Généralités
Une meilleure connaissance des facteurs de risque a permis d'améliorer la prévention de ce terrible drame que représente la mort subite d'un nourrisson en bonne santé apparente jusque-là. L'adoption pour le couchage du nourrisson d'une position dorsale a permis dans tous les pays où il a été systématiquement adopté de diminuer considérablement la fréquence de la mort subite sans la faire complètement disparaître. D'autres facteurs de risque comme le tabagisme ambiant sont apparus, qu'il importe également de prendre en considération pour améliorer la prévention ; par ailleurs et malgré de nombreuses études et recherches, le mécanisme intime de la mort subite est encore loin d'être complètement élucidé.
Définition
La mort subite du nourrisson (MSN) est le décès subit et inattendu d'un nourrisson de moins de 1 an jusque-là en bonne santé. Le risque est maximal entre 2 et 3 mois et 90 % des MSN surviennent avant 6 mois.
On devrait lui préférer le terme de mort subite inexpliquée (Msin) ; il s'agit de la mort d'un nourrisson de moins de 1 an qui reste inexpliquée après la réalisation d'une enquête complète post-mortem incluant une autopsie et l'étude détaillée des circonstances du décès. Dans la réalité, cependant, nombre d'enfants décédés, du moins en France, ne subissent pas d'autopsie ; c'est pourquoi le terme de mort subite du nourrisson a progressivement remplacé celui de mort subite inexpliquée.
Position de couchage
On sait maintenant de façon certaine que le facteur principal est le couchage du nourrisson en position ventrale ; dès 1980, des publications australiennes ou néo-zélandaises avaient attiré l'attention sur les risques du décubitus ventral. L'abandon du décubitus ventral en Norvège, en Suède, en Autriche et en Irlande à partir des années 1990 fait baisser de moitié le nombre annuel de morts subites. En France démarre en 1993, sous l'égide du ministère de la Santé, une campagne d'information invitant à coucher les nourrissons sur le dos dès les premiers jours de vie. Le taux de MSN pour 1 000 naissances passe de 1,74 en 1992 à 0,61 en 1996.
Facteurs individuels
- Les garçons sont un peu plus fréquemment atteints mais le facteur le plus important concerne le poids de naissance. Une enquête au Royaume-Uni a montré que la fréquence de la mort subite est neuf fois plus élevée chez les enfants pesant à la naissance entre 1 500 et
2 000 g que chez ceux ayant un poids de naissance supérieur à 3 500 g. Le risque touche aussi bien les prématurés que les retards de croissance intra-utérins.
On a pu penser que l'origine ethnique jouait un rôle en raison de la faible fréquence de la MSN dans les populations asiatiques mais l'environnement semble beaucoup plus déterminant qu'un éventuel facteur génétique car, pour les immigrants venant d'une région à bas risque, la fréquence de la MSN tend à se rapprocher de celle observée dans le pays d'immigration.
Le rôle d'une éventuelle infection a été envisagé en raison de l'âge habituel de la MSN entre 2 et 4 mois, période où chute le taux des anticorps maternels mais aucune relation certaine n'a encore pu être établie entre MSN et infection
bactérienne ou virale.
Facteurs environnementaux
- La prévalence de la MSN est deux ou trois fois supérieure chez les enfants nourris au biberon que chez ceux nourris au sein. Cependant, l'effet bénéfique de l'alimentation au sein est beaucoup moins net si l'on compare des groupes semblables quant aux conditions économiques et au tabagisme maternel.
- Le rôle possible de l'allergie a été discuté dans certaines observations. Une étude a montré que le test de dégranulation des basophiles était franchement positif chez les enfants ayant survécu à un malaise grave alors qu'il était négatif dans un groupe témoin.
- Pour ce qui concerne l'environnement familial, le rôle du tabagisme ambiant est maintenant établi. Depuis que s'est généralisée l'adoption de la position dorsale du sommeil, le tabagisme pourrait devenir le principal facteur de risque. De multiples études épidémiologiques montrent que le risque lié au tabac pendant la grossesse est multiplié par deux ou trois par rapport à une population témoin. On sait tout d'abord que le tabagisme entraîne une hypotrophie fœtale ; on sait aussi que l'exposition anténatale à la nicotine a des conséquences sur la maturation et la différenciation du tissu pulmonaire et son innervation, même si le mécanisme intime de l'action de la nicotine reste inconnu. L'hypoxie fœtale chronique entraînée par la réduction du flux placentaire et l'élévation du taux de carboxyhémoglobine fœtal, entraînant à son tour une altération du développement du système nerveux central, a été l'une des explications avancées. L'influence du tabagisme ambiant postnatal est plus difficile à étudier séparément car les mères qui fument après la naissance fumaient déjà pendant leur grossesse mais un environnement tabagique du nourrisson augmente également le risque de mort subite. - Les effets de l'alcoolisme maternel ou la consommation de caféine pendant la grossesse sont souvent difficiles à séparer de ceux de la cigarette mais pris indépendamment, ils ne semblent pas avoir d'influence sur la fréquence des MSN.
- Partager le lit de la mère semble un facteur de risque supplémentaire pour le nourrisson : les mécanismes invoqués sont l'étouffement pendant le sommeil de la mère, l'hyperthermie, l'inspiration par le nourrisson du CO2 exhalé par la mère. Le type de couchage a également été étudié. Le risque est augmenté lorsque le matelas est mou, que la tête du nourrisson repose sur un coussin ou qu'il est recouvert pour dormir de duvets ou de couettes.
- Enfin, le risque de MSN chez un jumeau survivant est notablement accru dans les semaines qui suivent le décès.
Mécanismes multiples et complexes
Cette revue des principaux facteurs de risque et les nombreuses études expérimentales ne permettent pas encore de démonter le mécanisme de la MSN, certains nourrissons soumis à ces facteurs de risque évoluant vers la MSN alors que d'autres placés dans le même environnement ne présenteront aucun trouble. Les mécanismes menant à la mort subite sont multiples, complexes, en interrelation les uns avec les autres. Tout se passe comme si les nourrissons frappés par la mort subite possédaient une faiblesse inapparente qui ne va devenir évidente que lors d'un stress inhabituel. Il pourrait s'agir d'un retard dans le développement des centres nerveux régulateurs de la respiration ou du système cardio-vasculaire ou des centres chémorécepteurs carotidiens.
Résumé
Si la connaissance des mécanismes intimes qui conduisent à la mort subite d'un nourrisson reste encore imparfaite, ses principaux facteurs de risques ont été mis en exergue au cours des quinze dernières années. Au premier rang de ces facteurs de risque figure la position ventrale du sommeil qui doit maintenant être abandonnée au profit de la position dorsale. D'autres facteurs de risque comme le tabagisme pendant la grossesse, voire le tabagisme ambiant, sont actuellement soulignés. La connaissance de ces facteurs de risque doit conduire le médecin de famille à participer activement par ses conseils à la prévention de la mort subite.
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