> Antiquités
SUR PLACE, il ne reste quasiment rien, si ce n'est un porche sculpté, quelques amorces de voûtes et un magnifique morceau de sculpture : « le Puits de Moïse », que les protecteurs du patrimoine - comme on ne disait pas - réussirent à soustraire aux ardeurs iconoclastes des sans-culottes.
Pourquoi Moïse ? Parce que, parmi les six figures de prophètes qui encadrent cette fontaine du XIVe siècle, celle de Moïse barbu et cornu est la plus imposante. Les autres méritent pourtant la même admiration, surtout depuis la restauration et le méticuleux nettoyage qui viennent de dégager la terrasse verte du Moïse, les ailes dorées des anges et le superbe vêtement bleu et or du roi David. Une révélation, tant cette polychromie d'origine fut longtemps masquée par une peinture brunâtre destinée elle-même à couvrir le noir de fumée émanant depuis le milieu du XIXe de la voie de chemin de fer toute proche.
Au temps des grands ducs d'Occident, la chartreuse de Champmol n'était pas seulement une nécropole de luxe, mais un centre artistique où s'épanouirent autour de Claus Sluter les plus grands talents de l'époque : sculpteurs, peintres, orfèvres, enlumineurs... Leurs œuvres furent elles aussi détruites ou dispersées, et ce qui en reste se trouve aujourd'hui réparti à travers différentes collections publiques ou privées dans le monde entier.
L'expo qui complète au palais ducal la réhabilitation de la Chartreuse permet les retrouvailles temporaires de certaines œuvres. Comme le polyptyque de la vie du Christ dont deux panneaux sont conservés à Anvers et deux autres à Baltimore.
Le musée de Cleveland conserve plusieurs éléments des tombeaux ducaux, écartés par les restaurateurs du XIXe siècle, notamment quatre pleurants réunis pour quelques mois avec leurs camarades de Dijon.
Outre les tombeaux du XVe siècle, le palais ducal abrite d'autres chefs-d'œuvre en provenance de la chartreuse. Les plus spectaculaires sont deux précieux retables, celui des « Saints et Martyrs » et celui de « la Crucifixion », un travail tout en finesse qui réunit l'art de la sculpture, de la peinture et de l'orfèvrerie.
Commandées vers 1390 par Philippe le Hardi, les deux œuvres portent le monogramme du duc et de celui de son épouse Marguerite de Flandre. Cette union est la première d'une politique matrimoniale qui aboutit au XVe siècle à la formation de l'Etat bourguignon, qui se pose en rival de la monarchie française et explique, par ailleurs, l'origine cosmopolite des objets réunis dans cette exposition.
Les fastes des Valois.
En dehors de la chartreuse et de ses vestiges, la manifestation rend hommage au mécénat des deux premiers ducs de Valois, et au talent des artisans de l'époque qui ne sont pas tous bourguignons. Beaucoup viennent des Flandres où les ducs résidaient plus souvent qu'à Dijon, beaucoup aussi de Paris, où ils se trouvaient souvent et où ils faisaient volontiers leur « shopping » d'objets de luxe.
Ces princes ambitieux et sans scrupules sont aussi de fins érudits, amateurs d'art, de culture et de beaux manuscrits. Les livres enluminés occupent une large place de l'exposition, ils sont généralement mieux préservés que les tapisseries, dont aucune n'a subsisté, ou l'orfèvrerie, dont les témoignages sont rares. On n'en appréciera que mieux la grosse chevalière garnie du portrait en émail de Jean sans Peur, un bijou d'or émaillé venu de Washington et représentant la Trinité et deux coupes, l'une en argent, l'autre en vermeil aux armes de Jean sans Peur.
Rien ne reste, en revanche, sauf la comptabilité des ducs, des décors éphémères des fêtes, des fastes et des festins mémorables qui tissèrent la courte légende des grands ducs d'Occident, de Philippe le Hardi à Charles le Téméraire.
L'Art à la cour de Bourgogne, de Philippe le Hardi à Jean sans Peur. Musée des Beaux-Arts de Dijon. Ouvert chaque jour sauf mardi, de 9 h 30 à 18 h, jusqu'au 15 septembre. Entrée : 5 euros. Billet jumelé avec le Puits de Moïse (boulevard du Chanoine-Kir) : 6 euros.
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