Par le Dr Christian Jamin*
LE PREMIER DES avantages du THM concerne l’amélioration de la qualité de vie, par le biais du bénéfice sur les symptômes climatériques.
Le syndrome climatérique.
Il ne fait aucun doute que le THM améliore le syndrome climatérique avec un effet net sur les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes, les douleurs diffuses et la sécheresse vaginale. Ces effets sont dose-dépendants et l’utilisation des doses minimales efficaces, sur une durée la plus courte possible, comme cela a été proposé par l’Afssaps, est raisonnable. Il s’agit des items majeurs entrant dans le domaine plus vaste de l’amélioration de la qualité de vie (QdV). Les bénéfices sur la QdV disparaissent chez les femmes plus âgées en l’absence de syndrome climatérique.
Par ailleurs, il est prouvé que l’amélioration de la sécheresse vaginale a un effet bénéfique sur la qualité des rapports sexuels et, par ce biais, sur la libido. En revanche, pour obtenir un effet direct sur la libido, il faut soit ajouter des androgènes, ce qui n’est pas sans inconvénients, soit plus simplement donner de la tibolone.
La prévention de la perte osseuse.
Le THM a, sans conteste, démontré son efficacité dans la prévention primaire et secondaire de la perte osseuse postménopausique et du risque fracturaire. Le THM est le seul traitement ayant démontré une efficacité antifracturaire en prévention primaire. Les estrogènes administrés en début de ménopause préviennent la perte osseuse postménopausique par un double mécanisme : diminution du contenu minéral osseux et prévention de l’altération de la structure osseuse (microarchitecture).
Le risque fracturaire est diminué chez les femmes en cours de traitement, que celui-ci ait été débuté tard ou tôt. Après l’arrêt du traitement, le bénéfice en termes de contenu minéral osseux et de risque fracturaire semble disparaître rapidement. La dose d’estrogène nécessaire à la diminution du risque fracturaire n’est pas clairement déterminée ; cette baisse a été démontrée avec les doses dites classiques (50 mg par patch). Avec des doses plus faibles, rien n’est prouvé. En revanche, le type d’estrogène (en dehors de l’estriol) et la voie d’administration sont sans importance.
Le cancer du côlon.
Depuis de nombreuses années, les études épidémiologiques étaient en faveur d’un effet préventif du THM sur le cancer colique. La récente étude WHI randomisée versus placebo chez des femmes de 63 ans en moyenne confirme cet effet bénéfique, avec une diminution de 40 % des cas sous traitement actif.
Le risque thromboembolique veineux.
Les risques liés au THM dépendent du terrain, de l’âge de la femme et de la durée du traitement. L’administration orale d’estrogènes s’accompagne de modifications des facteurs de coa- gulation veineux avec une accentuation de la thrombogenèse. L’impact de ces modifications est confirmé dans les études HERS et WHI, avec un OR de 2 à 3. Le risque d’embolie pulmonaire est augmenté dans les mêmes proportions. Le risque de thrombose veineuse est maximal en termes de RR en début de traitement, mais persiste tout au long de sa durée, pour peu que les estrogènes soient administrés par voie orale. En termes de risque attribuable, c’est avec l’âge que le risque devient très visible. Chez les femmes au-delà de 60 ans, le risque thromboembolique veineux est loin d’être négligeable, puisque, dans l’étude WHI, le traitement entraîne un surrisque de 44 %. La publication de Scarabin (« Lancet », 2003) innocente l’administration cutanée des estrogènes vis-à-vis de ce risque, comme le laissait présager l’absence d’activation des facteurs de la coagulation, lorsque l’estrogène est administré par cette voie. Scarabin estime qu’il n’y a alors pas de surrisque, même en présence d’un surpoids ou d’une thrombophilie par mutation des facteurs V et II. Ce même auteur évoque un possible effet thrombogène de certains progestatifs (les norprégnanes), en dépit de l’absence d’arguments biologiques.
Le risque coronarien.
La prévention du risque coronarien a été longtemps l’une des raisons de la prescription d’un THM. L’ensemble des études observationnelles confirmait que l’estrogénothérapie seule ou associée à un progestatif diminuait de 50 % le risque coronarien. Mais deux études d’intervention randomisées versus placebo sont venues infirmer ces résultats : HERS, en prévention secondaire, et WHI, en prévention dite primaire. Dans les études HERS et WHI, le traitement, associant estrogènes conjugués équins et MPA, augmentait le risque coronarien la première année (OR = 1,8) ; puis le surrisque disparaissait rapidement, faisant fortement suspecter un effet prothrombotique sur les plaques d’athérome préexistantes. Il ne semble pas, à ce jour, que les bénéfices de l’estrogénothérapie sur l’athérogenèse, tout au moins en début de carence hormonale, soient remis en cause. La responsabilité du progestatif est mise en exergue par l’absence de surrisque coronarien observé dans le bras estrogènes seuls de l’étude WHI. Le risque attribuable est relativement faible chez les femmes récemment ménopausées, mais devient préoccupant au-delà d’un certain âge, surtout lors de l’induction tardive du traitement. En effet, le bénéfice coronarien du THM semble dépendre de la précocité de sa mise en oeuvre après la ménopause. Si le traitement est débuté en postménopause immédiate (moins de dix ans), il protège des maladies coronariennes. En revanche, lorsqu’il est commencé à distance de la ménopause, il perd son effet protecteur. Il est possible, mais non démontré, que l’administration cutanée des estrogènes et l’utilisation de progestérone naturelle aient des effet préférables au niveau artériel que les traitements utilisés dans ces études.
Les accidents vasculaires cérébraux.
