LE SYNDROME de l’intestin irritable (SII) est caractérisé par l’association de douleurs abdominales et de troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux). Selon les critères de Rome II, le diagnostic repose sur la présence pendant les douze derniers mois d’une douleur ou d’un inconfort abdominal pendant au moins douze semaines consécutives avec association de deux des trois caractéristiques suivantes : soulagement par la défécation, modification de la fréquence des selles et/ou modification de l’apparence des selles.
Sur la base de ces critères, la prévalence du SII est de 4 à 6 % dans la population générale. Des taux de prévalence beaucoup plus élevés – jusqu’à 65 % – sont retrouvés dans des travaux plus anciens adoptant des critères diagnostiques moins précis. Les femmes sont plus touchées que les hommes. Et les symptômes liés au SII motivent de nombreuses consultations et examens complémentaires (en premier lieu la coloscopie). Quoi qu’il en soit, le SII touche au bas mot 2 millions de personnes en France, avec des conséquences non négligeables en termes d’altération de qualité de vie et de coûts de la santé.
Deux hypothèses physiopathologiques.
En dépit de sa grande fréquence, le SII reste une pathologie aux mécanismes physiopathologiques incomplètement élucidés. Deux hypothèses sont développées. Le premier mécanisme repose sur un dysfonctionnement de la communication entre le système nerveux entérique et le système nerveux central, à l’origine d’une hypersensibilité viscérale. L’accent est mis actuellement sur le rôle potentiel d’une micro-inflammation et de perturbations de cellules immuno-compétentes telles que les mastocytes, au contact des terminaisons sensitives digestives.
Le deuxième mécanisme physiopathologique évoqué concerne les troubles de la motricité. Des anomalies motrices ont été identifiées au niveau de l’intestin grêle : activité cyclique propagée trop fréquente et atteignant l’iléon terminal, courtes salves de contractions rythmiques jéjunales, contractions iléales de grande amplitude propagée de l’iléon au caecum. En fait, il est probable que les deux mécanismes interagissent : des troubles moteurs pourraient engendrer une douleur chez un patient avec une hypersensibilité viscérale ; et, inversement, une hypersensibilité viscérale pourrait déclencher des réactions motrices anormales.
Antispasmodiques et poussées douloureuses.
«La prise en charge thérapeutique du SII demeure un challenge pour le clinicien, surtout lorsque les symptômes sont anciens et lorsque le fond douloureux chronique est quasi permanent», explique le Pr Philippe Ducrotté (Rouen). Les antispasmodiques sont utiles pour soulager la douleur. Un essai récent a comparé le phloroglucinol/triméthylphloroglucinol (P/TMP) à un placebo sur l’intensité des poussées douloureuses chez des patients avec un SII. Trois cent sept patients recevaient deux comprimés trois fois par jour de P/TMP ou de placebo pendant sept jours. Ce travail a montré : une réduction significative de l’intensité douloureuse à sept jours dans le groupe P/TMP comparé au groupe placebo (25,9 vs 33,7 p=0,004) ; un taux de répondeurs plus élevé dans le groupe traitement actif (62,3 % vs 47,0 % p=0,011) ; et un meilleur soulagement de la douleur (mesuré par l’échelle de Lickert).
A côté des antispasmodiques, d’autres mesures sont proposées, même si toutes n’ont pas fait la preuve de leur efficacité réelle. Ainsi, l’enrichissement en fibres de l’alimentation, souvent proposée, ne semble être justifié par aucun essai rigoureux. De même, le rôle délétère de certains aliments sur le déclenchement des crises, décrit par les patients, n’a jamais été confirmé dans des études sérieuses. Cependant, des données récentes suggèrent qu’un régime d’exclusion alimentaire dicté par la présence dans le sérum d’IgG spécifiques dirigées contre certains composants alimentaires pourrait être utile.
« Lorsque les malades ne sont pas améliorés par les options pharmacologiques classiques –et que la persistance de la douleur ne s’explique pas par une composante non viscérale (douleur pariétale, douleur projetée à point de départ vertébral)–, le médecin est assez démuni », reconnaît le Pr Ducrotté. Des antidépresseurs sont parfois proposés : les tricycliques à faible dose ont fait la preuve de leur intérêt (niveau de preuve B) alors que celui des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine reste à établir. Les articles évaluant le bénéfice des alternatives thérapeutiques non médicamenteuses (hypnose, relaxation, psychothérapie comportementale…) se multiplient. Ces approches amélioreraient surtout le vécu des symptômes par le patient.
Enfin, certains auteurs ont proposé d’agir sur le contenu luminal. Quelques équipes défendent le principe d’un traitement antibiotique pour traiter une pullulation bactérienne intestinale qui serait plus fréquente au cours du SII ; mais cette approche est fortement contestée par d’autres équipes. Le recours à un traitement probiotique constitue une autre voie de recherche. Plusieurs travaux laissent entrevoir des résultats prometteurs, mais une des difficultés reste l’identification des souches bactériennes intéressantes.
Au total, le traitement du SII demeure difficile, non seulement du fait de l’hétérogénéité des patients, mais aussi en raison de la relative méconnaissance des causes et des mécanismes de la maladie. Dans ce contexte, la prescription d’antispasmodiques lors des poussées douloureuses est une option intéressante.
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