GANESH SHANKAR, Dennis Selkoe et coll. (Dublin et Boston) ont travaillé à partir de cortex frontal et temporal de cerveaux d'humains de plus de 65 ans décédés après avoir présenté une démence confirmée par la neuropathologie – plusieurs MA, et un adulte ayant eu une trisomie 21 avec une MA – et chez des sujets exempts de démence. Ils se sont appuyés sur des techniques innovantes pour préparer des extraits contenant différentes formes d'agrégats de peptide bêta-amyloïde : des monomères, des dimères, des trimères et des agrégats plus importants (formes solubles), ainsi que des plaques (insolubles).
Les extraits ont été injectés dans des cerveaux de rats normaux et testés sur des tranches d'hippocampe de souris.
Shankar et coll. découvrent que les extraits contenant les monomères solubles et les plaques n'ont pas d'effets sur les tranches d'hippocampe. Pas plus que les extraits de cerveaux normaux. En revanche, les dimères inhibent la LTP (potentiation à long terme), augmentent la dépression à long terme (LTD) et réduisent de manière significative (de 47 %) la densité en dendrites qui reçoivent des messages envoyés par d'autres cellules cérébrales.
Des effets directs sur les synapses.
Ainsi, remarquent-ils, les dimères de peptide bêta-amyloïde semblent avoir des effets directs sur les synapses. Les extraits de plaque insoluble à partir de cortex de MA ne provoquant pas d'altération de la LTP, sauf si ils ont été préalablement solubilisées pour libérer des dimères. «Ce qui suggère que les plaques sont majoritairement inactives, mais qu'elles séquestrent des dimères bêta-amyloïdes qui sont synapsotoxiques.» Chez les rats normaux, les dimères produisent une altération de la mémoire dans le cadre des apprentissages d'un nouveau comportement (tâche apprise d'évitement).
Pour confirmer ces effets, les chercheurs ont ensuite injecté des anticorps contre les fragments de peptides bêta-amyloïde (l'administration passive d'anticorps monoclonaux contre le peptide BA est entrée en phase de test chez les humains). Sur les modèles animaux, ils observent qu'ils se fixent aux dimères, les inactivent et empêchent leurs effets toxiques. Sur les tranches d'hippocampe, les anticorps empêchent les déficits en LTP et en LTD.
Des dimères solubles et un peu de trimères.
Ces observations sur les modèles et les tissus animaux s'accordent avec ce que les chercheurs observent sur les cerveaux humains. Ils détectent des dimères solubles et un peu de trimères de peptides BA dans les cerveaux de patients ayant eu une MA, mais seulement de très faibles quantités de ces composés chez les sujets exempts de la maladie. Ils remarquent toutefois la présence de plaques amyloïdes insolubles dans les cerveaux normaux, ce qui avait déjà été rapporté.
Il reste maintenant à comprendre pourquoi les dimères, en particulier, sont aussi destructeurs pour les neurones. «Une réduction de la densité des synapses est le trait neuropathologique le plus fortement corrélé au degré de démence dans la MA. La corrélation avec les plaques est faible.» Les observations montrent que les dimères sont suffisants pour perturber la physiologie des synapses et corroborent le concept émergent, selon lequel les tout premiers effets des peptides BA dans la MA sont représentés par des altérations subtiles des fonctions synaptiques. Une perturbation de la transmission synaptique glutamatergique est fortement suspectée.
« Nature Medicine », publication avancée en ligne.
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