Congrès-Hebdo
Les tendances observées aux Etats-Unis étaient pourtant on ne peut plus favorables ; l'incidence a fortement chuté depuis 1993, même si on dénombre encore environ 40 000 nouvelles infections par an. La mortalité a fortement régressé, surtout depuis 1996 (en particulier, le taux de survie un an après la première infection opportuniste dépasse 85 %). Le résultat est cependant une augmentation constante de la prévalence, avec quelque 900 000 Américains porteurs du VIH.
Mais, on l'a dit, certaines données font craindre un rebond de l'infection par le VIH : tout d'abord, parce que, pour la première fois depuis longtemps, le nombre de cas de sida diagnostiqués en 1991 remonte légèrement (1 %). Surtout, des statistiques provenant de 25 Etats (ce qui doit faire relativiser ces résultats, d'autant que New York et la Californie ne figurent pas dans la liste) montrent que, entre 1999 et 2001, le nombre de diagnostics de séropositivité a augmenté de 8 % (10 % chez les hétérosexuels et 14 % chez les homosexuels, alors que le nombre de contaminations continue à décroître chez les toxicomanes). Une étude effectuée dans six grandes villes (dont New York, Los Angeles et Miami) montre que les jeunes homosexuels noirs sont particulièrement touchés par l'infection par le VIH (incidence de 14,7 % et prévalence de 32 %). Enfin, un rapport du CDC montre que la légère recrudescence de la syphilis touche essentiellement les homosexuels, ce qui fait redouter un parallélisme avec la recrudescence d'infections par le VIH.
Trop de rapports non protégés
Que faire pour prévenir la résurgence d'une épidémie ? En premier lieu, accroître l'information des séropositifs qui sont de plus en plus nombreux et qui restent sexuellement actifs dans 69 % des cas, selon une étude (SHAS) réalisée par le CDC.
La même étude montre que le pourcentage de rapports sexuels protégés varie entre 78 et 96 % (en fonction du sexe du partenaire et du caractère régulier ou occasionnel de la relation) quand ces sujets savent que leur partenaire est séronégatif. Le pourcentage n'est plus que de 52 à 86 % quand le statut VIH du partenaire est inconnu. Cela laisse la place à beaucoup de contaminations, déplore R. Valdiserri.
Une étude réalisée en Caroline du Nord (D.A. Wohl) montre que la sortie de prison est une période particulièrement dangereuse (aux Etats-Unis, 20 % des séropositifs ont été incarcérés au moins une fois) ; 51 % des sujets libérés ont des rapports sexuels dans les six jours quii suivent leur sortie de prison, des rapports non protégés et potentiellement infectants (partenaires séronégatifs ou dont le statut VIH est inconnu) dans 31 % des cas...
Le piège du Web
La sortie de prison ne représente pas la seule période à risque. Le surf sur les sites Internet homosexuels pouvant réserver de bien mauvaises surprises, comme le montre une étude réalisée à New York (S. Hirshfield), via Internet, auprès de 2 934 homosexuels qui, il faut le souligner, appartenaient majoritairement à des couches socioculturelles élevées. Malgré cela, les sujets qui trouvent leurs partenaires via Internet (84 % de l'échantillon) ont des rapports sexuels à risque dans 64 % des cas (contre 58 % de ceux trouvant leurs partenaires en dehors des sites gays ; p = 0,02), 7,6 % des sujets interrogés étaient séropositifs, et c'est malheureusement dans ce sous-groupe que l'on observe le plus de rapports non protégés (odds ratio = 1,5, p = 0,03).
Il faut noter que cette population est particulière, avec une forte proportion d'utilisateurs de drogues (43 %) et d'alcooliques (34 %).
Quoi qu'il en soit, il semble qu'Internet se substitue progressivement aux établissements spécialisés, dans la population homosexuelle américaine à partenaires multiples. D'où l'appel lancé par les spécialistes américains aux sites gays pour qu'ils renforcent les conseils de prévention.
Ne pas baisser la garde
Face à ces données, le Pr Harold Jaffe appelle tous les professionnels de santé à ne pas négliger les conseils donnés aux patients, en ce qui concerne le « safer-sex ». Même si l'on sait que le traitement efficace réduit considérablement la contagiosité : trop de patients s'appuient sur cette « sécurité » pour adopter des conduites à haut risque.
Mais, surtout, il vaut mieux dépister la séropositivité pour prévenir la propagation de la maladie et, là aussi, il y a beaucoup de progrès à accomplir : l'étude effectuée dans six villes américaines montre que 77 % des jeunes homosexuels (de 16 à 29 ans) ignorent leur séropositivité, un pourcentage qui atteint 91 % chez les Afro-Américains. Des chiffres que l'on comprend mieux quand on sait (étude SHAS du CDC) qu'une petite minorité de tests (10 % pour les garçons et 17 % chez les filles) correspond à une démarche de dépistage active. A titre de comparaison, 45 % des hommes et 34 % des femmes font leur premier test parce qu'ils sont déjà malades... On voit bien les conséquences possibles de cette ignorance.
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