18° Congrès SFR
4-12 décembre 2005 à Paris
DIX NOUVELLES recommandations de l'EULAR, portent sur le diagnostic de la goutte. Parmi celles-ci, trois insistent sur l'importance de la mise en évidence des microcristaux d'urate de sodium « qui reste le seul garant d'un diagnostic exact », souligne le Pr T. Bardin. Bien sûr, un tableau clinique typique, caractérisé par la brutalité de survenue d'une arthrite très inflammatoire au pied, sur un terrain goutteux, c'est-à-dire volontiers un homme de plus de 40 ans ayant des facteurs de risque connus, est un élément diagnostique essentiel. Cependant, il est utile de rappeler que toute douleur aiguë du pied n'est pas pathognomonique de goutte, chez un sujet plus jeune par exemple. Surtout, l'hyperuricémie constitue un très mauvais moyen de diagnostic, car non spécifique - sans signes cliniques évocateurs, l'hyperuricémie peut être associée à de nombreuses pathologies - et très peu sensible : au moment de la crise, la dissolution partielle des cristaux provoque une diminution du taux d'acide urique qui peut ainsi être trouvé normal. En revanche, l'uricémie constitue un élément important de la surveillance de surveillance du traitement hypouriciement lorsqu'il est instauré. Quant aux radiographies, elles n'ont d'intérêt, au stade aigu, que pour le diagnostic différentiel, les modifications caractéristiques des arthropathies uratiques étant très tardives. La recherche de microcristaux d'urate de sodium doit donc être faite chaque fois que possible, en sachant qu'elle peut être réalisée à distance de la crise par ponction de l'articulation à une phase intercritique. Le Pr Bardin conseille à cet égard d'adresser le prélèvement dans un laboratoire ayant l'habitude de ce type d'examens, notamment celui d'un service hospitalier de rhumatologie. Afin de développer les connaissances des rhumatologues dans ce domaine, deux ateliers portant sur la mise en évidence de microcristaux en lumière polarisée sont d'ailleurs régulièrement organisés lors du Congrès français de rhumatologie. Le liquide articulaire doit être recueilli dans un tube stérile anticoagulé par héparinate ou citrate de sodium, en évitant l'utilisation d'oxalate de sodium ou de tubes préhéparinés qui contiennent souvent de l'héparinate de lithium, susceptible de fausser l'interprétation.
Les quatre volets du traitement.
Pour traiter la crise aiguë, les AINS sont préférés dans de nombreux pays, sous réserve du respect de leurs contre-indications. En France, la colchicine est encore largement employée en ne dépassant pas la dose de 4 mg/j/
Les effets secondaires, principalement la diarrhée, observés avec cette molécule sont dose-dépendants. D'où l'intérêt d'employer de faibles doses ce qui est possible lorsque le traitement est commencé très tôt, au moment des prodromes : 2 mg, voire1,5 mg peuvent alors suffir pour juguler la crise. Il faut également prêter attention aux co-prescriptions, par la ciclosporine ou les macrolides notamment, à l'origine d'une augmentation des taux et de la toxicité de la coldricine.
Quel que soit le médicament choisi, son efficacité est d'autant plus importante que le traitement est commencé tôt.
L'injection intra-articulaire de cortisonique de longue durée d'action est une option également possible « mais qui est rarement choisie » déplore le Pr Bardin, qui ajoute qu'elle permet dans le même temps de réaliser le prélèvement de liquide articulaire à but diagnostique. Le glaçage de l'articulation constitue en outre une mesure non pharmacologique à ne pas oublier.
Une fois l'effet thérapeutique obtenu ou en cas d'apparition de diarrhée, la dose de colchicine doit être diminuée mg par mg jusqu'à laisser une dose résiduelle de 1 mg/l. C'est alors que, le cas échéant, un traitement hypouricémiant au long cours pourra être institué. De même, l'AINS administré initialement à pleine dose est maintenu pendant quelques jours puis sa posologie est réduite (par exemple, 25 mg de diclofénac ou d'indométacine), également dans le but d'éviter la récidive.
Le traitement hypouricémiant n'est en revanche pas systématique, hormis les mesures hygiénodiététiques qui doivent surtout comporter l'arrêt de la bière, très riche en purines (même sans alcool) et des spiritueux, le vin semblant moins hyperuricémiant. Il faut de plus encourager l'amaigrissement progressif des obèses. Ces mesures permettent souvent d'obtenir une baisse de 10 mg/l environ de l'uricémie. Quant au traitement pharmacologique, lorsqu'il est indiqué, il repose essentiellement sur l'allopurinol dont la posologie doit être progressive, de façon à maintenir l'uricémie en dessous de 360 micromol/l. « Il est important de dire au patient que ce traitement, qui a pour but de diminuer l'uricémie de façon à dissoudre les dépôts d'urate déjà constitués, permet de guérir la goutte ». En pratique, la dose initiale de 50 ou 100 mg/j peut être augmentée toutes les 2 à 4 semaines jusqu'à l'obtention d'un taux ≤ 360 micromol/l, en sachant que cette dose est variable d'un patient à l'autre, certains nécessitant des posologies très élevées (supérieures à 300 mg/l). En cas d'insuffisance rénale, il est nécessaire d'adapter la dose en fonction de la clairance de la créatinine.
