PARMI LES NOUVEAUX MINISTRES, seul Jean-Louis Borloo peut être considéré comme un homme susceptible de s'entendre avec les plus rebelles des électeurs. Sa sympathie pour les surendettés, les exclus et les chômeurs a été constamment assortie d'un discours emporté en faveur de ceux qui souffrent et, quand il en a eu l'occasion, d'une action elle-même en rapport avec ce discours. D'autres, comme Michel Barnier, n'ont pas occupé de poste gouvernemental depuis longtemps et, à ce titre, peuvent être considérés comme neufs. D'autres enfin, comme Nicolas Sarkozy ou François Fillon, changent simplement de portefeuille. Mais il est vrai que les femmes limogées ont été remplacées, à d'autres postes, par d'autres femmes, et qu'un bon nombre de nominations sont des signes discrets adressés à l'électorat.
SANS LES MOYENS, LA VOLONTE DE REFORMER EST NULLE ET NON AVENUE
Ultime coquetterie.
Dès lors que Jacques Chirac refusait de tirer la leçon de la défaite, dès lors qu'il s'arc-boutait sur ses prérogatives pour minimiser le résultat de la consultation électorale, dès lors qu'il se livrait à cette ultime coquetterie : ne pas céder au vertige des chiffres, rester silencieux, montrer son calme (beaucoup y ont vu du dédain), on ne risquait pas de trouver dans la composition du gouvernement Raffarin- ter des choix imprévus ou des traits de génie.
Au fond, le chef de l'Etat traite le problème un peu comme nous : qu'importent les hommes, pourvu qu'il y ait un programme. Mais voilà : quel programme M. Raffarin peut-il appliquer ?
Avec quelle fougue des hommes affaiblis par la défaite, limités par le temps, plongés dans un océan de mécontentement, vulnérables aux assauts d'une opposition galvanisée par sa légitimité retrouvée, vont-ils pouvoir engager des réformes dont les prémices les ont déjà laminés et qu'un gouvernement de gauche, à l'époque infiniment moins contesté, n'a pas osé faire ?
Une garde rapprochée.
La nouvelle équipe (pourquoi la disqualifier sans l'avoir vue à l'ouvrage ?) se jettera à bras-le-corps dans la bataille du changement. Elle souffrira néanmoins du maintien de M. Raffarin : comment ne pas voir qu'elle sera encore moins prise au sérieux, que sa crédibilité sera déjà entamée, que l'opposition se dressera systématiquement contre ses mesures, que l'opinion, relayée par les syndicats de salariés, la récusera ?
Le fait même qu'aucun accord n'a été possible entre M. Raffarin et François Bayrou suffit à démontrer que la même politique va être poursuivie avec une garde rapprochée. Or il n'y avait qu'une tactique pour poursuivre les réformes : changer de chef de gouvernement tout en persévérant. Les meilleurs des nouveaux ministres seraient beaucoup plus efficaces avec un autre Premier ministre.
Il ne s'agit nullement, ici, de faire le procès de M. Raffarin qui n'a manqué ni d'idées, ni de courage, ni de résilience, mais qui, comme d'autres avant lui, aurait dû admettre qu'il ne pouvait survivre politiquement au résultat de la consultation, sinon au moyen d'une assistance respiratoire.
Bien entendu, ni le président ni le Premier ministre n'ignorent qu'ils se livrent à une sorte de provocation. Ils ont prévu les réactions à gauche et dans la presse qu'allait soulever leur décision de continuer comme s'il ne s'était rien passé. Ils ont mis au point une stratégie dont on reconnaîtra qu'elle est originale mais qui est dangereuse et précaire, surtout au lendemain de la défaite.
De la prospérité au dénuement.
