Les députés ont commencé lundi après-midi leur deuxième semaine de discussions sur le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Sur la réforme de l’hôpital, les débats ont d’ores et déjà été très animés. D’ici à la fin de la semaine, les parlementaires devraient s’attaquer à la partie II consacrée à « l’accès aux soins » : déserts médicaux, permanence de soins, refus de soin sont notamment au programme. Sur les 2500 amendements qui ont été déposés sur ce texte, les quatre cinquièmes émanent de parlementaires issus de la majorité, ce qui augure sans doute de modifications du texte. La commission des affaires sociales a été particulièrement en pointe pour infléchir le projet. En outre, les amendements signés par le rapporteur du texte, l’ancien médecin généraliste, Jean-Marie Rolland (photo) pourraient, pour partie, être votés par ses collègues. Mais la ministre s’est également dite ouverte aux propositions de l’opposition, en particulier, celles qui visent à étoffer le volet santé publique. Voici un petit tour d’horizon des amendements parlementaires qui pourraient passer. Pour le meilleur et pour le pire.
• Réquisitions
Le doublement de la peine réduit
L’amende pour refus de réquisition préfectorale restera à son montant actuelle soit 3 700 euros et ne devrait finalement pas être doublé, grâce à un amendement déposé par Jean-Marie Rolland. Est-ce les résultats de la dernière livraison de l’enquête de l’Ordre sur la PDS qui ont infléchi la position de la ministre ? En effet, selon celle-ci les réquisitions sont en régression : les préfets n’y ont recouru en 2008 que dans 34 départements contre 41 l’an précédent. Roselyne Bachelot a écrit aux syndicats pour leur confirmer que « le gouvernement émettra un avis favorable » à cette proposition.
• Refus de soin
Le droit à la présomption d’innocence
Dans sa version originale, le projet de loi prévoyait une « inversion de la charge de la preuve » en faveur de l’assuré en cas de refus de soins discriminatoire. La commission des affaires sociales a jugé la « inadaptée » la procédure proposée qui revenait à obliger le médecin mis en cause à prouver sa bonne foi. Cela risque « d’être perçue comme un procès d’intention fait aux professionnels de santé » et « d’engendrer un contentieux très abondant », explique Jean-Marie Rolland. Le rapporteur propose, afin « d’inciter les Ordres à plus de sévérité », de faire intervenir les CPAM en « instaurant une conciliation réalisée conjointe » et « en permettant aux directeurs de caisses de prononcer des sanctions si le conseil de l’Ordre ne poursuit pas ». Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soin peut ainsi saisir la caisse ou le conseil de l’Ordre.
• Pharmacien « traitant »
Une fausse bonne idée
Plusieurs amendements originaires de la majorité comme de l’opposition proposent d’élargir les compétences du pharmacien en créant le concept de « pharmacien traitant » et en définissant dans la loi le « conseil pharmaceutique ». Dans le cadre du développement de la délégation des tâches, certains députés vont même plus loin et suggèrent que les pharmaciens d’officine puissent procéder « au renouvellement des traitements, leur ajustement éventuel ou encore leur évaluation ponctuelle ou périodique, en vue d’en optimiser l’efficacité et la sécurité. » La CSMF qui y voit une « provocation » a dénoncé « cet amalgame » et rappelé que « les rôles des pharmaciens et des médecins sont définis et complémentaires, mais ne doivent pas être confondus ». Dans ces conditions, même si la ministre de la Santé est elle-même une ancienne pharmacienne d’officine, il n’est pas sûr qu’elle juge pour autant que le sujet soit mûr.
• Accès à une mutuelle
Les plus de 60 ans mieux aidés
Le président de la Commission des affaires sociale, Pierre Méhaignerie, a proposé que les assurés de plus de 60 ans aux revenus modestes (soit environ moins de 850 euros mensuels) bénéficient d’une aide supplémentaire de 100 euros pour l’acquisition d’une complémentaire santé. Roselyne Bachelot lui a déjà apporté publiquement son soutien. La mesure devrait coûter entre 25 et 50 millions d’euros pas an.
