Au cours des nombreuses négociations en commission, nécessaire préalable à la discussion par l’Assemblée nationale du Plfss (projet de loi de financement de la Sécurité sociale), le député (UMP) du Loiret, Jean-Pierre Door, a déposé un projet d’amendement qui a été adopté par la commission des affaires sociales. Que dit cet amendement ? Il propose de modifier le code de la santé publique qui, dans son article L.6325-1, stipule que «les médecins participent, dans un but d’intérêt général, à la permanence des soins». En lieu et place de cette phrase, la formule «les médecins participent à la mission de service public de la permanence des soins» est suggérée. Dans son exposé des motifs, Jean-Pierre Door, par ailleurs médecin cardiologue, précise que «la référence au but d’intérêt général n’a aucune portée normative et n’est pas de nature à améliorer le fonctionnement du dispositif de permanence des soins». Il ajoute que «pour garantir une meilleure participation des médecins à un dispositif fondé sur le volontariat, on ne peut se contenter de prévoir des rémunérations spécifiques. Il convient également de répondre à leur attente de protection juridique (…). Cette mission correspond, aujourd’hui, à une demande de l’Etat, et elle est organisée sur le plan local sous son autorité. Il faut donc en tirer toutes les conséquences».
Cet amendement, pour des raisons de procédure, a été repris et présenté par le gouvernement, et voté par les députés dans les mêmes termes dans la nuit de jeudi à vendredi. Même si la partie n’est pas encore jouée puisque le Sénat doit se prononcer, les conséquences de l’adoption définitive de ce texte ne seraient pas négligeables.
Une possible sortie du champ conventionnel.
A la FMF-G (Fédération des médecins de France, versant généraliste), le Dr Jean-Paul Hamon assure que le vote d’un tel amendement «signifierait que le financement de la PDS n’est plus du ressort conventionnel». Vieille revendication de la FMF et des coordinations, cette requalification en mission de service public pourrait, selon le Dr Hamon, ouvrir la porte à un financement par l’Etat et/ou par les collectivités territoriales. «A condition toutefois, conclut-il, que dans l’esprit de l’Etat et des préfets, mission de service public ne signifie pas obligation d’y participer.»
A la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français), le Dr Michel Chassang ne cache pas que l’amendement «va plutôt dans le bon sens, car il ouvre la porte à des financements complémentaires». Sceptique quand il s’agit de penser que la PDS puisse quitter le champ du financement conventionnel, Michel Chassang estime en revanche que «s’il y a reconnaissance du statut de mission de service public de la PDS, il serait logique que les collectivités territoriales participent à son financement».
Même tonalité du côté de MG-France. Pour le Dr Pierre Costes, étiqueter la PDS « mission de service public » «devrait ouvrir aux médecins qui y participent volontairement les mêmes droits qu’aux médecins du service public hospitalier». Comme celui de bénéficier d’un «repos compensateur rémunéré».
Interrogé par « le Quotidien », Jean-Pierre Door reconnaît être loin de ces préoccupations : «Tout cela sera éventuellement à négocier par les médecins dans le cadre de leurs relations conventionnelles avec la Cnam.» Le député assure n’avoir été motivé que par le souci de «répondre à l’attente des médecins en matière de protection juridique». Mais quelle protection juridique ? La dernière circulaire de Xavier Bertrand fait des médecins libéraux régulateurs des collaborateurs occasionnels du service public lorsqu’ils interviennent dans le cadre de la PDS, ce qui signifie qu’ils sont assurés par l’Etat lui-même. Quant aux médecins effecteurs, ils n’ont pas besoin d’assurance spécifique lorsqu’ils exercent dans le cadre de cette même PDS. Le secrétaire général du Cnom (Conseil national de l’Ordre des médecins), le Dr Jacques Lucas, a sa réponse : «Relever de la mission de service public signifie que le régime de responsabilité n’est plus le même, car l’ensemble des actes effectués dans le cadre de la PDS est fait à la demande et sous l’autorité de l’Etat. Par exemple, si l’effecteur est victime d’un accident ou de violences, il disposera d’une couverture améliorée.»
Jacques Lucas, qui se dit très satisfait que cet amendement ait été adopté, précise qu’il ne constitue pour le moment qu’une «déclaration de principe» et que des négociations sur toutes les conséquences qui en découlent devront avoir lieu en aval.
La fin des réquisitions ?
Dans son exposé des motifs, Jean-Pierre Door indiquait également que cet amendement éviterait aux préfets d’avoir à procéder à des réquisitions. Interrogé sur ce point, Jacques Lucas estime que «en effet, la stabilisation de la PDS et sa reconnaissance statutaire est de nature à favoriser le volontariat, et donc de diminuer les risques de réquisitions».
Pour Jean-Pierre Door, il n’y a pas de doute que, «entre le statut de mission de service public, la protection juridique qui s’y rattache, et les nouvelles possibilités de financement par les collectivités territoriales, de plus en plus de médecins devraient se porter volontaires pour la PDS».
Avant cela, le texte devra passer devant les sénateurs qui l’examineront à la mi-novembre. Le Plfss devrait être définitivement adopté au plus tard au début du mois de décembre.
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