C'EST UNE PÉTITION en forme de lettre ouverte que les directeurs de recherche des instituts Cochin, Pasteur et Curie adressent au gouvernement*. Le ton n'est pas désespéré mais il est quand même très préoccupé : « Croire que l'on peut limiter la recherche à quelques axes prioritaires pour la société, c'est entrer dans une logique de sous-développement », écrivent-ils. « En France, dénoncent-ils plus loin, nous assistons à un abandon de la recherche fondamentale par l'Etat. Cette politique entraînera irrémédiablement à sa suite un effondrement de toute recherche appliquée. »
La recherche publique asphyxiée.
Qu'en est-il donc du vœu, réitéré en début d'année par le président Jacques Chirac, de faire de la recherche scientifique un secteur prioritaire de la France ? Le gouvernement va-t-il tenir sa promesse de hisser l'effort national de recherche de 2 à 3 % d'ici à l'an 2010 ? Ils ne sont plus beaucoup à le croire, depuis deux ans que les chercheurs se mobilisent. « Le gouvernement est en train de faire un grand écart qu'il ne pourra bientôt plus tenir : il y a un tel contraste entre les déclarations officielles et la réalité, explique au « Quotidien » Alain Trautmann, codirecteur de département à l'institut Cochin (Inserm-Cnrs). Le secteur de la recherche publique est asphyxié. Nous ne voulons pas nous rendre complice » (de la politique du gouvernement).
Le problème central, selon Alain Trautmann, est celui de l'avenir des jeunes, doctorants ou postdocs. « Il y a des jeunes avec qui nous travaillons dans notre laboratoire, et que j'estime très bons, qui envisagent d'arrêter la recherche, constate-t-il. Ce n'est pas par manque de capacités ni de passion, mais par manque de perspectives. L'annonce du nombre de recrutements de jeunes chercheurs a été la goutte d'eau. Pour l'INSERM par exemple, les recrutements de jeunes chercheurs passent de 95 en 2002 à 30 en 2004 ».
Il manque des millions.
Les scientifiques signataires de la pétition (biologistes, mais aussi physiciens, archéologues et autres) demandent que « le nombre de possibilités d'embauche proposées aux jeunes chercheurs pour les concours 2004 soit significativement augmenté ». Ils réclament, par ailleurs, que les dotations (de 2002) soient intégralement et immédiatement versées aux organismes publics. En décembre dernier, le nouveau directeur général du Cnrs, Bernard Larrouturou, avait dû reculer la réunion du conseil d'administration de l'établissement, faute de pouvoir boucler le budget 2004. Le ministère de la Recherche avait répondu en annonçant le versement de 113 millions d'euros en 2004. Il reste encore toutefois 59 millions d'euros non payés sur les crédits mis en réserve en 2002. A l'Inserm, 12 millions sur les 26 dus au titre de l'année 2002 ont été versés à l'organisme.
Les signataires demandent enfin que soit mise en chantier, « dans les plus brefs délais », la préparation d'Assises nationales de la recherche, avec les acteurs économiques et politiques concernés, « dont l'exemple pourrait être le colloque de Caen qui fut à l'origine du renouveau spectaculaire de la recherche française dans les années 1960 ». Les directeurs de recherche souhaitent ainsi la mise en place d'une politique pluriannuelle « offrant des perspectives d'embauche et de carrière attractive pour les jeunes chercheurs ».
Sans réponse du gouvernement, ils promettent de présenter, d'ici à quelques semaines, « la démission collective de leurs fonctions de direction ».
* recherche-en-danger.apinc.org.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature