SI NICOLAS SARKOZY a pu, pendant un jour ou deux, se targuer d'avoir amené la Russie à résipiscence, il a dû déchanter très vite. Le président russe, Dmitri Medvedev, a maintenu ses troupes en Géorgie après avoir accepté de les évacuer. Non seulement elles semblent devoir rester longtemps en Géorgie, mais elles y poursuivent la destruction des moyens économiques et industriels. La France a sous-estimé le degré de cynisme des Russes. Le président français n'est pas resté inactif ; il a littéralement harcelé le gouvernement russe en le rappelant à des obligations que seul respecterait un régime décent. Mais le renforcement de l'occupation de la Géorgie n'a fait que souligner l'impuissance des Occidentaux.
Le précédent tchétschène.
La partie n'est pas finie, mais tout indique qu'elle sera extrêmement longue. Les Américains avaient prévenu le président géorgien, Mikheil Saakachvili, qu'il devait éviter de provoquer la Russie ; son différend avec Moscou porte sur l'Ossétie du Sud et l'Abkhasie, dont les Russes favorisent l'aspiration à se séparer de la Géorgie. Mardi, le gouvernement russe a reconnu l'indépendance de ces deux microterritoires. M. Saakachvili a cru sans doute qu'il pouvait reconquérir l'Ossétie du Sud ou qu'il amènerait l'OTAN à intervenir dans le conflit qu'il souhaitait provoquer. Il est donc responsable des malheurs actuels de son pays.
Il demeure que la Géorgie est un pays souverain où les Russes mènent aujourd'hui une campagne aussi cruelle que celle qui leur a permis, en définitive, de réduire à néant la résistance tchétchène. Et que les démocraties du monde assistent sans broncher à la mise à sac d'une nation et à la répression d'un peuple libre.
Les Russes agissent au nom d'un nationalisme exacerbé et d'une puissance reconquise à la faveur de leurs revenus pétroliers et gaziers, lesquels ont permis une relative modernisation de leur armée ; ils veulent reprendre le contrôle de la totalité du pétrole qui circule dans le Caucase. Aux efforts des États-Unis pour contenir l'influence russe largement en deçà du périmètre soviétique répond une violence du Kremlin alimentée peut-être par un sentiment d'isolement.
Mais les jeux ne sont pas faits : les milieux d'affaires de Russie sont très alarmés par un comportement du pouvoir qui s'affranchit des règles traditionnelles de la diplomatie ; une fuite des capitaux aurait été amorcée ; la tendance à la baisse du pétrole, du gaz et des matières premières peut compromettre la politique de la canonnière adoptée par Moscou.
Même les alliés de la Russie, comme la Biélorussie ou le Kazakhstan, s'inquiètent de la désinvolture avec laquelle le pouvoir russe traite ses problèmes de voisinage, comme si rien n'avait changé depuis Staline. En outre, les Russes ont vaincu sans péril et le triomphe sans gloire dont ils se gargarisent est bien médiocre si l'on tient compte de la disproportion des moyens militaires entre la Russie et la Géorgie. Dans ces conditions, il n'est pas sûr que Moscou pourra reproduire en Géorgie le schéma tchétchène.
LA RUSSIE N'A GAGNE QU'UNE BATAILLE; ELLE RISQUE, A TERME, DE SOUFFRIR DU CONFLIT
C'est en montrant à quels dangers financiers et commerciaux la Russie s'expose que le président actuel de l'Union européenne pourra obtenir d'elle d'immédiates concessions.
En Afghanistan, M. Sarkozy a commis l'erreur d'avoir changé d'avis. Il est plus facile de lui rappeler aujourd'hui son jugement sur la question afghane lors de sa campagne électorale : «La France n'a pas vocation à rester indéfiniment en Afghanistan.»
Pourquoi l'Afghanistan.
Lorsqu'il a renforcé cette année, à la demande des États-Unis, le contingent français en Afghanistan, il a repris l'argumentation la plus fréquente : si ce pays tombe aux mains des taliban et d'Al-Qaïda, nous en subirons, comme d'autres, les conséquences. Nous combattons là-bas pour éviter d'être agressés directement sur notre territoire. L'analyse qui a prévalu pour l'Irak ne vaut pas pour l'Afghanistan : le 11 septembre 2001 témoignera encore longtemps de la nécessité de combattre le terrorisme là où il prend racine.
Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'un débat parlementaire et national ne soit pas nécessaire sur les raisons de notre engagement, sur son utilité, sur sa durée et sur les sacrifices qu'il implique. En consentant à ouvrir ce débat, le gouvernement devrait mettre un terme à la polémique, même si la perte des dix soldats français est extrêmement douloureuse, et même si une majorité de Français sont hostiles à notre présence militaire en Afghanistan. Il est juste que le pouvoir s'explique sur sa décision, il est juste que l'armée se pose la question d'une négligence possible à propos de l'embuscade qui nous a valu des pertes aussi lourdes. Il demeure que, pas plus que nous ne devrions minimiser les méthodes brutales de la Russie et sa façon scandaleuse de regagner l'influence qu'elle a perdue, nous n'avons le droit de sous-estimer la gravité d'un conflit afghan particulièrement périlleux.
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