L A lèpre est une maladie neurologique associée au pathogène intracellulaire Mycobacterium leprae, qui est un germe proche du bacille tuberculeux. Avec une incidence de plus de 690 000 nouveaux cas annuels, la lèpre demeure une préoccupation majeure à l'échelle mondiale, même s'il existe des traitements.
En 1873, Hansen a fait pour la première fois l'association entre le bacille présent dans des biopsies cutanées et la maladie ; il a constaté l'impossibilité de mettre le germe en culture. Un siècle plus tard, on est parvenu à utiliser le tatou comme hôte de substitution, ce qui a permis d'isoler de grandes quantités du bacille et de réaliser des études biochimiques et physiologiques. Mais tous les efforts pour obtenir des divisions du bacille dans des milieux synthétiques sont demeurés vains. Il est possible que la très longue durée nécessaire à la division cellulaire, voisine de 14 jours, contribue à cet échec.
Le travail réalisé par l'unité de génétique moléculaire bactérienne de l'Institut Pasteur (Paris) de comparaison entre le génome de M.leprae et M.tuberculosis révèle un cas extrême d'évolution conduisant à une réduction de la capacité de codage du génome. Plus de la moitié du génome est formée de « pseudogènes », des gènes devenus non fonctionnels, tandis que, chez M.tuberculosis, les gènes homologues sont demeurés fonctionnels. Seulement 49,5 % du génome de M.leprae contiennent des gènes codant des protéines. La réduction du génome en fonctionnalité, avec un réarrangement du type mosaïque (intégration de gènes exogènes), apparaît comme le résultat d'un très grand nombre d'événements de recombinaisons entre des séquences dispersées. La délétion des gènes et la dégénérescence générale du génome qui s'est produite au cours de l'évolution a eu pour résultat l'élimination de nombreuses activités métaboliques essentielles.
Seulement 391 protéines solubles
L'analyse comparative du pool des protéines codées (protéome) montre la présence de seulement 391 protéines solubles chez M.leprae alors qu'il en existe 1 800 chez M.tuberculosis. Les auteurs décrivent une élimination de la production des sidérophores (mycobactine/exocheline), piégeurs de fer. On sait que la capacité à obtenir du fer est centrale pour le caractère pathogène d'un micro-organisme. Une partie des métabolismes oxydatifs et la majorité des chaines microaérophiles et anaérobiques ont disparu. Enfin, un bon nombre des activités cataboliques et de leurs circuits de régulation ont également été délétées chez M.leprae, écrivent S. T. Cole et coll.
On sait que dans la lèpre, la mycobactérie s'accumule principalement aux extrêmités du corps (membres et tête). Elle réside à l'intérieur des macrophages et infecte les cellules de Schwann du système nerveux périphérique. C'est le défaut de production de myéline par les cellules de Schwann et la destruction de ces cellules par le biais de réactions à médiation immunitaire qui conduisent aux dommages nerveux, aux pertes sensorielles et à la défiguration qui sont les marques les plus importantes de la maladie.
La lutte contre la lèpre nécessite la détection précoce des sujets infectés, pour instituer les traitements (médicaments et BCG) dès que possible. Cela permet de limiter la contagion et les complications neurologiques. Le diagnostic est difficile à poser chez les personnes présentant un petit nombre de lésions. Ces travaux portant sur le génome, avec l'identification de protéines spécifiques, doivent ouvrir des voies pour la mise au point de tests immunodiagnostiques, écrivent les auteurs.
« Nature », vol. 409, 22 février 2001, pp. 1007-1011.
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