Par les Drs Sébastien Bonnel*, Saddek Mohand-Said** et le Pr José-Alain Sahel**
Il existe actuellement 90 gènes connus (138 loci identifiés) à l'origine de dégénérescences rétiniennes héréditaires (1). Les maladies génétiques responsables d'une dégénérescence rétinienne peuvent être classées en deux groupes : celles qui entraînent une perte de la vision périphérique (les rétinopathies pigmentaires) et celles qui affectent de façon primitive la vision centrale (les dégénérescences maculaires).
Les liens entre les anomalies génétiques et les mécanismes qui conduisent à la dégénérescence rétinienne restent pour la plupart insuffisamment élucidés. La complexité de ces mécanismes est particulièrement mise en évidence lorsqu'une mutation dans un gène donné s'accompagne d'expressions phénotypiques différentes. L'identification des gènes responsables de dégénérescences rétiniennes est en cours d'achèvement.
Des anomalies génétiques à la mort neuronale
L'étude des mécanismes par lesquels ces anomalies génétiques entraînent la mort neuronale représente la prochaine grande phase d'investigation. Elle fera probablement l'objet d'intenses recherches durant la prochaine décennie (2), et permettra sans aucun doute d'identifier de nombreux déterminismes communs pour ces maladies si hétérogènes en regard du grand nombre de gènes impliqués et de leurs diversités. S'il est probable que les mécanismes primaires diffèrent, certains mécanismes secondaires sont certainement similaires (comme la mort différée des cônes consécutive à celle des bâtonnets dans les rétinopathies pigmentaires). L'identification de ces voies communes représente un paramètre clé pour développer de nouvelles approches thérapeutiques, approches qui seront alors génériques. En effet, l'extrême hétérogénéité génétique de ces pathologies suppose de devoir développer un grand nombre de voies thérapeutiques qui rendront très difficiles les essais cliniques. Bien entendu, le développement d'approches thérapeutiques fondées sur les mécanismes secondaires implique une perte de fonction liée à la mort cellulaire et non à l'anomalie génétique initiale.
Des approches thérapeutiques en phase préclinique
Plusieurs types d'approches thérapeutiques ont fait la preuve d'un principe d'efficacité lors de l'expérimentation animale : supplémentation alimentaire (3,4), thérapie génique (5), agents neuroprotecteurs (facteurs neurotrophiques [6], thérapie cellulaire [7]) et approches pharmacologiques (8, 9,10).
En ce qui concerne l'évaluation préclinique de ces approches, de nombreux paramètres nécessitent d'être précisés. La mise en évidence d'un principe d'efficacité diffère grandement d'une évaluation préclinique telle que la définissent les organismes de régulation des essais cliniques. L'existence de maladies homologues à celles de l'homme dans différentes espèces animales permet de répondre à l'exigence des comités de régulation, de valider les approches dans au moins deux espèces animales différentes avant le passage en phase clinique. La validation préclinique se révèle très demandeuse de temps et d'argent en raison des lourdeurs qu'elle impose (détermination des paramètres pharmacologiques, évaluation précise de la toxicité, meilleure compréhension des mécanismes d'action, adaptation de schémas thérapeutiques transposables à l'application clinique). L'identification de la population cible pose le problème du point et du type d'intervention pour lesquels la persistance d'un bénéfice thérapeutique est escomptée.
Instauration des futurs essais cliniques
L'évaluation préclinique pour les approches de thérapie génique présente certaines particularités. L'étude de la toxicité représente le principal écueil à résoudre avant les essais cliniques, elle concerne l'ensemble des étapes du transfert de gène. L'approche de correction de fonction dans le cadre de RPE65 représente une étape cruciale pour le traitement des dégénérescences rétiniennes par haplo-insuffisance. Le passage à la phase clinique dans l'amaurose congénitale de Leber, liée à une atteinte de RPE65, nécessitera de trouver une réponse à l'ensemble de ces questions. Pour les autres approches de restitution de fonction, on peut être amené à penser qu'il suffira de valider le principe d'efficacité et d'étudier la toxicité liée au niveau d'expression du transgène.
Créer des bases de données
Les modalités de réalisation d'un génotypage de masse (organisation, financement, méthodologie adaptée au génotypage à grande échelle) représentent l'une des autres grandes priorités. L'amélioration de la connaissance des différents phénotypes est actuellement ralentie par l'absence de bases de données corrélant le génotype et le phénotype. La création de bases de données uniformisées permettrait de préparer non seulement les futurs essais cliniques, mais également de faire progresser considérablement la connaissance sur les dégénérescences rétiniennes héréditaires. La connaissance des pathologies liées aux génotypes les plus rares s'en trouverait également grandement améliorée. L'identification et la validation de centres experts aux compétences multidisciplinaires respectant une standardisation internationale représentent une recommandation essentielle.
* CHNO des Quinze-Vingts, Paris
** CHNO des Quinze-Vingts et INSERM U-592.
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