Action locale ou systémique, biodégradables ou non: les implants
«Avec de nombreuses applications en clinique, la technique des implants est une forme galénique déjà commercialisée et les recherches actuelles ne visent qu'à les perfectionner, par exemple en allongeant leur durée d'action jusqu'à plusieurs années», constate Sylvie Bégu, docteur en pharmacie et chercheuse à la faculté de Montpellier. L'action des implants peut être locale, comme après chirurgie dans les tumeurs cérébrales et dans l'humeur vitrée de l'oeil, ou systémique, comme pour les contraceptifs.
Les implants polymériques biodégradables améliorent le confort du patient en supprimant l'étape d'explantation du dispositif. Il est néanmoins plus difficile d'optimiser la formulation des dispositifs biodégradables, puisqu'il faut à la fois tenir compte de la diffusion du principe actif, mais aussi de la dégradation du polymère. Gliadel est un implant biodégradable de carmustine, sous forme d'un disque, mis en place directement sur le site de la tumeur après résection chirurgicale pour chimiothérapie locale. On peut ainsi éviter une toxicité systémique. Utilisés dans le traitement des cancers de la prostate, les analogues de la GnRH, Zoladex et Eligard, administrés par voie sous-cutanée, libèrent une hormone de synthèse, respectivement la goséréline et la leuproréline.
Parmi les implants non biodégradables, on compte les contraceptifs (Norplant, Implanon), ainsi que le ganciclovir intravitréen, Vitrasert, récemment retiré du marché en raison de la disparition des rétinites à CMV depuis les trithérapies.
La bioencapsulation et le concept de cellule artificielle
L'encapsulation de principe actif a largement été développée dans le secteur de l'industrie pharmaceutique. La bioencapsulation en particulier consiste à inclure un principe actif d'origine biologique (enzyme, peptide, ADN, cellules vivantes, micro-organismes) dans des sphères ou des capsules de diamètre variable. La bioencapsulation s'est affinée avec les technologies modernes de vectorisation (micro- et nanoparticules).
Dans ce cadre, la fabrication de globules rouges artificiels, ou « néohémocytes », est une piste très prometteuse : on pourrait ainsi transfuser un substitut de sang de façon universelle et sans risque d'incompatibilité de groupe. Ce sont des globules rouges synthétiques, constitués d'une membrane polysaccharidique, semi-perméable et indemne de marqueurs antigéniques, et qui protègent en leur sein l'hémoglobine encapsulée.
Depuis « la première cellule sanguine artificielle », dans les années 1960, que l'on doit à Thomas Chang, différents procédés d'encapsulation ont été étudiés : encapsulation avec adjonction de système antioxydant ou, plus récemment, encapsulation dans des bulles phopholipidiques chez la souris. Des essais sont en cours chez l'homme.
A noter, également, selon le même procédé, l'encapsulation d'enzymes dans le traitement de certaines enzymopathies congénitales, par exemple la phénylcétonurie pour laquelle des microcapsules de phénylalanine ammonia-lyase ont pu être administrées par voie orale. Chez des rats néphrectomisés, des expériences ont réussi à faire baisser le taux d'urémie en administrant des microcapsules contenant des micro-organismes bactériens.
On peut aussi imaginer administrer des cellules encapsulées et réaliser ainsi des greffes de cellules sans avoir recours à un traitement immunosuppresseur.
La bioencapsulation a ouvert de nombreuses voies de recherche en médecine. Parmi les divers sujets de recherche, on peut relever : les organes bioartificiels (foie artificiel, pancréas artificiel par encapsulation d'îlots de Langerhans dans le diabète) ; l'encapsulation de cellules productrices en cas de déficit congénital (hormone de croissance, facteur IX, érythropoïétine, etc.) ; l'encapsulation de cellules productrices de rétrovirus ou de cytochrome P450 pour le traitement de certains cancers ; l'encapsulation de cellules productrices de molécules d'intérêt thérapeutique (cellules sécrétant de la dopamine dans la maladie de Parkinson, cellules chromaffines sécrétant des enképhalines en cas de douleurs chroniques, etc.).
Formes bioadhésives:
adhésivité au site d'action ou au site d'absorption
Utilisées couramment en thérapeutique, les formes bioadhésives permettent de ralentir l'élimination du principe actif à l'aide de polymères hydrophiles bioadhésifs. Le principe actif peut être immobilisé soit au niveau du site d'action pour une action locale, soit au niveau du site d'absorption.
Le procédé a d'abord été appliqué à la voie buccale (mycoses, stomatites) et vaginale, puis a été étendu à la voie nasale, oculaire, vésicale et orale. Élaboré selon la technologie Lauriad, Loramyc, un comprimé oral bioadhésif de miconazole, mis sur le marché en 2007, est conçu pour traiter les mycoses buccales sévères des patients immunodéprimés.