Le risque d’AVC était augmenté dans les deux bras (estroprogestatifs et estrogènes seuls) de l’étude WHI (OR = 1,41 [0,86-2,31]) et dans l’étude HERS. Cette augmentation existait aussi chez les femmes âgées utilisant la tibolone (étude Lift). Le surrisque s’observe principalement chez les femmes de plus de 70 ans. Une élévation de la tension artérielle observée sous estrogènes conjugués équin per os dans ces études peut en partie être incriminée. Ici encore, les effets de la prise orale d’estrogènes sur le foie, en stimulant le système rénine-angiotensine, a pu jouer un rôle néfaste.
Les démences.
On attendait une diminution du risque de démence, en particulier de maladie d’Alzheimer, sous THM, et c’est une augmentation qui a été observée dans ces études d’intervention. Il n’est pas possible d’éliminer une composante vasculaire par les microthromboses induites par ce traitement dans la genèse de ces détériorations intellectuelles.
Le cancer du sein.
La métaanalyse du « Lancet » (1997), en compilant environ 60 études, a mis en évidence un risque de cancer du sein légèrement augmenté (OR : 1,26). L’étude WHI retrouve cette élévation (RR = 1,26 [0,83-1,92]). Il n’y a pas, à ce jour, de raison de penser que le risque est différent suivant l’estrogène utilisé et sa voie d’administration. En revanche, le risque augmente avec la durée du traitement. Globalement, le RR est faible, mais, sur une longue durée (dix ou quinze ans), le RR n’est pas négligeable, avec un risque attribuable élevé. L’augmentation du risque disparaît rapidement à l’arrêt du traitement : il est donc probable qu’il s’agisse d’un phénomène de promotion de cancers existants. Ainsi, comme le risque spontané de cancer du sein augmente avec l’âge, la révélation de ces cancers par stimulation exogène augmente elle aussi logiquement avec l’âge (ce qui se confond avec la durée). Le bras estrogène seul de l’étude WHI et de nombreuses autres études de cohorte ne montrent pas d’augmentation avec les estrogènes seuls (RR = 0,77 [0,57-1,06]). Enfin, dans l’étude française E3N, il n’est pas mis en évidence d’augmentation du risque sous l’association estrogène-progestérone naturelle. En revanche, l’étude E3N trouve une élévation du risque sous estrogènes seuls après cinq ans de traitement et lors de l’association estrogènes-progestatifs de synthèse quels qu’ils soient (RR entre 1,3 avec la rétroprogestérone et 1,7 avec les autres progestatifs de synthèse). Tous ces résultats sont cohérents avec les données issues de la mesure du rapport apoptose/prolifération, qui montrent : une promotion maximale avec l’association estrogènes-MPA ou NETA (ce qui concorde avec l’étude MWS dite du Million) ; une promotion intermédiaire avec les estrogènes seuls et une promotion minimale avec l’association estrogènes-progestérone ou la tibolone.
L’influence des traitements sur la mortalité globale par cancer du sein est aujourd’hui encore objet de débats. Il reste admis que les cancers découverts seraient de forme histologique mieux différenciée comportant davantage de formes hormonosensibles et de meilleur pronostic (E3N).
Les lithiases biliaires.
Il est connu depuis longtemps que la prise orale d’estrogènes modifie la composition de la bile avec un risque lithogène augmenté. Cela a été confirmé dans l’étude HERS (OR = 1,38 [1,00-1,92]). Mais la modification de la bile n’est pas observée avec l’administration cutanée des estrogènes.
En conclusion.
Le THM a une efficacité prouvée sur la qualité de vie et la prévention du cancer du côlon, de la perte osseuse et du risque fracturaire. Il est probable qu’il ait un effet protecteur vis-à-vis de l’athérogenèse et du risque coronarien, s’il est commencé tôt. L’utilisation d’estradiol par voie cutanée permet d’éviter l’augmentation du risque thromboembolique veineux observé avec les estrogènes administrés par voie orale. Enfin, pour ce qui est du risque de cancer du sein, le THM a un effet promoteur sur des cancers préexistants, donc d’autant plus visible que les femmes sont plus âgées. Il semble que l’association estrogènes-progestérone naturelle et la tibolone n’aient pas cet effet promoteur. Pour ce dernier produit, on attend avec impatience le résultat d’une étude en cours chez des femmes ayant eu un cancer du sein (LIBERATE).
* Service de gynécologie-obstétrique (Pr Madelenat), CHU Bichat F75877, Paris Cedex 18 Bibliographie :
Fournier A, et al. Breast Cancer Risk in Relation to Different Types of Hormone Replacement Therapy in the E3N-EPIC Cohort (E3N). « Int J Canc », 2005 ; 114 : 448-454.
Hulley S. et al. Randomized Trial of Estrogen Plus Progestin for Secondary Prevention of Coronary Heart Disease in Postmenopausal Women (HERS).
« JAMA », 1998 ; 280 : 605-613.
Million Women Study : Breast Cancer and Hormone-Replacement Therapyin the Million Women Study (MWS). « Lancet », 2003 ; 362 : 419-427.
Scarabin et al. Differential Association of Oral and Transdermal Estrogen Replacement Therapy with Thromboembolism Risk (ESTHER). « Lancet », 2003 ; 362 : 428-432.
WHI (1) Risk and Benefits of Estrogens Plus Progestins in Healthy Postmenopausal Women. « JAMA », 2002 ; 288 : 321-333.
WHI (2) Effects of Conjugated Equin Estrogen in Postmenopausal Women with Hysterectomy. « JAMA », 2004 ; 291 : 1701-12.
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