Bioéthique

Les députés moins libéraux que les sénateurs

Publié le 26/05/2011
Le gouvernement est parvenu à faire passer l’essentiel de son texte sur la bioéthique auprès des députés qui ont achevé son examen mercredi. Ce projet de loi de révision ne devrait donc pas réformer grand chose. Sauf nouvelle rébellion des sénateurs, notre législation devrait conserver une interdiction (de principe) des recherches sur l’embryon, continuer à réserver les techniques d’AMP aux couples hétérosexuels et exclure le transfert d’embryons post mortem.

En matière de bioéthique, les députés sont finalement beaucoup moins « audacieux » que leurs collègues sénateurs. Dans la nuit de mercredi à jeudi, ils ont achevé la discussion, en deuxième lecture, des articles du projet de loi relatif à la bioéthique et ont effacé les « innovations » que le Sénat avait introduit contre l’avis du gouvernement. Ils ont ainsi refusé d’ouvrir aux couples homosexuelles l’accès la procréation médicale assistée, mais ont rétabli l’ouverture du don de gamètes aux personnes n’ayant jamais eu d’enfant.

En matière de recherche sur l’embryon humain, ils sont également revenus à la situation qui prévaut actuellement, c’est une interdiction de principe assortie de dérogations encadrées, alors que les sénateurs avaient ouvert la voie de l’autorisation.

Mais si, sur le fond, la différence législative ne change rien pour le travail des chercheurs, cet article a donné lieu à une discussion passionnée au Palais Bourbon. La recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines avait dans un premier temps été interdite par les députés en première lecture, puis autorisée sous conditions par les sénateurs, puis par la commission de l’Assemblée nationale, malgré quelques grincements de dents, y compris dans les rangs de la majorité. Dès mardi soir, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, est venu réaffirmer l’orthodoxie gouvernementale : l’interdiction avec dérogations, qui date de 2001, est la « meilleure » des solutions et elle ne « ferme pas la porte aux avancées de la science ».

Et il a été écouté. L’amendement présenté par le rapporteur UMP Jean Leonetti pour rétablir le statu quo de l’interdiction a été voté à une large majorité : 73 contre 33. Philippe Gosselin (UMP) s'est dit étonné du « procès en ringardise et en obscurantisme » fait à sa majorité, accusée de légiférer sous influence, et notamment celle de l'Église catholique. Et le député socialiste Gaëtan Gorce d'embrayer frontalement. « On a là un gouvernement qui veut remporter une victoire politique ! a-t-il dénoncé. Même ceux (députés de la majorité) qui défendaient l'idée de l'autorisation ont été interdits d'hémicycle ». « Je ne suis pas manipulée par un quelconque lobby » avait renchéri Nora Berra, la secrétaire d’État à la Santé. Les groupes confessionnels, religieux font partie de la société, ils alimentent la discussion ». Hors Assemblée, c'est la franc-maçonnerie, par la voix du Grand Orient de France, qui s'est « étonnée » et « inquiétée » des récents propos de Monseigneur Vingt-Trois, archevêque de Paris, parlant d'un « recul de civilisation ». Cinquante-huit députés de la majorité avaient signé la semaine dernière une tribune en faveur de l'interdiction dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Le président des députés UMP, Christian Jacob, est quand même venu dans l'hémicycle s'assurer du vote au moment du débat sur cet article.

La question du diagnostic prénatal a aussi cristallisé les débats, le dépistage de la trisomie revenant sans cesse sur le tapis. Les députés ont précisé les contours du diagnostic en stipulant que la femme doit recevoir une information « loyale, claire et appropriée ». Les députés ont aussi finalement repoussé le transfert d'embryon après le décès du père. Pourtant, ils avaient voté pour en première lecture, puis les sénateurs l’ont repoussé, avant que les députés le rétablissent en commission. Le rapporteur UMP du texte, Jean Leonetti, a redit son opposition « au nom de la conception de la volonté qui est la capacité de changer d'avis ». Le gouvernement n'est pas favorable à cette mesure. La secrétaire d'État à la Santé Nora Berra a réitéré un avis de « responsabilité » en s'opposant. Le comité consultatif national d’éthique avait pour sa part émis récemment un avis favorable sur cette possibilité.

Enfin, l’Assemblée n'est pas revenue sur sa position prise en commission de ne pas ouvrir l'assistance médicale à la procréation aux femmes homosexuelles, ce qu'avait voté le Sénat. Le Sénat avait voté la mesure (PS/Verts), à la surprise générale, en première lecture. Des amendements déposés par l'opposition n'ont pas été estimés recevables mais les députés ont cependant débattu de la question mercredi. Le rapporteur UMP Jean Leonetti a dit que l'AMP devait être réservée « aux couples médicalement stériles », opposant « l'infertilité sociale » à « l'infertilité médicale ». Il s'est déclaré favorable à « débattre de l'homoparentalité » mais « dans un autre contexte ». Au Sénat, le gouvernement avait clairement dit qu'il était contre. « Si on l’accepte pour les couples de femmes, est-ce qu'il n'y a pas une discrimination par rapport à la gestation pour autrui ? » a interrogé Alain Claeys, député PS et président de la commission bioéthique. Le communiste Michel Vaxès a jugé que la question « mérite mieux qu'un amendement dans une loi bioéthique » et émis le souhait d'une mission d'information sur le sujet. Le vote solennel du texte aura lieu mardi prochain avant une nouvelle lecture au Sénat.

V.H.

Source : lequotidiendumedecin.fr