par les Dr JEAN-CHRISTOPHE MAIZA et Pr PHILIPPE CARON*
APRES EN AVOIR FAIT le diagnostic chez un patient présentant une thyréotoxicose, le traitement médical d'une maladie de Basedow repose sur les antithyroïdiens de synthèse (ATS) qui se répartissent en deux classes : les imidazolés, carbimazole (Néo-Mercazole) et les dérivés de l'uracile, le propylthio-uracile ou PTU (Proracyl) et le benzylthiouracile (Basdène).
Les mécanismes d'action des ATS sont essentiellement intrathyroïdiens. Ils sont activement concentrés dans la thyroïde et inhibent l'activité de la thyroperoxydase. Le PTU a également un effet périphérique en inhibant la conversion périphérique de T4 en T3. Par ailleurs, les ATS présentent des effets immunosuppresseurs avec une diminution du taux des anticorps antirécepteurs de la TSH, effet cependant controversé.
Le traitement médical est proposé de manière générale lors d'une première poussée de maladie de Basedow. L'ATS est débuté à une posologie en fonction de l'importance de la thyréotoxicose clinique et hormonale : 40-60 mg par jour pour le carbimazole, 300-450 mg par jour pour le PTU pour une thyréotoxicose franche. L'avantage pratique du carbimazole repose sur la possibilité d'une prise unique, favorisant l'observance thérapeutique. Le contrôle de l'hyperthyroïdie est généralement obtenu en trois à six semaines. Parallèlement au traitement par les ATS, un traitement par bêtabloquant et anxiolytique sera instauré lors de la phase d'hyperthyroïdie à visée symptomatique.
Deux schémas pharmacologiques.
Après cette phase initiale, deux options sont alors possibles ; il s'agit :
– soit de maintenir une « forte » posologie des ATS (de 20 à 30 mg par jour pour le carbimazole) associé à un traitement substitutif par lévothyroxine dont la posologie sera adaptée sur la TSH seule après que celle-ci a été défreinée. Une posologie de lévothyroxine de 1,6 µg/kg/jour est habituellement nécessaire ;
– soit de réduire la posologie de l'ATS pour maintenir une euthyroïdie clinique et hormonale.
Le bénéfice d'une stratégie par rapport à l'autre n'est pas clairement établi. La durée du traitement médical sera de dix-huit mois ; une durée inférieure à un an exposant à un risque de rechute supérieur et un traitement de plus de vingt-quatre mois n'apportant pas de bénéfice supplémentaire (sauf lors d'une maladie de Basedow chez l'enfant ou l'adolescent).
Un traitement par les ATS impose une surveillance du fait de possibles effets secondaires. L'agranulocytose (polynucléaires neutrophiles < 500 /mm3) est grave et nécessite l'arrêt du traitement. Son mécanisme est immuno-allergique et survient le plus souvent dans les trois premiers mois de traitement. Il est recommandé de surveiller la formule leucocytaire de façon hebdomadaire pendant 4-6 semaines à l'initiation du traitement et à tout moment en cas de syndrome infectieux général ou ORL. La nécrose hépatocellulaire est rare, et plus fréquemment rapportée chez le sujet âgé lorsque de fortes posologies d'ATS sont utilisées. Les autres effets indésirables graves sont exceptionnels (thrombopénie, syndrome lupique, vascularite) et le plus souvent régressifs à l'arrêt du traitement. D'autres complications mineures peuvent survenir, notamment une urticaire, des arthralgies. En cas de complication majeure, il est préférable de ne pas substituer par un autre ATS car des réactions croisées sont fréquentes.
Malgré un traitement médical bien conduit, le risque de récidive ou de rechute est de l'ordre de 50 %, le plus souvent dans les trois mois après arrêt du traitement et de 90 % dans les trois ans, ce qui impose une surveillance au décours d'un traitement par ATS. Plusieurs facteurs constituent un risque de rechute : le sexe masculin, un tabagisme actif, l'importance initiale de l'hyperhormonémie, un volumineux goitre vasculaire et un taux important d'anticorps antirécepteurs de la TSH en fin de traitement.
