PENDANT de nombreuses années, les thromboses veineuses profondes (TVP) des membres inférieurs étaient systématiquement traitées en milieu hospitalier, les patients étant hospitalisés pour une durée moyenne de 8 à 10 jours.
Actuellement, l’hospitalisation n’est plus systématique et de 75 000 à 100 000 thromboses veineuses par an sont traitées à domicile par le médecin vasculaire en collaboration étroite avec le médecin traitant.
Cette évolution dans les modalités de prise en charge des TVP découle de plusieurs facteurs. Tout d’abord, les données de la littérature : les études publiées en 1996 par Koopman (1) et Levine (2) et celle réalisée par Boccalon (3) en 1998 ont ouvert la voie. Le 7e consensus de l’Accp, paru dans « Chest » en 2004, autorise le traitement des thromboses veineuses profondes à domicile (grade 1C) ; les recommandations finlandaises (EBM 2003) et les données de la Cochrane Library (2002) vont également dans le sens de la réalisation du traitement à domicile. Ensuite, la mise sur le marché des héparines de bas poids moléculaire (Hbpm), dont l’utilisation est simple, le suivi biologique aisé et la biodisponibilité accrue. Il en est de même avec le fondaparinux, plus récemment commercialisé. Enfin, troisième facteur ayant contribué au développement du traitement à domicile des TVP : l’accès facile aux examens diagnostiques, en particulier l’écho-Doppler.
Efficacité et sécurité.
De nombreux arguments, scientifiques, thérapeutiques et économiques plaident donc en faveur du traitement des TVP à domicile. Le choix de cette solution impose de s’engager à faire en sorte que les patients bénéficient de soins aussi efficaces qu’en milieu spécialisé et en toute sécurité. Pour ce faire, la décision repose sur des critères précis.
– Le diagnostic de TVP est porté avec certitude et documenté (écho-Doppler).
– Il s’agit d’une TVP distale ou proximale ; l’extension iliaque n’est pas une contre-indication (à discuter au cas par cas), en revanche une atteinte de la veine cave en est une.
– L’absence de signe clinique et afortiori paraclinique d’embolie pulmonaire.
– L’absence de contre-indication à l’anticoagulation : une affection hémorragique récente, quelle qu’en soit la cause, impose une hospitalisation, de même qu’un antécédent documenté de thrombopénie induite par l’héparine.
– L’absence d’affection concomitante rendant difficile l’introduction d’un traitement anticoagulant (cancer évolutif, maladie inflammatoire, par exemple).
– L’absence d’insuffisance rénale sévère.
– L’accord du médecin traitant pour assurer, en collaboration avec le médecin vasculaire, le suivi thérapeutique et le relais par les antivitamines K (AVK).
– L’accord du patient et de sa famille après information sur la thrombose veineuse profonde, ses risques potentiels, sur l’utilisation des anticoagulants (héparine, puis AVK), leur surveillance et l’intérêt d’une contention élastique. Le patient doit connaître les signes cliniques qui doivent entraîner immédiatement une consultation ou une visite de son médecin traitant. Enfin, il faut lui signaler qu’en cas de symptomatologie aiguë il doit appeler son médecin traitant, et s’il n’est pas joignable, faire appel au 15. Le patient doit avoir à sa disposition les numéros de téléphone du médecin traitant, du médecin vasculaire et de l’infirmière.
– L’accord d’une infirmière pour assurer les injections à domicile tous les jours, le dimanche et les jours fériés, si nécessaire.
– La possibilité de réaliser très facilement, près du domicile, les examens biologiques (contrôle régulier de l’INR, des plaquettes).
– En France, la prise en charge des thromboses veineuses profondes à domicile est une réalité depuis 1997.
Si l’efficacité thérapeutique a été démontrée, le coût de ce traitement a été évalué et la qualité de vie des patients analysée. Les résultats sont sans ambiguïté, toutes les études montrent que le coût du traitement est environ deux fois moins élevé à domicile qu’à l’hôpital ; quant à la qualité de vie, elle est incontestablement améliorée.
Des cas particuliers : le senior et la femme enceinte.
Le grand âge n’est pas une contre-indication au traitement à domicile, sous réserve de l’absence de troubles cognitifs et de risque d’interactions entre le traitement anticoagulant et les médicaments habituels du patient.
La survenue d’une thrombose veineuse au décours d’une grossesse impose une hospitalisation de courte durée pour initier au mieux l’anticoagulation. Puis le traitement et le suivi de la thrombose veineuse profonde pourront être poursuivis en ambulatoire, en collaboration étroite avec le médecin vasculaire, le médecin traitant et le gynécologue.
Il existe une alternative au traitement à domicile, l’hospitalisation de courte durée (3-4 jours), qui permet de commencer le traitement chez des sujets à haut risque, voire de réaliser une enquête rapide à visée étiologique.
D’après un entretien avec le Dr Jean-Pierre Laroche, médecin vasculaire, hôpital Saint-Eloi, CHU de Montpellier. (1) Koopmann MM, Prandoni P, Piovella F et coll. Treatment of Venous Thrombosis with Intravenous Low Molecular Weigh Heparin Administered at Home. « N Engl J Med » 1996 ; 334 : 677-681.
(2 )Levine M, Gent M, Hirsh J et coll. A Comparison of Low Molecular Weight Heparin Administered Primarly at Home with Unfractionated Heparin Administered in the Hospital for Proximal Deep Vein Thrombosis. « N Engl J Med » 1996 ; 334 : 677-681.
(3) Boccalon H, Elias A, Chale JJ, Cadeene A, Dumoulin A. Treatment of Deep Venous Thrombosis at Home : Evolution from Ideas to Medical Practice. « Bull Acad Natl Med », 1998 ; 181 (1): 101-112.
Le projet CACTUS
Les stratégies diagnostiques et thérapeutiques de la thrombose veineuse profonde (TVP) surale sont variables d’un pays à l’autre.
Des études récentes suggèrent que l’échographie surale aurait une valeur prédictive positive plus faible que pour les veines proximales, avec un risque important de faux positifs et de traitements anticoagulants non justifiés. En France, le diagnostic des TVP surales repose sur un examen échographique complet. Dans d’autres pays ou équipes, l’examen échographique concerne uniquement les veines proximales, intégré dans une démarche de stratégie diagnostique associant estimation de la probabilité clinique, D-dimères et réalisation d’un examen ultrasonographique limité aux confluents poplité et fémoral communs. La comparaison de ces stratégies diagnostiques semble bien montrer un excès de traitement anticoagulant lors de l’écho-Doppler complet pour une même efficacité antithrombotique.
L’étude CACTUS, multicentrique, randomisée, en double aveugle, Hbpm versus placebo, a pour objectif de réévaluer le rapport bénéfice/risque réel du traitement par anticoagulant dans la TVP surale isolée, symptomatique, diagnostiquée échographiquement. Tous les patients inclus bénéficieront d’une contention élastique et d’une surveillance échographique standardisée avec un examen systématique à J7.
D’après un entretien avec le Pr Isabelle Quéré, médecin coordonnateur du projet CACTUS, service de médecine interne et maladies vasculaires, CHU de Montpellier.
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