PRATIQUE
• Physiopathologie mal comprise
La physiopathologie de la diarrhée chimio-induite est mal comprise et serait consécutive à des facteurs multiples résultant d'un déséquilibre entre l'absorption et la sécrétion au niveau de l'intestin grêle.
Des études histologiques ont montré que certaines drogues abîmeraient la muqueuse intestinale, entraînant une modification de l'épithélium intestinal, une nécrose superficielle et une inflammation.
Les fluoropyrimidines (5-FU), par exemple, induisent un arrêt des mitoses au niveau des cellules cryptiques intestinales avec une augmentation des cellules cryptiques immatures par rapport aux entérocytes matures. Ce déséquilibre, entre le nombre de cellules absorbantes et sécrétoires, entraîne une absorption et une sécrétion anormales des électrolytes, et une production d'un volume excessif en liquides et électrolytes au niveau de l'intestin grêle qui dépasse la capacité d'absorption du côlon et donne donc une diarrhée.
Des infections opportunistes peuvent aussi se greffer sur ces muqueuses endommagées et ainsi compliquer la diarrhée.
Ce mécanisme physiopathologique responsable de la sévérité de la diarrhée chimio-induite diffère entre le Campto et le 5-FU.
La diarrhée induite par le Campto est due à une accumulation de son métabolite actif, le SN-38. Le SN-38 subit une glucorono-conjugaison au niveau du foie mais peut être déconjugué au niveau des intestins par l'enzyme bêtaglucoronidase présent au niveau des bactéries intestinales. Une corrélation directe a été démontrée entre l'activité de la bêtaglucoronidase et le degré de destruction de la muqueuse intestinale induite par le Campto.
Ces résultats suggèrent que la diarrhée tardive due au Campto est induite par le SN-38 formé par la déconjugaison du SN-38 glucoronide des bactéries intestinales.
• Perte de liquides et d'électrolytes
La perte de liquides et d'électrolytes entraîne une déshydratation, une insuffisance rénale et un déséquilibre électrolytique.
Les fluctuations du volume intravasculaire dues à une diarrhée sévère peuvent avoir des conséquences au niveau cardio-vasculaire qui aggravent la morbidité et mortalité liée à une diarrhée chimio-induite.
• Traiter la diarrhée et ses conséquences
Il n'y a pas de traitement standard de la diarrhée chimio-induite. Celle-ci a été gradée en quatre stades basés sur le nombre de selles par jour, le degré de crampes abdominales, et la présence de sang dans les selles.
Ce traitement de la diarrhée est surtout symptomatique : réduire le nombre de selles, traiter les crampes, les problèmes muqueux et prévenir la déshydratation pour éviter une hospitalisation.
Le lopéramide et les opioïdes sont les plus couramment utilisés. Ceux-ci réduisent le péristaltisme intestinal au niveau de l'intestin grêle et du côlon et contrôlent très bien les diarrhées aiguës et chroniques.
L'acéthorphan agit sur la phase sécrétoire de la diarrhée en inhibant l'activité des entérokinases.
L'association de ces deux thérapies augmente encore l'activité antidiarrhéique.
Il existe également d'autres traitements antidiarrhéiques réduisant la sécrétion et induisant l'absorption de sel et eau. Ce sont les agonistes récepteurs adrénergiques alpha 2, les AINS, les corticoïdes, les antagonistes de la sérotonine qui ont une action dans les carcinomes bronchiques, l'inflammation intestinale et le syndrome carcinoïde.
L'octréotide contrôle la diarrhée associée à un syndrome carcinoïde où la tumeur sécrète le VIP (vaso-active intestinale peptide).
• Régime alimentaire
Il est important également d'associer un régime alimentaire pauvre en lactose, résidus, alcool et épices à ces médicaments et d'assurer une bonne hydratation.
L'examen clinique évalue l'état d'hydratation et l'examen abdominal recherche une douleur ou une masse.
• Exclure une cause infectieuse
Il faut également exclure une cause infectieuse à la diarrhée en incluant une analyse de sang et des selles, à la recherche de germes pathogènes tels que Clostridium difficile, Clostridium perfringens, Bacilus cereus, Giardia lamblia, Cryptosporidium spp, Salmonella spp, Shigella spp, Campylobacter spp, ainsi que les rotavirus.
Si on retrouve une étiologie infectieuse à la diarrhée ou s'il y a une surinfection, une antibiothérapie appropriée sera instaurée.
• Diarrhées sévères : souvent hospitaliser
Les diarrhées sévères (NCI grade 3 et 4) nécessitent souvent une hospitalisation, avec un traitement antidiarrhéique à plus forte dose (par exemple, lopéramide à dose de 16 mg/j au lieu de 8 mg/j), associé à une réhydratation parentérale et une antibiothérapie adaptée si nécessaire.
L'octréotide peut avoir ici son indication à la dose de 100 à 150 μg en sous-cutané trois fois par jour jusqu'à ce que la diarrhée disparaisse. Ces doses peuvent être augmentées, en cas de diarrhée rebelle, par paliers de 50 μg. Des doses de 2 000 μg/j ont déjà été utilisées lors de diarrhée sévère au 5-FU.
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