PRATIQUE
I. DEUX GRANDES CATÉGORIES
On distingue deux grandes catégories de kératites : les kératites ulcéreuses ou superficielles, avec perte de substance épithéliale, et les kératites interstitielles intéressant le stroma cornéen.
Kératites superficielles
Les affections cornéennes ont une traduction clinique importante dès lors qu'il existe une altération de l'épithélium. Cliniquement, l'épreuve à la fluorescéine permet de faire cette différenciation. S'il existe une perte de substance sur la cornée, elle apparaît bien visible en lumière bleue après instillation d'une goutte de fluorescéine.
Sur le plan clinique, le patient se plaint de douleurs oculaires (sensation de corps étranger oculaire) ; l'absence de douleur doit évoquer une atteinte du trijumeau (V) et est un signe de gravité. Un larmoiement, un blépharospasme (fermeture réflexe des paupières), une photophobie intense et une baisse de l'acuité visuelle peuvent être notées.
Kératites interstitielles
Les signes cliniques de la kératite stromale sont ceux des kératites superficielles, mais les douleurs sont moindres et la baisse de l'acuité visuelle est plus marquée. Au biomicroscope, il n'y a pas de perte de substance (épreuve à la fluoroscéine négative).
II. ETIOLOGIES
L'étiologie est généralement immuno-allergique, virale ou bactérienne (syphilis congénitale, tuberculose).
Le diagnostic d'une kératite peut être orienté par l'interrogatoire (antécédents d'herpès oculaire, de traumatisme cornéen ou de port de lentilles de contact).
Kératites infectieuses
Les prélèvements microbiologiques confirment la présomption diagnostique ; il existe quatre diagnostics à évoquer devant une kératite infectieuse :
- les kératites bactériennes sont souvent secondaires à une ulcération traumatique ou à une conjonctivite bactérienne. Elles sont favorisées par une infection des voies lacrymales, ORL, ou un diabète. Elles provoquent des abcès cornéens de gravité variable en fonction du germe. Elles peuvent se compliquer d'ulcères à hypopion (ulcère jaunâtre profond associé à une collection puriforme située à la partie inférieure de la chambre antérieure). Toutes les formes cliniques sont possibles ;
- les kératites virales ont pour principales étiologies l'herpès, le zona ou d'autres virus responsables de kératites ponctuées superficielles (adénovirus, rougeole, rubéole, mononucléose infectieuse). Les kératites herpétiques, dans leur forme épithéliale dendritique, ne posent pas de problèmes diagnostiques ; en revanche, les lésions stromales actives doivent être reconnues car la thérapeutique antiherpétique est indispensable à mettre en route sans tarder.
La kératite, dans le cadre du zona ophtalmique, est quasi constante par atteinte de la branche nasale externe du nerf ophtalmique de Willis (V1). Elle est précédée par une anesthésie cornéenne et est à rechercher systématiquement lors d'une éruption vésiculeuse à la racine et aux ailes du nez. L'absence de douleur doit évoquer une atteinte du trijumeau (V) et est un signe de gravité ;
- les kératites amibiennes, dans 85 % des cas, surviennent chez des porteurs de lentilles de contact. L'importante douleur, qui contraste parfois avec le caractère limité de la lésion cornéenne, est évocatrice du diagnostic. En l'absence de traitement efficace, l'évolution se fait vers la kératite stromale. La mise en évidence de l'amibe par les parasitologues permet d'affirmer le diagnostic ;
- les kératites mycotiques sont dues à une candidose, à une actinomycose ou à une aspergillose. Elles sont surtout secondaires à une ulcération préexistante (traumatique, herpétique), et favorisées par une antibiothérapie locale. Le diagnostic se fait par identification, par le laboratoire, des filaments mycéliens dans le produit de grattage (directement ou après culture sur milieux spéciaux). Les champignons sont ubiquitaires. Une atteinte de la barrière épithéliale cornéenne est indispensable à la pénétration du champignon dans la cornée. Elles sont plus fréquentes sur des terrains prédisposés : immunodéprimés, porteurs de lentilles de contact, tout traumatisé cornéen et notamment par corps étranger végétal.
Autres kératites
A côté des kératites infectieuses, il existe les kératites traumatiques (corps étrangers, coup d'ongle, lentille de contact, ultraviolet, agents chimiques), les kératites allergiques, et les kératites secondaires à une insuffisance lacrymale qui constituent un motif fréquent de consultation en ophtalmologie.
III. TRAITEMENT
Le traitement des kératites est étiologique et symptomatique. Le traitement étiologique (ablation d'un corps étranger en cas de kératite traumatique, traitement antibiotique adapté au germe dans les kératites infectieuses, utilisation de larmes artificielles dans les kératites sèches...) est essentiel.
On mettra l'il au repos grâce à un pansement oculaire et l'administration de cycloplégique (atropine) après vérification de l'angle irido-cornéen. Dans tous les cas, les collyres anesthésiques ou à base de corticoïdes (retardant la cicatrisation) sont contre-indiqués dans les kératites superficielles. On pourra être parfois amené à utiliser une lentille-pansement ou une tarsorraphie (suture des paupières) en cas de kératite d'exposition résistant à un traitement médical bien conduit.
Un peu d'anatomie
La kératite est une atteinte inflammatoire de la cornée. Afin de mieux comprendre la maladie, un rappel anatomique de la cornée s'impose. La sclérotique est la tunique résistante, blanche qui constitue l'enveloppe externe du globe oculaire. Elle forme les 5 sixièmes de la sphère oculaire ; le sixième antérieur, transparent, correspond à la cornée. Celle-ci est constituée de trois couches, qui sont d'avant en arrière :
- l'épithélium, qui constitue une barrière et protège le stroma sous-jacent des agressions extérieures ;
- le stroma ;
- l'endothélium.
Le limbe est la zone de transition entre la sclère opaque et la cornée transparente : c'est le site privilégié de l'inflammation.
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