Lors d'un problème d'allergie au venin d'hyménoptères, les discordances ne sont pas rares entre les tests cutanés et les tests sanguins. Il apparaît important de bien connaître leurs limites pour une meilleure interprétation des résultats.
L'ENTOMOLOGIE risque fort d'être une des sciences vedettes du XXIe siècle, du fait notamment du réchauffement climatique, de la multiplication et du déplacement des insectes piqueurs. De nouvelles maladies apparaissent et les problèmes d'allergie se multiplient.
Les insectes (plus d'un million d'espèces !) peuvent être à l'origine de pathologies très diverses, souvent bénignes, mais aussi potentiellement sévères car nombre d'entre eux font partie des cycles épidémiologiques et sont susceptibles de transmettre divers agents pathogènes.
La réaction locale la plus fréquente est un oedème prurigineux, localisé à l'endroit de la piqûre qui évolue vers une papule et, parfois, une bulle. Ces lésions peuvent être multiples et à l'origine de complications infectieuses locales (impétigo, cellulite infectieuse, pyodermite) ou générales (septicémie). «Par ailleurs, beaucoup d'insectes peuvent être à l'origine de manifestations d'intolérance ou de réactions allergiques sévères: par injection de venins (hyménoptères), par morsure (insectes hématophages, moustiques, puces…) ou encore par contact (insectes urticants et vésicants)», a expliqué le Dr Jean-Louis Brunet.
Des allergènes différents d'une espèce à l'autre.
L'ordre des hyménoptères regroupe 91 familles et 198 000 espèces avec deux sous-ordres, les symphites, plus primitifs, et les apocrites. Le genre Apis qui regroupe les abeilles est formé de quatre espèces seulement : Apis mellifera, A. dorsata, A. florea et A. cerana dont la répartition et le comportement (plus ou moins agressif) sont variables selon les continents. Les bourdons, reconnaissables à leur pilosité fournie, ne piquent que rarement et si on les provoque. Les guêpes et les frelons se distinguent par leurs corps et leurs couleurs correspondant à de nombreuses espèces réparties en plusieurs familles : sphécidés, pompilidés, vespidés… de répartition variable.
Les piqûres des abeilles, guêpes et frelons sont souvent très douloureuses. Certains venins sont plus agressifs, notamment ceux des espèces sociales. La composition des venins est complexe. «Les allergènes majeurs sont partiellement différents d'une espèce à l'autre. Les venins européens de guêpes polistes (dominulus et gallicus) ont des allergènes spécifiques avec une réactivité croisée élevée. En revanche, la réactivité n'est que partielle entre les venins des espèces américaines et européennes», a souligné le Dr Jean-Louis Brunet.
Il est important de prendre en compte la possibilité de réaction croisée chez les patients allergiques.
En effet, les protéines les plus allergisantes du venin de vespidés sont la phospholipase A1 et l'hyaluronidase Ves et celles du venin d'abeille sont la phospholipase A2 et l'hyaluronidase Api. «Différentes études ont montré que les réactions croisées étaient dues à des fragments protéiques situés sur les hyaluronidases d'abeilles et de vespula alors que les phospholipases présentent peu de réactions croisées», a déclaré Laurence Guilloux (Lyon).
Intérêt et limites de la biologie.
La prévalence des réactions allergiques systémiques se situerait entre 0,3 et 7,5 %. Elles nécessitent un diagnostic précis de leur gravité et de l'espèce d'hyménoptère incriminée. Le but est d'optimiser la prise en charge et de prévenir la survenue de réactions anaphylactiques sévères et leurs conséquences à la suite d'une nouvelle piqûre d'hyménoptère.
Le diagnostic de l'allergie au venin d'hyménoptères repose sur l'interrogatoire, les tests cutanés (TC) et les tests biologiques in vitro, au premier rang desquels le dosage des IgE spécifiques. En effet, différents cas de figures sont possibles.
Certains patients présentant des réactions systémiques après piqûres d'hyménoptères peuvent avoir des tests cutanés négatifs. Un dosage des IgE spécifiques est alors recommandé chez ces patients ayant une histoire clinique évocatrice (réaction systémique) et des TC négatifs. Dans ce cas, la positivité des IgE spécifiques doit être un argument majeur dans la décision d'une immunothérapie spécifique. Le dosage des IgE spécifiques est moins sensible que les tests cutanés (60 à 80 %). «Il existe deux techniques, CAP System Phadia et 3 G Allergy Siemens Immulite qui ne sont pas interchangeables en termes de suivi», a précisé Laurence Guilloux.
«De plus, 25 à 40% des patients allergiques présentent une double sensibilisation abeille et guêpe en test in vitro. Cela est dû à une allergie croisée liée à la présence de déterminants allergéniques carbohydrates (CCD). Un RAST spécifique au CCD avec un test d'inhibition permet d'identifier la véritable allergie.» Le dosage des IgG spécifiques, quant à lui, n'est pas recommandé.
Le taux de tryptase totale est un marqueur utile de risque de réactions sévères, en cas de TC et IgE négatifs. Des concentrations élevées (> 10 microgrammes/l) de tryptase reflètent une augmentation du nombre de mastocytes et indiquent un risque accru de réactions sévères lors de piqûres d'insectes et lors d'injections de venins en ITS.
Enfin, si les IGE spécifiques sont négatives, dans les cas difficiles, il peut être utile de pratiquer en complément un test d'activation des basophiles (TAB) qui présente une meilleure sensibilité (85-100 %).
Session « Allergie au venin d'hyménoptère » organisée en coordination avec le Groupe Insectes Piqueurs de la SFAIC, d'après les communications du Dr Jean-Louis Brunet (Lyon), de Laurence Guilloux (Lyon), et du Dr Jean-Marc Rame (Besançon).
Un forum pour les cas difficiles
«Malgré les recommandations européennes sur le diagnostic et le traitement de l'allergie aux venins d'hyménoptères, certains patients sortent du cadre et posent des problèmes qu'il est apparu important de pouvoir discuter en groupe afin de proposer la meilleure solution», a expliqué le Dr Jean-Marc Rame. C'est ainsi qu'a été décidée par le « groupe insecte (GI) », émanation de la SFAIC et de l'ANAFORCAL, la création d'un forum sur Internet pour ces cas difficiles. Le fonctionnement en est simple : les échanges de courriels de membres du GI sont centralisés par un « coordinateur ». Depuis sa création fin 2006, 28 cas difficiles ont été discutés. Cet outil permet de rompre l'isolement du praticien et lui apporte l'expertise d'un groupe de collègues.
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