Assurance des obstétriciens libéraux

Les discussions dans l’impasse, la colère à son comble

Publié le 24/07/2006
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MALGRÉ DE LONGUES tractations avec le gouvernement et les assureurs, le Syngof n’a pas réussi à obtenir la stabilisation des primes d’assurance que payent les obstétriciens libéraux (environ 30 000 euros en 2006), engagement qui figurait pourtant dans les accords sur la chirurgie d’août 2004 signés par Philippe Douste-Blazy, et qui n’a jamais été respecté.

La riposte sera à la hauteur de la déception. Car «l’avenir des maternités privées est en jeu», assure le Dr Guy-Marie Cousin, qui préside le Syngof. A une date « surprise », les obstétriciens libéraux sont donc appelés à suivre massivement le mouvement « La France sans bloc opératoire », avec les chirurgiens et les anesthésistes. Tous les accouchements non urgents vont être réorientés vers les hôpitaux publics avoisinants, avec les risques d’encombrement que cela comporte. Les maternités privées entendent prouver, par ce blocus, qu’elles sont indispensables dans le paysage hospitalier français.

Sur le terrain, l’impatience est palpable. Parmi le millier d’obstétriciens libéraux en exercice, des dizaines se disent prêts à jeter l’éponge. Comme le Dr Jacky Garriot, à Compiègne, qui a pris une décision irrévocable : «J’arrête l’obstétrique dans dix-huit mois. A la place, je vais faire de la gynécologie médicale: j’y perdrai financièrement, mais je n’aurai plus la même pression. En obstétrique, explique ce praticien, le poids médico-légal est trop lourd, c’est infernal. Chaque décision est polluée par la menace d’un procès. L’autre jour, j’ai craqué sous la pression d’une patiente, je lui ai fait une césarienne car elle a insisté; ce n’est pas du bon travail d’obstétricien.»

Le Dr Garriot exerce dans l’unique maternité privée de l’Oise, avec deux autres obstétriciens. L’un de ses deux confrères s’interroge également. «J’ai bientôt 49ans. Je n’envisage pas de poursuivre à ce rythme jusqu’à 65ans, sans être reconnu et sans gagner correctement ma vie. Si j’arrête, la maternité fermera», explique le Dr Christian Troivaux, atterré par la flambée des primes d’assurance : «J’ai payé 5000euros en 2001, et 20000euros cette année. L’aide de l’assurance-maladie ne suffit pas. Et rien n’indique que ça ne passera pas demain à 50000euros. Ma décision dépendra de l’évolution de nos primes d’assurance.»

Vers une taxe collective ?

Le ministère de la Santé a retourné le problème dans tous les sens ces derniers mois. Pour finalement conclure que le gouvernement n’est pas habilité à dicter les tarifs des assureurs privés. A la place, Xavier Bertrand semble décidé à vouloir alléger l’indemnisation des victimes à la charge des assureurs. Si cette piste de l’écrêtement est retenue, le plafond au-delà duquel l’indemnisation est transférée sur la solidarité nationale sera donc abaissé – de 6 millions d’euros aujourd’hui, ce plafond pourrait descendre à 1 ou 1,5 million d’euros. Ce qui devrait conduire à une baisse des primes des obstétriciens, argumente le ministère.

Pour financer ce transfert de charges vers la solidarité nationale ( via l’Oniam), le ministère envisage l’instauration d’une taxe sur les contrats de RCP de l’ensemble des médecins libéraux. Ce qui reviendrait à mutualiser le risque obstétrical sur l’ensemble de la profession.

La Mutulle d’assurances du corps de santé français (Macsf) défend cette idée. Si l’écrêtement n’est pas instauré, cette compagnie d’assurances résiliera en fin d’année, comme elle l’a annoncé, les contrats des 500 obstétriciens qu’elle couvre. Reste à convaincre les 120 000 médecins libéraux de l’Hexagone de mettre la main à la poche pour aider financièrement leurs confrères accoucheurs. Michel Dupuydauby en appelle à leurs bons sentiments : «Il ne faut pas parler de taxe, mais de contribution de solidarité. Les médecins doivent comprendre que ce serait un signe fort vis-à-vis de la société française, s’ils se montraient prêts à régler un problème dont le gouvernement n’a pas voulu s’occuper», déclare le directeur général de la Macsf.

Concrètement, en cas de mutualisation, la prime de chaque médecin libéral gonflerait d’environ 5 ou 6 % par an – soit, par exemple, 7 euros pour un généraliste et 20 euros pour un ophtalmologue, calcule rapidement le DG de la Macsf.

Mais l’idée embarrasse le Syngof, qui ne veut pas se mettre à dos toute la profession. Pour le Dr Cousin, il n’y a d’autre solution acceptable que celle d’un engagement écrit des assureurs à baisser leurs tarifs. Au ministère, on a définitivement écarté cette hypothèse, liberté du marché oblige. Les discussions vont se poursuivre tout l’été avec les assureurs et les spécialistes libéraux. Xavier Bertrand devrait officiellement présenter ses arbitrages sur cet épineux dossier à la rentrée.

Les pédiatres soutiennent la France sans bloc

Le Snpf (Syndicat national des pédiatres français) a apporté son soutien au mouvement de protestation « La France sans bloc opératoire » lancé hier par les chirurgiens, certains anesthésistes et obstétriciens dans les cliniques privées (« le Quotidien » du 20 juillet). «Comprenant» la colère de leurs confrères, les pédiatres dénoncent pour leur part «l’insuffisance de reconnaissance des conditions d’astreinte dans les petites maternités et des actes pratiqués par les pédiatres en maternité, dont certains ne sont toujours pas rémunérés ou dont la valeur est restée figée depuis plus de huit ans». Ils brandissent le spectre d’une «désertion des pédiatres en maternité».

Egalement :
> Grève dans les cliniques privées : « la France sans bloc opératoire » et bientôt sans accouchements ? (24/07/06)
> Veillée d’armes dans les cliniques (2O/07/06)

> DELPHINE CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7996