PLUSIEURS études observationelles semblent indiquer que la consommation de légumes crucifères (choux, brocolis et choux de Bruxelles) pourrait protéger contre différents types de cancer. Ces aliments sont en effet riches en isothiocyanates, une substance qui, chez l'animal, a prouvé son efficacité préventive en matière de cancer du poumon. Mais à cause du mode d'élimination particulier des isothiocyanates, qui se produit par le biais des enzymes glutathione-S-tranférase (GSTM1 et GSTT1), il est possible que l'effet préventif soit lié à des génotypes particuliers. Les deux gènes, GSTM1 et GSTT1, sont en effet dotés d'allèles nuls. Il existe donc des génotypes homozygotes nuls qui s'accompagnent d'une baisse de production d'enzymes. Les individus homozygotes pour une ou deux des formes inactives des gènes présentent un taux majoré d'isothiocyanate en raison d'une limitation des capacités d'élimination de cette substance.
Les pays de l'Est de l'Europe.
Afin de préciser le rôle des légumes crucifères dans la prévention du cancer du poumon et les interactions possibles avec le génotype GST, le Dr Paul Brennan et son équipe (dont l'Agence internationale pour la recherche sur le cancer, Lyon) ont mis en place une étude à grande échelle dans les pays de l'est de l'Europe, où la consommation de légumes crucifères est traditionnellement élevée.
L'étude cas-contrôles a inclus plus de 4 000 personnes en provenance de six pays européens (Pologne, Slovaquie, République tchèque, Russie et Hongrie). Tous les participants ont répondu par deux fois à un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires : une fois au milieu des années 1980, une fois après les changements politiques intervenus dans cette région (en 1989, pour tous les pays, sauf la Russie, en 1991). Simultanément, il a été procédé à un génotypage pour les gènes GSTM1 et GSTT1 à partir d'ADN extrait d'un prélèvement sanguin analysé par PCR. Les auteurs ont pris en compte le fait que les personnes qui consomment le plus de légumes crucifères ont généralement une consommation de légumes plus élevée que les témoins.
Consommés au moins une fois par semaine.
« Globalement, nous avons constaté un effet protecteur (baisse de 33 %) des légumes crucifères lorsqu'ils sont consommés au moins une fois par semaine (par rapport à une fois par mois) . Cette baisse était similaire chez les personnes consommant du chou et chez ceux qui préféraient les brocolis ou les choux de Bruxelles. » En prenant en compte le statut GST, les auteurs signalent que « le seul effet protecteur notable d'une consommation importante de légumes crucifères était noté chez les sujets porteurs d'allèle nul GSTM1 (baisse de 33 %) , GSTT1 (baisse de 37 %) ou les deux (baisse de 72 %) . En revanche, aucun effet protecteur n'a été signalé chez ceux qui étaient GSTM1 ou T1 positifs. »
Lorsque la population a été stratifiée en fonction de son tabagisme, l'effet protecteur chez les non-fumeurs a été considéré comme indépendant du statut GST. Puisqu'on peut imaginer que les concentrations enzymatiques en GST pourraient être plus élevées chez les fumeurs, en raison de la présence de substrats spécifiques du tabac, GSTM1 et GSTT1 pourraient ne pas modifier l'effet protecteur des légumes crucifères chez les non-fumeurs.
Pour les auteurs, « ces résultats confirment l'hypothèse que nous avions retenue : les légumes crucifères peuvent protéger contre le cancer du poumon, en particulier les personnes dont le taux d'enzymes GST circulantes est bas, en raison de la présence d'un allèle nul pour les gènes GSTM1 ou GSTT1. Ces résultats vont dans le même sens que ceux d'études de plus faible effectif qui concluaient à un effet protecteur de ces légumes sur les cancers du sein et du côlon. Bien que l'ensemble des travaux relatifs aux légumes crucifères ne concerne encore qu'un nombre assez faible de patients, il semble possible, en raison de l'importance des derniers résultats obtenus, que ces aliments, et en particulier les isothiocyanates qu'ils contiennent, puissent être utilisés pour leur effet préventif contre le cancer du poumon ».
« The Lancet » vol. 366, pp. 1558-1560, 29 octobre 2005.
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