L'élévation de la créatine kinase représente le signe le plus sensible et le plus spécifique de souffrance musculaire et témoigne sur le plan morphologique d'une nécrose de la fibre musculaire. Le contexte clinique permet de différencier une souffrance myocardique d'une souffrance musculaire, le dosage des isoenzymes n'étant pas toujours discriminant.
La concentration sérique de CPK subit des variations physiologiques lors d'un effort musculaire notamment ; il est donc recommandé de réaliser le dosage après 3 jours d'activité physique normale. Le taux de CPK est relativement bien corrélé à la masse musculaire (sexe, âge et ethnie). Les laboratoires d'analyse biologique corrigent en général les variations liées au sexe.
L'importance du contexte clinique
Les diagnostics sont envisagés en fonction du contexte clinique.
Devant un premier épisode aigu de myalgies, important, il faut évoquer en tout premier lieu, le diagnostic de rhabdomyolyse qui s'accompagne d'une augmentation massive du taux de CPK et d'une pigmenturie liée à la myoglobinurie. Le risque est vital (hyperkaliémie, CIVD...). Les causes acquises traumatiques (crush syndrome, syndrome des loges ou l'immobilisation prolongée (après un AVC), l'excès d'exercice musculaire sont les plus fréquentes. Les origines infectieuses sont souvent évoquées, rarement prouvées. Les autres étiologies sont représentées par les toxiques (venins, champignons), les médicaments (statine et fibrate) mais aussi les bêtabloquants, le valproate, les neuroleptiques (syndrome malin des neuroleptiques), les sérotoninergiques. Ces causes médicamenteuses sont probablement sous-estimées. La biopsie musculaire n'est demandée qu'à distance - 3 mois après l'épisode - pour rechercher une pathologie musculaire.
L'association de myalgies aiguës itératives à l'effort et d'une fatigabilité représente le deuxième tableau clinique. Dans ce cas, il faut penser en priorité à une pathologie musculaire sous-jacente : myopathies métaboliques (glycogénoses, déficits de la chaîne mitochondriale) et de façon moins fréquente à la susceptibilité à l'hyperthermie maligne peranesthésique (myolyse très sévère avec hyperthermie déclenchée par certains agents anesthésiques). Enfin, il existe certaines dystrophies musculaires ont parfois des présentations pseudométaboliques qui se manifestent par une intolérance à l'effort.
Douleurs et déficit musculaires
Le troisième tableau clinique associe douleurs et déficit musculaires. Viennent en premier lieu, les myopathies inflammatoires et endocriniennes où les myalgies peuvent manquer mais le déficit musculaire est régulièrement présent. Elles se différencient des dystrophies par l'absence de sélectivité musculaire : l'atteinte musculaire est beaucoup plus globale. La première cause de myopathie endocrinienne reste l'hypothyroïdie.
Le quatrième tableau clinique est représenté par les déficits musculaires isolés dont la principale étiologie est la dystrophie musculaire. L'imagerie montre la sélectivité des muscles atteints : le contour musculaire est conservé, mais le muscle apparaît hypodense en raison de l'infiltration adipeuse. L'EMG retrouve une atteinte myogène non spécifique. Seule la biopsie musculaire fixe le diagnostic.
Cinquième situation, l'augmentation isolée infraclinique des CPK. Dans ce cas, il faut d'abord évoquer les variations physiologiques, et penser aux causes facilement accessibles comme les médicaments et l'hypothyroïdie. Le bilan musculaire n'est engagé qu'après avoir éliminé les causes acquises où si le taux est trois fois supérieur à la normale, il est recommandé de rechercher une dystrophie musculaire infraclinique ou une hyperthermie maligne peranesthésique.
En ce qui concerne les examens complémentaires, l'EMG n'est pas contributif au stade de rhabdomyolyse, mais permet de guider le bilan : tracés normaux, dénervation, altération myogène... Il n'est pas spécifique et sa sensibilité reste très dépendante de l'opérateur. Les explorations fonctionnelles d'effort vont essayer de montrer s'il existe des éléments en faveur d'un déficit énergétique. La spectroscopie de RMN au phosphore 31 est une exploration très sensible mais demande une équipe spécialisée : elle détermine une anomalie de la lipolyse anaérobie (défaut d'acidose) ou au contraire un trouble du métabolisme oxydatif (acidose excessive).
L'examen clef reste la biopsie musculaire réalisée dans un centre spécialisé si l'on veut utiliser tout ce qu'elle peut donner comme informations (étude morphologique, immuno-histochimique, immuno-enzymologique,etc).
D'après la communication du Dr J. Pouget (Marseille).
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