Chirurgie ou iode 131.
Le traitement chirurgical est envisagé en cas de récidives de maladie de Basedow après un traitement médical bien conduit, ou en première intention en cas d'effets secondaires, de contre-indication ou de non-compliance aux ATS ; il est également envisagé selon certains auteurs, lorsqu'il existe une orbitopathie ou un projet de grossesse à court terme. Il repose sur une thyroïdectomie macroscopiquement totale, garante de l'absence de rechute, mais qui expose aux risques d'hypoparathyroïdie postopératoires et d'atteinte récurrentielle. Il ne se conçoit qu'après restauration de l'euthyroïdie par les ATS pour éviter tout risque de crise thyréotoxique per- ou postopératoire. En préopératoire immédiat, une préparation par l'iode inorganique (solution de Lugol fort) diminue la vascularisation du goitre, en facilite l'exérèse et diminue les complications hémorragiques. Ce traitement ne doit pas excéder quinze jours, au risque d'un échappement ultérieur et de crise thyréotoxique. En postopératoire, le patient bénéficiera d'un traitement substitutif par lévothyroxine.
Le traitement radio-isotopique par l'iode131 est volontiers proposé chez le sujet âgé (femme postménopausique), surtout si le goitre est de petite dimension, en cas de récidives d'hyperthyroïdie ou en première intention. Un traitement préalable par ATS est nécessaire pour restaurer l'euthyroïdie en raison du risque d'exacerbation transitoire de l'hyperthyroïdie et de ces conséquences cardio-vasculaires. En cas d'ophtalmopathie modérée, ce traitement pourra être réalisé, entouré par une corticothérapie (0,5 mg/kg/jour) pour une durée totale de trois mois. Dans tous les cas une surveillance de la fonction thyroïdienne s'impose pour dépister l'apparition d'une hypothyroïdie, considérée par certains auteurs comme l'objectif à atteindre par le traitement radio-isotopique.
* Service d'endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, pôle vasculaire et métabolique, CHU Larrey, Toulouse.
Cooper DS. Antithyroid drugs. N Engl J Med, 2005;352:905-17.
Brent GA. Graves' disease. N Engl J Med, 2008;358:2594-605.
Pearce EN. Diagnosis and management of thyrotoxicosis. BMJ, 2006;332:1369-73.
Les possibilités de grossesse
Une grossesse est possible chez les femmes ayant une maladie de Basedow, idéalement après rémission par le traitement médical ou après une thyroïdectomie. En cas de grossesse en phase d'hyperthyroïdie, on préférera un traitement par PTU dont le passage transplacentaire est plus faible, en utilisant la posologie la plus faible pour maintenir la concentration de T4l dans le tiers supérieur de la normale sans adjonction de lévothyroxine. Des anticorps antirécepteurs de la TSH fortement positifs chez la mère au cours du 1er et surtout du 3e trimestre, même après un traitement chirurgical ou radio–isotopique, imposent une surveillance échographique obstétricale soigneuse à la recherche d'un goitre et une prise en charge en période néonatale d'une possible thyréotoxicose transitoire.
Le traitement de l'orbitopathie
L'orbitopathie basedowienne nécessite une prise en charge multidisciplinaire pour apprécier les indications d'un traitement par corticothérapie ou radiothérapie, en phase évolutive et inflammatoire, et celles de la chirurgie à la phase séquellaire (décompression orbitaire, chirurgie oculomotrice ou palpébrale). Les facteurs de risque d'orbitopathie basedowienne sont essentiellement représentés par le tabagisme, le sexe masculin et l'importance de la thyréotoxicose, et tout passage en hypothyroïdie est un facteur d'aggravation qui doit être prévenu et rapidement corrigé.
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