe à la lutte contre les accidents iatrogènes et les prescriptions redondantes, puisqu'il permet au pharmacien de consulter la liste de tous les médicaments délivrés au patient en officine sur les quatre derniers mois (automédication comprise). A ce jour, le CNOP a recensé «une centaine de blocages informatiques» liés à un risque iatrogène, ayant de ce fait annulé la délivrance de certains médicaments après consultation du DP.
« Jeune pousse ».
Au Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), le Dr Jacques Lucas pense que «la sécurisation de la dispensation des médicaments est une excellente chose» et qu'elle devrait s'accompagner d'une «double sécurité» au niveau de la prescription médicale. Le vice-président du CNOM réitère la revendication ordinale d'un accès des médecins au DP. Il rappelle que le DP est plus complet que le volet médicament de l'historique des remboursements de l'assurance-maladie (consulté aujourd'hui par 13 000 médecins libéraux), car l'outil des pharmaciens inclut les produits non remboursés par la Sécu. Bien qu'il ait interpellé les parlementaires, le CNOM n'a pas obtenu l'inscription d'un droit d'accès des médecins au DP dans la loi de financement de la Sécu (LFSS) pour 2008. «Les parlementaires n'ont pas suivi notre argumentation mais on essaiera de le leur expliquer différemment l'an prochain», prévient le Dr Lucas.
«Le CNOM est en mal d'exister et a contribué à torpiller le DMP par ses avis successifs», rétorque Jean Parrot. Le président de l'Ordre des pharmaciens considère que cette requête du CNOM revient à «chercher à mettre du super dans un moteur Diesel», en raison des incompatibilités techniques entre les logiciels métiers des médecins et des officines. Il propose simplement que les pharmaciens impriment le contenu du DP afin que le patient puisse le transmettre à ses médecins. «Ce n'est pas demain que les médecins viendront fouiller dans le DP!», lâche le président du CNOP.
Le vice-président du CNOM ne veut pas polémiquer. Il continue cependant à défendre l'idée d'un «dossier informatisé sécurisé du patient», sorte de «jeune pousse de DMP», dans lequel les médecins viendraient puiser les précieux éléments d'information contenus dans le DP, et cela dans un avenir assez proche. Le Dr Lucas assure que cette nouvelle architecture, à la fois plus simple et plus modeste pour relancer le DMP, pourrait «mettre d'accord» les deux Ordres. A voir…
(1) Mission d'audit conduite conjointement par les inspections générales des finances, des affaires sociales, et le Conseil général des technologies de l'information (CGTI).
(2) Doubs, Meurthe-et-Moselle, Nièvre, Pas-de-Calais, Rhône et Seine-Maritime.
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