LES GROSSES ONG qui devaient reconstruire se font toujours attendre et les petites associations, sri lankaises ou étrangères, qui travaillent sur place depuis plus d’un an pour aider les sinistrés sont témoins aujourd’hui d’aberrations pour le moins scandaleuses : des sinistrés possèdent des bateaux alors qu’ils n’ont jamais été en mer et n’iront jamais, d’autres ont plusieurs maisons, des motos, des chaînes hi-fi, et d’autres encore n’ont toujours rien.
Le bord de mer est devenu un panier de crabes : les malins obtiennent plus qu’ils ne devraient, cependant que d’autres n’ont toujours rien reçu. Dans l’arrière-pays, à quelques petits kilomètres du bord de mer, voire quelques centaines de mètres, selon l’avancée du tsunami dans les terres, ceux qui étaient pauvres avant le 26 décembre 2004 le sont toujours et, pour eux, il n’y a aucun espoir que cela change. Les associations qui ont reçu des fonds pour le tsunami doivent le dépenser pour le tsunami : ce sont donc toujours les mêmes qui sont aidés et c’est pourquoi on constate ces aberrations. On commence à fabriquer, bien qu’avec des moyens restreints tant que les grandes ONG n’auront pas commencé à agir, un bord de mer avec des sinistrés qui ont déjà ou auront droit à tout, à quelques encablures des laissés-pour-compte, pour la simple raison que la vague s’est arrêtée à leurs pieds.
Jalousies et découragement.
Les jalousies s’aiguisent. Cela est même constaté entre les sinistrés qui ont obtenu une aide et ceux qui n’ont toujours rien. Mais aussi entre les bénéficiaires : celui-là a une maison avec l’eau et l’électricité d’une association, un peu plus loin, un autre a aussi une maison, certes, mais sans le confort moderne ; des associations livrent les maisons avec quelques meubles basiques et un vélo, d’autres les donnent vides ! Tout est prétexte à mécontentement… et découragement des bénévoles !
Un autre triste exemple : quelques Français ont monté un atelier de couture et un petit café pour donner du travail à une vingtaine de femmes d’un village sinistré et pour leur faire gagner quelques roupies. Ils se sont fait agresser : on les accuse de «faire des bénéfices sur le dos des sinistrés» alors qu’ils n’ont pas compté leur temps et leur énergie pour aider.
On peut aussi évoquer les heureux propriétaires de terrains situés à quelques kilomètres à l’intérieur des terres (ils ne valaient rien il y a peu), qui se sont considérablement enrichis en les vendant à prix d’or aux petites associations… qui se les arrachent pour construire leurs maisons !
Mais la plus grande injustice a lieu à l’Est. Le gouvernement sri lankais a changé depuis quelques mois et durci sa position vis-à-vis des indépendantistes tamouls. La guerre civile est à nouveau aux portes du pays. La reconstruction n’est pas près d’aboutir (on peut penser qu’elle se fera prioritairement dans le Sud), la zone n’est plus du tout sécurisée. Notre association a reconstruit sa troisième école dans un village proche de Trincomalee (Vellaimanal) et y parraine des enfants. Les épiceries du village ne sont plus approvisionnées, les habitants n’osent plus aller pêcher par crainte d’attentats du Ltte (les Tigres tamouls indépendantistes), une base de marins cinghalais (progouvernementaux) étant située à proximité du village. Leur vie est devenue un enfer : le tsunami, des problèmes politiques aigus et une reconstruction qui depuis longtemps prend des airs d’Arlésienne.
A quand l’arrivée des poids lourds de l’humanitaire ? Les petites structures gèrent au mieux le quotidien : tiendront-elles encore assez longtemps pour faire le relais ?
Association Une école pour Shalik : www.uneecolepourshalik.com.
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