L'allopurinol est globalement bien toléré, mais non totalement dénué de risques : la possibilité de phénomènes de toxicité constitue un argument supplémentaire pour se garder de toute prescription hors AMM, en particulier devant une hyperuricémie asymptomatique, « ce qui est malheureusement encore trop fréquent » rappelle le Pr Bardin. Les indications de l'allopurinol sont en effet très précises : crises de gouttes récidivantes (au moins 2 à 3 par an), goutte tophacée, arthropathie uratique.
Un point important à bien expliquer au patient : l'initiation du traitement par allopurinol est susceptible d'induire transitoirement des crises de goutte du fait de la dissolution des cristaux. D'où l'intérêt d'ajouter à la prescription, de petites doses de colchicine (0,5 mg à 1 mg/j) ou d'AINS.
En cas d'impossibilité d'utiliser l'allopurinol, il est possible de recourir à un uricosurique comme le probénécide ou même, dans des cas très particuliers, à la benzbromarone.
De nouveaux traitements sont également en développement : Fasturtec, inhibiteur de la xanthine oxydase non purinique et une urate oxydase pégylée induisant le catabolisme de l'acide urique. Enfin, le dépistage et le traitement des affections associées, diabète, hyperlipidémie, HTA ne doivent pas être négligé.
D'après un entretien avec le Pr Thomas Bardin, hôpital Lariboisière, Paris.
Le traitement en 12 points
1 - Le traitement optimal de la goutte requiert à la fois des méthodes pharmacologiques et non pharmacologiques, et doit être adapté selon :
a - les facteurs de risque spécifiques (taux d'uricémie, antécédents de crises de goutte, signes radiographiques) ;
b - le stade clinique (crise de goutte aiguë/récurrente, goutte intercritique, goutte chronique tophacée) ;
c - les facteurs de risque généraux (âge, sexe, obésité, consommation d'alcool, médicaments hyperuricémiants, interactions médicamenteuses et comorbidités).
2 - L'éducation du patient et les conseils appropriés concernant le mode de vie - amaigrissement en cas d'obésité, régime antigoutteux, diminution de la consommation d'alcool (surtout de bière) - constituent des aspects fondamentaux du traitement.
3 - La prise en compte des comorbidités et des facteurs de risque associés, comme l'hyperlipidémie, l'hypertension artérielle, l'hyperglycémie, l'obésité et le tabagisme, doit constituer une part importante de la prise en charge de la goutte.
4 - La colchicine orale et/ou les Ains sont des agents de première intention du traitement systémique des crises aiguës. En l'absence de contre-indications, les Ains constituent une option commode et bien acceptée.
5 - De fortes doses de colchicine entraînent des effets indésirables et de faibles doses (par exemple : 0,5 mg 3 fois/j) peuvent être suffisantes chez certains patients qui ont une goutte aiguë.
6 - La ponction articulaire et l'injection intra-articulaire d'un cortisonique de longue durée d'action sont un traitement efficace et sûr des crises aiguës.
7 - Les médicaments hypo-uricémiants sont indiqués chez les patients goutteux souffrant de crises récidivantes, d'arthropathie goutteuse, de tophus ou de modifications radiographiques d'arthropathie uratique.
8 - L'objectif thérapeutique du traitement hypo-uricémiant est d'induire la dissolution et de prévenir la formation de cristaux. Cela est obtenu en maintenant l'uricémie en dessous du point de saturation de l'urate de sodium (≤ 360 micromol/l).
9 - L'allopurinol est un traitement hypo-uricémiant approprié au long cours. Il faut le commencer à faible dose (par exemple : 100 mg/j) et augmenter de 100 mg toutes les deux à quatre semaines en cas de besoin. La dose doit être adaptée en cas d'insuffisance rénale. S'il survient une toxicité à l'allopurinol, les options thérapeutiques incluent les autres inhibiteurs de la xanthine oxydase, l'utilisation d'un agent uricosurique ou une désensibilisation à l'allopurinol, cette dernière option n'étant possible que chez les patients qui ont une éruption discrète.
10 - Les agents uricosuriques, tels que le probénécide et la sulfinpyrazone, peuvent être utilisés comme une alternative à l'allopurinol chez des patients ayant une fonction rénale normale, mais sont relativement contre-indiqués chez les patients ayant une lithiase rénale. La benzobromarone peut être employée en cas d'insuffisance rénale modeste ou modérée, mais elle comporte un petit risque d'hépatotoxicité.
11 - La prophylaxie des crises aiguës durant les premiers mois du traitement hypo-uricémiant peut être obtenue par la colchicine (0,5-1 mg/j) et/ou par un Ains (avec gastroprotection si celle-ci est indiquée).
12 - Quand la goutte est associée à un traitement diurétique, il faut arrêter le diurétique si cela est possible. En cas d'hypertension artérielle ou d'hyperlipidémie, on peut envisager l'utilisation de losartan ou de fénofibrate, respectivement (les deux ont un effet uricosurique modeste).
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