DEUX FAITS ont conduit une équipe danoise à s'intéresser à la fécondité des couples dont les deux membres sont en surpoids. Le premier est « l'épidémie » d'obésité dans les pays industrialisés. Le second est le constat d'une hypofécondité des hommes et des femmes en surpoids. C'est ainsi que Cecilia Ramlau-Hansen (Aarhus) et ses collaborateurs ont eu l'idée d'analyser de façon rétrospective le registre de la cohorte nationale danoise des naissances. Le travail confirme ce que les chercheurs suspectaient : les couples constitués de deux individus en surpoids mettent plus de temps pour concevoir un enfant, et le délai est directement lié aux kilos supplémentaires. L'hypofécondité est définie par un délai dépassant un an, à partir du début des rapports sans précautions.
Des informations sur 47 835 couples.
Entre 1996 et 2002, plus de 64 000 femmes ont été enrôlées dans la cohorte danoise. Elles ont répondu à des questionnaires au cours de leur grossesse et dans les 18 mois qui ont suivi. Les informations intéressantes pour l'étude en cours, IMC (indice de masse corporelle) et délai avant la conception, ont été disponibles pour 47 835 couples. Outre ces données ont été relevés la taille, les grossesses antérieures, le tabagisme, le groupe socio-économique. Avaient été exclus les couples sur lesquels les informations étaient incomplètes, ceux chez qui une maladie pouvait altérer la fécondité et, enfin, les grossesses obtenues par FIV.
Dans la cohorte, 6,8 % des hommes et 8,2 % des femmes étaient obèses. Les couples constitués de deux obèses en représentaient 1,4 %. A l'inverse, 53 % des hommes et 68 % des femmes étaient de poids normal.
Dans les couples dont l'IMC était supérieur ou égal à 18,5 kg/m2 (fourchette inférieure de l'IMC normal, selon l'OMS), il existe une relation linaire entre l'augmentation du poids et l'hypofécondité (délai dépassant 12 mois). Quand les membres du couple sont obèses, le risque est 2,74 fois plus élevé que pour un couple de poids normal et 1,4 fois plus élevé s'ils sont en simple surpoids. L'odds ratio est de 1,32 pour les femmes et de 1,19 pour les hommes.
Pour chaque kilo, un retard de 2,84 jours.
Une analyse a été menée auprès des 2 374 femmes en surpoids, qui ont été incluses plus d'une fois dans la cohorte. Chez elles, pour chaque kilo pris entre deux grossesses, un retard supplémentaire de 2,84 jours s'ajoute avant qu'elles puissent concevoir. A l'inverse, dans 365 couples, la femme était en surpoids ou obèse au cours d'une première grossesse, puis avait soit perdu du poids, soit s'était stabilisée avant la deuxième grossesse. Dans ce cas, chaque kilo en moins a permis de réduire, en moyenne, le délai de 5,5 jours.
Les auteurs sont conscients que leur travail, qui n'incluait que les couples ayant eu un enfant, n'est pas capable d'évaluer un risque éventuel de stérilité. «Nous pensons, cependant, que l'effet de l'IMC est plus quantitatif que qualitatif, si c'est bien une cause d'hypofertilité, ce qui est conforté par toutes les études publiées. Un IMC élevé ne crée probablement de stérilité que chez des individus déjà porteurs d'un trouble de la fécondité supplémentaire », constatent les auteurs.
Quant à comprendre les mécanismes responsables, peut-être faut-il évoquer une maladie ou des facteurs génétiques responsables à la fois de surpoids et d'hypofertilité, expliquent les Danois. Selon eux, cette hypothèse ne pourra être confirmée qu'après un essai randomisé. Un tel essai pourrait dire si une perte de poids peut restaurer la fertilité normale, au sein de ces couples.
Enfin, un dernier point n'a pas été étudié dans la cohorte : la fréquence des rapports sexuels. Un rythme abaissé pourrait également expliquer l'hypofertilité.
« Human Reproduction », édition avancée en ligne.
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