Matériaux hybrides: entre biologie et sciences de l'ingénieur
Issus de l'ingénierie tissulaire, les matériaux hybrides allient des matériaux nanostructurés (polymères organiques ou matériaux minéraux) et des cellules vivantes qui remplaceront les tissus défaillants.
Le but recherché est de réaliser des matériaux biocompatibles parfois dotés de la capacité de s'auto-assembler et de s'assembler avec les tissus environnants afin d'éviter un rejet à long terme.
L'utilisation de micro- voire de nanoparticules semble très prometteuse, par exemple en cas de faible perméabilité de la muqueuse digestive. On pourrait ainsi améliorer l'absorption du principe actif en tapissant la muqueuse digestive de microparticules adhésives formulées avec un polymère bioadhésif. De même, des systèmes laminés, comparables à de petits « patchs », permettraient au principe actif d'être libéré de façon unidirectionnelle.
Presque des classiques:
les cyclodextrines modifiées
«Très utilisées en galénique, les cyclodextrines sont des molécules dont la géométrie en cône ouvert leur permet de complexer à l'intérieur un principe actif lipophile et ainsi de le véhiculer dans les milieux biologiques en masquant son caractère lipophile», explique le Dr Sylvie Bégu.
Classiquement dénommées alpha, bêta ou gamma en fonction de leur taille, les cyclodextrines peuvent aussi être modifiées par synthèse chimique ou catalyse enzymatique afin de leur conférer des propriétés d'auto-assemblage.
Ainsi, de nombreux systèmes supramoléculaires sont obtenus à l'aide de cyclodextrines modifiées tels que des systèmes micellaires, des nanoparticules, mais aussi des nano-assemblages mixtes de cyclodextrines avec des phospholipides ou du matériel génétique.
Un concept à l'étude:
les matériaux mésoporeux
Les matériaux mésoporeux, ou matériaux tensio-actifs (MTS), sont encore à l'étude et leur exploitation pharmaceutique n'est pas encore pour demain. Ce concept, un des dernier-nés en galénique, a pour but d'exploiter la surface solide très élevée des particules de silice, «qu'on estime à 1000 m2/gramme, soit la surface de quatre terrains de tennis par gramme d'un de ces matériaux», souligne le Dr Sylvie Bégu. Poreuses et hautement structurées, ces particules de silice permettraient d'incorporer en leur sein des molécules actives puis de les libérer.
Faible toxicité de la silice, grande surface, gros volume dégagé par les pores, réseau très organisé « en nid d'abeille » : ce sont ces propriétés, hautement intéressantes pour la délivrance de principes actifs, que les chercheurs tendent à exploiter. «Parmi les applications envisagées, on étudie les implants pour la reconstruction osseuse, ainsi que pour une administration par voie orale, car les MTS augmentent la solubilité des principes actifs lipophiles», indique la chercheuse.
D'après un entretien avec le Dr Sylvie Bégu, pharmacienne, MCU, UFR de Montpellier.
L'iontophorèse, une galénique électrique
L'iontophorèse consiste à appliquer un courant électrique de faible intensité pendant quelques minutes à quelques heures au niveau cutané pour induire la diffusion de molécules à travers la peau.
Cette technique permet de transporter des ions de part et d'autre de la peau de façon symétrique et non spécifique. Ce processus permet de délivrer des médicaments par voie transcutanée, mais aussi d'extraire des molécules endogènes. La tolérance est très bonne, seul un érythème léger et réversible peut être constaté.
Le procédé est utilisé en kinésithérapie pour administration locale d'anti-inflammatoires non stéroïdiens avec des appareils peu sophistiqués. L'iontophorèse avec de l'eau du robinet permet de traiter l'hyperhydrose par un mécanisme encore inconnu. Une autre application traditionnelle est le diagnostic de la mucoviscidose par dosage des ions chlorures dans un échantillon de sueur.
Des systèmes iontophorétiques pour administration locale d'anesthésiques (lidocaïne) viennent d'être mis au point aux États-Unis.
Le système de l'iontophorèse inverse est exploité pour la surveillance non invasive de la glycémie sur 12 heures (3 mesures/heure) aux États-Unis.
Entre pharmacie et thérapie génique : les vecteurs non viraux
La thérapie génique et la thérapie anti-sens ont ouvert la voie à de nombreux travaux de recherche pour le traitement de cancers, de maladies héréditaires ou auto-immunes. Actuellement, des essais se sont révélés concluants chez l'animal. On espère pouvoir réaliser à l'avenir de grandes applications thérapeutiques chez l'homme.
La vectorisation d'une séquence d'ADN pour la thérapie génique, ou d'un oligonucléotide (ARN interférents) pour la thérapie anti-sens, fait appel aujourd'hui à des systèmes non viraux. Les vecteurs colloïdaux permettraient d'éviter les problèmes soulevés par les vecteurs viraux tels que les recombinaisons d'oncogènes, l'infectiosité ou les réactions immunitaires.
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