La Conférence nationale des directeurs généraux de CHU est inquiète. « Sous la pression des corporatismes », les chantiers que le ministre de la Santé a ouverts pour réformer l'hôpital public vont-ils tomber en panne ? En particulier, la colère des médecins et des personnels va-t-elle conduire Jean-François Mattei à mettre de l'eau dans le vin de la révision programmée de l'organisation interne des hôpitaux et de leur management - la fameuse réforme de la « gouvernance » des établissements ?
La question préoccupe d'autant plus les directeurs de CHU qu'ils estiment que nombre des aménagements prévus sont indispensables à la mise en uvre de la tarification à l'activité (la « T2A », qui commence à entrer en application le 1er janvier prochain). « La réforme de l'hôpital - aujourd'hui sclérosé - est extrêmement importante, explique Daniel Moinard, qui préside leur Conférence. Son socle est la T2A qui, elle, n'attend pas. Il faut donc que le reste suive. »
Pour Daniel Moinard, le « reste », c'est la réorganisation interne de l'hôpital, l'installation d'un exécutif fort et rénové, le passage à un mode de management moderne. Trois outils sans lesquels les hôpitaux, à son sens, n'arriveront à rien. Car « la réforme engagée ne peut pas se vendre par appartement ».
En matière d'organisation interne, le président de la conférence rappelle que l'hôpital doit passer « des services, qui ont vécu, aux pôles, plus larges, pilotés par des médecins désignés localement et chefs de centre de responsabilité ». Pourquoi ce changement ? Parce qu' « à partir du moment où on appliquera la T2A, il faudra mettre les acteurs de l'hôpital en capacité de participer aux décisions. Au niveau des services, qui n'ont pas la taille critique nécessaire, qui figent les situations..., ce n'est pas possible ».
Pour ce qui concerne le futur exécutif de l'hôpital, les directeurs de CHU (qui se sont mis d'accord au printemps dernier avec leurs présidents de CME sur le principe d'un « conseil stratégique ») soutiennent globalement les dernières propositions des pouvoirs publics : celles d'un « conseil de politique générale ». « Il faut une lisibilité forte, plaide Daniel Moinard ; l'exécutif doit être clairement identifié et le pilotage médico-économique de l'établissement doit relever d'un engagement collectif. C'est nécessaire parce qu'il n'y aura pas que des gagnants avec la tarification à l'activité, il y aura aussi des perdants... »
Au chapitre du management, enfin, c'est de contractualisation qu'a besoin la T2A, explique la conférence. Des contrats doivent lier à leur hôpital les chefs de pôle ( « et pas seulement sur des données budgétaires mais aussi sur des paramètres de qualité, des indicateurs de performance, de bonne pratique... » précise Daniel Moinard) comme tous les acteurs de l'institution. Et donc les médecins. « Il faut que l'on puisse contractualiser avec les médecins - nommés par le ministre s'ils le souhaitent mais pas affectés par lui à un service », insistent les directeurs de CHU.
Daniel Moinard comprend fort bien que cette réforme fasse peur - « Elle remet en cause beaucoup de situations acquises, qu'autorisaient le budget global mais que ne permettra plus la T2A. L'allocation de ressources aux hôpitaux va être directement dépendante de leur activité. C'est une révolution à la fois culturelle et économique, qui a pour corollaire la responsabilisation des acteurs » - mais il engage les pouvoirs publics à ne pas lâcher de lest. Ne serait-ce qu'au nom du bon sens : « On va donner plus aux performants. Cela signifie qu'on va donner moins aux autres. S'il faut attendre le feu vert du ministre chaque fois qu'un arbitrage sera nécessaire, ça ne marchera pas ».
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