On ne saurait donc écarter l'idée que, après avoir consommé si vite le capital de 2002, après être passés en deux ans de la prospérité au dénuement politique, ils n'aient pas eu depuis lundi dernier toute la lucidité requise ou qu'ils n'aient peut-être pas mesuré la gravité du défi qu'ils lancent à leurs détracteurs, à une partie de leur propre majorité, à l'UDF, à l'opposition et finalement au peuple qui a rejeté la droite dans 21 régions métropolitaines sur 22.
Or qu'est-ce qui compte le plus ? Qu'ils conservent la volonté ou les moyens de réformer ? La volonté sans les moyens est nulle et non avenue. Un geste fort aurait été un nouveau Premier ministre, un autre, l'appel aux idées de M. Bayrou.
En réalité, le nouveau gouvernement est surtout fait de renoncements : on est mécontent de la contribution de la société civile, naguère portée aux nues : bonsoir M. Ferry, bonsoir M. Mer. On est agacé par quelques femmes : adieu Roselyne Bachelot, Noëlle Lenoir, Nicole Fontaine. C'est peut-être dans ces gestes secs et rapides, accomplis sans trop d'égards pour les victimes et pour les promesses de 2002, qu'affleure la panique qu'on veut nous cacher.
Un gouvernement de 43 membres
>>Ministres
- Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat (Economie, Finances et industrie).
- François Fillon (Education nationale, Enseignement supérieur et Recherche).
- Dominique de Villepin (Intérieur, Sécurité intérieure et Libertés locales).
- Jean-Louis Borloo (Emploi, Travail et Cohésion sociale).
- Dominique Perben (garde des Sceaux, ministre de la Justice).
- Michèle Alliot-Marie (Défense).
- Michel Barnier (Affaires étrangères).
- Philippe Douste-Blazy (Santé et Protection sociale).
- Gilles de Robien (Equipement, Transports, Aménagement du territoire, Tourisme et Mer).
- Renaud Dutreil (Fonction publique et Réforme de l'Etat).
- Hervé Gaymard (Agriculture, Alimentation, Pêche et Affaires rurales).
- Serge Lepeltier (Ecologie et Développement durable).
- Renaud Donnedieu de Vabres (Culture et Communication).
- Marie-Josée Roig (Famille et Enfance).
- Brigitte Girardin (Outre-mer).
- Jean-François Lamour (Jeunesse, Sports et Vie associative).
- Nicole Ameline (Parité et Egalité professionnelle).
>>Ministres délégués
- Henri Cuq (Relations avec le Parlement).
- Patrick Devedjian (Industrie).
- Christian Jacob (PME, Commerce, Artisanat, Professions libérales, Consommation).
- François Loos (Commerce extérieur).
- François d'Aubert (Recherche).
- Jean-François Copé (Intérieur, porte-parole du gouvernement).
- Gérard Larcher (Relations du travail).
- Nelly Olin (Lutte contre la précarité et l'exclusion).
- Hamlaoui Mekachera (Anciens combattants).
- Claudie Haigneré (Affaires européennes).
- Xavier Darcos (Coopération, Développement et Francophonie).
- Hubert Falco (Personnes âgées).
- Léon Bertrand (Tourisme).
>>Secrétaires d'Etat
- Dominique Bussereau (Budget et Réforme budgétaire).
- Tokia Saïfi (Développement durable).
- Marie-Anne Monchamp (Personnes handicapées).
- Laurent Hénart (Insertion professionnelle des jeunes).
- Marc-Philippe Daubresse (Logement).
- Catherine Vautrin (Intégration et Egalité des chances).
- Nicole Guedj (Droits des victimes).
- Renaud Muselier (Affaires étrangères).
- Xavier Bertrand (Assurance-maladie).
- Eric Woerth (Réforme de l'Etat).
- François Goulard (Transports et Mer).
- Philippe Briand (Aménagement du territoire).
- Nicolas Forissier (Agriculture, Alimentation, Pêche et Affaires rurales).
Le prochain Conseil des ministres se réunira le vendredi 2 avril 2004, à 11 heures.
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