Les dons des Français aux associations humanitaires ont baissé de 35 % au cours des quatre premiers mois de 2002. Une crise de confiance liée à la mise en cause de plusieurs organisations, selon une analyse du groupe TBWA s'appuyant sur trois séries de données : les chiffres de collecte de dix grandes organisations représentant 10 % du marché caritatif, un sondage IPSOS sur les réactions des Français aux crises médiatiques qui ont frappé le secteur au début de 2002 et une étude qualitative sociologique.
Le marché du don est estimé à un milliard d'euros par an, selon la Fondation de France, et les 100 plus grandes organisations caritatives en France tirent 75 % de leurs ressources privées de la générosité de 5 à 6 millions de particuliers.
Or, cette année, les Français ont été moins nombreux à donner : les agences de TBWA spécialisées dans le secteur non marchand (Excel pour le marketing direct, Non Profit pour la communication et Qualicontact pour le marketing téléphonique) ont relevé une chute de 30 à 70 % dans le recrutement de nouveaux donateurs et de 0 à 35 % dans le renouvellement des dons des donateurs fidèles.
L'arrivée de l'euro y est sans doute pour quelque chose : lors des collectes de rue, par exemple, on donnerait facilement 1 euro contre 10 F auparavant. Le contexte électoral également : les gens donnent moins car ils se disent que c'est à l'Etat d'intervenir. Mais c'est surtout la mise en cause de plusieurs associations qui a joué un rôle : l'organisation Raoul-Follereau épinglée par l'IGAS (inspection générale des Affaires sociales) en janvier, les abus sexuels sur enfants par des employés d'ONG nationales et internationales dénoncés par l'ONU en février ou, récemment, la Société protectrice des animaux (SPA) critiquée par un prérapport de la Cour des comptes.
Si un donateur sur trois affirme que ces « affaires » n'ont rien changé à leur comportement, 53 % ne donneront plus rien aux organismes incriminés et 12 % ne donneront plus rien à personne, selon une enquête IPSOS* réalisée pour TBWA. 83 % des personnes interrogées citent le scandale de l'ARC (Association pour la recherche sur le cancer), dont l'ex-président, Jacques Crozemarie, a été condamné en 2000 à quatre ans de prison pour abus de biens sociaux ; mais certaines associations non impliquées dans des affaires sont aussi citées comme l'étant.
Enfin, une étude sociologique réalisée par l'institut Wei Opinion à partir d'entretiens avec trois groupes de donateurs (depuis plus de quinze ans, depuis cinq à dix ans, ou ne donnant plus), établit deux catégories de donateurs : les « traditionnels », pour lesquels le don est une pratique culturelle, éthique ou religieuse, et les « modernes », plus jeunes, qui donnent lorsqu'ils sont émus, par analogie avec la maladie d'un proche ou par l'image de la souffrance transmise par les médias.
Depuis le scandale de l'ARC, les relations entre donateurs et associations ont changé de nature, car la confiance est perdue, explique le sociologue Alain Mergier. Les donateurs ont le sentiment aujourd'hui de prendre des risques quant à l'utilisation des sommes, la dénaturation des causes par les médias ou le faible pouvoir des ONG internationales dans un contexte de mondialisation.
* Enquête réalisée les 3 et 4 mai par téléphone auprès d'un échantillon national représentatif de 1 020 personnes âgées de 15 ans et plus.
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