La première analyse globale de la mortalité par drépanocytose en France vient d'être réalisée par l'Institut de veille sanitaire (InVS). Le Pr Odile Krempf souligne les limites liées aux modalités de recueil des données utilisées. Un croisement des informations provenant du CépiDc (Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès) et du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) permettrait d'affiner les résultats.
LA DRÉPANOCYTOSE fait l'objet d'un dépistage néonatal généralisé dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) depuis 1985 et ciblé en France métropolitaine depuis 1995. Elle est considérée comme une maladie rare, c'est-à-dire avec une prévalence inférieure à 1/2 000, soit moins de 30 000 personnes atteintes en France. Si des progrès importants ont été réalisés dans sa prise en charge, sa mortalité doit encore être réduite. Un objectif qui, avec l'amélioration de la qualité de vie des patients drépanocytaires, figure dans la loi de santé publique 2004. Cette affection est également concernée par la mise en place, confiée à l'Institut de veille sanitaire (InVS), d'une surveillance épidémiologique, conformément au premier axe stratégique du plan national Maladies rares 2005-2008.
Les données épidémiologiques présentées par le Pr Krempf sont issues de deux sources : la base du CépiDc, plus précisément les données de mortalité chez les 0-18 ans de 1979 à 2004, et celle du PMSI 2004-2006 ( cf. encadré). Jusqu'en 1999, la partie médicale du certificat de décès comportait au maximum deux causes associées. La drépanocytose comme première cause associée a été renseignée dans 40 % des cas et comme seconde cause dans seulement 9 % des cas.
CMI-10.
Depuis 2000, toutes les causes mentionnées par le médecin certificateur sont enregistrées dans la base de données et codées automatiquement. «En raison de ces modifications, les causes associées n'ont pas été comparées avant et après 2000», explique le Pr Krempf. Dans les départements d'outre-mer (DOM), l'enregistrement des décès a été mis en place en 1981, mais il n'est exhaustif que depuis 1998.
Dans les deux bases de données, le codage de la drépanocytose est le CMI-10 qui, pour certains codes, précise le type d'hémoglobine. Cependant, «la plupart des pathologies associées à la drépanocytose et qui en font la gravité ne font pas l'objet d'une subdivision du code de cette maladie (D57) dans la CMI». Elles peuvent, en effet, être codées de différentes manières : par exemple, incluses dans le D57 ou sous le code « thrombose ou embolie d'une autre veine-d'une veine spécifiée » pour les crises vaso-occlusives ou encore sous le code correspondant à « infarctus de la rate » ou « autre pathologie de la rate » pour les séquestrations spléniques.
33 décès annuels.
Entre 1979 et 2004, 670 décès liés à la drépanocytose ont été recensés, dont 246 chez les 0-18 ans. Cette maladie était rapportée comme la cause initiale du décès dans 59,2 % des cas (n = 397) ; 68,7 % des cas (n = 167) entre 0 et 18 ans. «Nous avons été surpris de constater que la drépanocytose était mentionnée comme cause initiale à un âge avancé, jusqu'à 90ans», fait remarquer le Pr Krempf. Le nombre de décès annuels déclarés avec mention de cette maladie a augmenté progressivement, mais il reste faible : de 5 en 1979 à 41 en 2004. Depuis 1991, on note en moyenne 33 décès liés à la drépanocytose par an, «dont 10 entre la naissance et 18ans».
Sur l'ensemble de la période, un quart des décès ont eu lieu avant l'âge de 10 ans. Chez les enfants de moins de 5 ans, après une baisse régulière depuis 1996, une remontée modérée s'est produite au moment du changement de codage en 2000. Globalement, dans cette population, le nombre de décès a chuté de moitié en vingt-cinq ans. Une augmentation de l'âge moyen au décès a également été mise en évidence, et ce que la drépanocytose soit mentionnée comme cause initiale ou associée. De 25 ans pour la période 1981-1985, il est en effet passé à 35 ans en 2001-2004. Un âge plus faible que celui dont fait état la littérature nord-américaine, de 42 ans pour les hommes et 48 ans pour les femmes, mais qui est établi avec un codage différent. En France, l'augmentation récente de la prévalence de la drépanocytose explique probablement cette différence. «Il y a encore peu de drépanocytaires âgés en France.»
De 0 à 18 ans.
Dans la tranche d'âge 0-18 ans, la drépanocytose est signalée comme cause associée dans 64 cas pour la période 1979-1999 et dans 15 cas pour 2000-2004. Dans cette dernière période, elle est la cause initiale de 31 décès pour lesquels il y avait au moins une cause associée.
Quand la drépanocytose n'apparaît pas comme cause initiale déclarée, l'infection (32,9 %) ainsi que les maladies de l'appareil circulatoire (16,5 %) sont les plus fréquemment mentionnées. Après 2000, année à partir de laquelle davantage de renseignements sur la maladie ont été obtenus, les atteintes de l'appareil circulatoire sont passées en tête des causes initiales de décès. «Sur les vingt-cinq années étudiées, seulement quatre infections à pneumocoque sont rapportées, dont deux méningites et deux septicémies.» Aucune séquestration splénique ni syndrome thoracique aigu n'ont été mentionnés.
Pour obtenir des données plus fines sur la mortalité de la drépanocytose, il est important de bien remplir les certificats de décès et de préciser sa forme génétique pour le codage. Une amélioration de ce dernier est attendue dans le prochain CMI-11.
D'après la communication du Pr Odile Krempf, Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice.
Les hospitalisations
Les données PMSI 2004-2006 font état de 13 423 patients hospitalisés, dont la majorité réadmis au moins une fois au cours de ces trois années, soit 46 175 séjours. Pour 7 241 patients, la drépanocytose était codée en diagnostic principal ou relié. «On peut vraisemblablement évaluer la population des sujets présentant un syndrome drépanocytaire majeur à au moins 7000 patients», explique le Pr Krempf.
L'âge moyen d'hospitalisation est de 24 ans. 17,5 % des patients sont des enfants de moins de 5 ans et 9,7 % ont entre 5 et 9 ans. Au moment de la première hospitalisation, 975 enfants (7,3 %) ont moins de 1 an. «On peut donc considérer que tous les enfants dépistés sont hospitalisés au moins une fois.» Sur une période de douze mois, ils sont hospitalisés en moyenne trois fois, pour une durée moyenne de 3,3 jours, soit, au total, 8,8 jours.
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