• Déserts médicaux
Une bourse contre un engagement
Plusieurs conseils régionaux, notamment celui de l’Allier, ont déjà mis en place un dispositif qui permet d’attribuer aux étudiants en médecine qui s’engageraient à exercer quelques années en zone déficitaire une bourse d’étude. Mais le succès n’a pas vraiment été aux rendez-vous. Selon les représentants des étudiants et des internes, c’est parce que la mesure n’est pas suffisamment connue et promue. Jean-Marie Rolland voudrait généraliser cette bourse d’un montant mensuel de 1 200 euros à tous les départements.
• Déserts médicaux bis
Les mesures coercitives remises à plus tard
Jean-Marie Rolland propose un moratoire de trois ans sur les mesures coercitives à l’installation. Il pourrait s’agir d’une voie de sortie honorable pour la ministre qui semble de moins en moins décidée à passer en force sur la « contribution forfaitaire » pour les médecins des zones surdotées qui refuseraient d’exercer une petite partie de leur activité en zones sous-dotées. Le SML dit banco à cette dernière chance laissée aux incitations jusqu’en 2 012. Il considère que « cette période doit être activement mise à profit pour mettre en place des mesures incitatives fortes, de nature à rééquilibrer l’offre de soins sur le territoire. » Cette voie médiane a donc de bonnes chances d’être acceptée par le gouvernement.
• Déserts médicaux ter
Des mesures coercitives pour tout de suite
Plusieurs députés PS ont proposé des amendements qui visent à geler les nouvelles installations dans les zones surdotées comme ce qui a été négocié entre l’Assurance-maladie et les syndicats d’infirmiers en septembre dernier. La ministre de la Santé avait promis aux libéraux qu’elles contreraient tout amendement tendant à remettre à cause la liberté d’installation. Reste à savoir si elle a bien réussi à convaincre le président de la République qui a, à plusieurs reprises, cité l’accord infirmier en exemple.
• La biologie médicale
Pas d’ordonnances
Un amendement suggère au gouvernement de revenir sur son intention de légiférer par ordonnance sur la réforme de la biologie médicale. L’article 20 du projet de loi prévoit de permettre à des investisseurs, non biologistes, d’acquérir plus de 25 % du capital des laboratoires d’analyse.
• Obésité
Plus de pub à la télé pour les sucreries
Un amendement propose d’interdire les spots de publicité pour les aliments gras ou sucrés aux heures où les enfants sont devant le poste. Les annonceurs devraient en outre faire systématiquement passer des messages sanitaires et payer une taxe de 3 % sur ces publicités. Même si la ministre a dit aux députés qu’elle était très ouverte sur les amendements qui contribueraient à la lutte contre l’obésité, elle n’a pas encore donné son aval à cette mesure. Les lobbies de l’agroalimentaire sont en embuscade.
• Alcool
Un pas en avant, un pas en arrière
L’intense lobbying des filières vitivinicoles est bien visible dans les amendements contradictoires déposés sur les dispositions qui visent à interdire la vente d’alcool aux mineurs, la vente au forfait et la publicité. Ainsi, Yves Bur et Jean-Marie Le Guen ont déposé un amendement qui vise à limiter la publicité pour l’alcool sur internet (un média que la loi Evin n’avait pas prévu) aux sites professionnels. Jacques Domergue propose qu’un parent puisse offrir un verre de vin à son enfant au restaurant. Des députés de tout bord veulent limiter l’interdiction aux moins de 16 ans et non à tous les mineurs. Lundi matin, au micro de LCI, la ministre de la Santé s’est dite opposée à tout assouplissement : « ce que je veux est qu’on en vienne à ce qui est la pureté de cristal de loi : pas d’alcool pour les mineurs, c’est clair, c’est simple ».
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