Pemphigoïde bulleuse
MALADIE ACQUISE relativement fréquente, puisqu'on en dénombre 400 nouveaux cas par an en France, la pemphigoïde bulleuse touche essentiellement les personnes âgées de plus de 60 ans, aussi bien les hommes que les femmes avec une fréquence qui s'accroît avec l'âge. C'est une maladie autoimmune se caractérisant histologiquement par un clivage sous-épidermique. Elle est définie, sur le plan immunologique, par une auto-immunisation contre deux protéines de structure de la jonction dermo-épidermique localisées dans les hémidesmosomes.
Un diagnostic avant tout clinique.
« Au début de la maladie, comme le signale le Dr Laurence Valeyrie-Allemore, les signes dermatologiques cliniques sont généralement peu spécifiques, mais l'attention est souvent attirée par un prurit intense, insomniant et persistant. » Des placards rouges eczématiformes ou urticairiens peuvent également apparaître à cette phase ; ils ne sont pas encore surmontés de bulles mais sont extrêmement prurigineux. Cette première phase peut évoluer pendant des mois avant que n'apparaissent les bulles qui signent la phase d'état. « Leurs caractéristiques évoquent d'emblée le diagnostic », souligne L. Valeyrie-Allemore : elles ont un diamètre supérieur à 5 mm, sont tendues, leur centre est clair ou rempli de sang et elles reposent généralement sur un placard eczématiforme ou urticairien. Un clivage relativement profond existe entre la membrane basale et l'épiderme et, élément très important, il n'y a pas de signe de Nikolski (décollement cutané provoqué par le frottement). A ces bulles s'associent des macules, des papules érythémateuses, parfois d'aspect urticarien, polycycliques ou en cible, des lésions eczématiformes, des lésions croûteuses qui sont le reliquat des bulles. Ces lésions siègent avec prédilection au niveau des plis de flexion des membres, inguinaux et axillaires mais également sur la face antéro-interne des cuisses et la partie inférieure de l'abdomen. L'atteinte muqueuse est rare (entre 10 et 20 % des cas). L'évolution se fait par poussées, les bulles laissant place à des érosions qui cicatrisent lentement.
Des formes atypiques existent, tant par leur topographie (paumes et plantes) que par leur nature (vésicules de diamètre inférieur à 5 mm pouvant simuler une autre dermatose, notamment la dermatose herpétiforme) ou encore par l'absence de bulles.
Le diagnostic de pemphigoïde bulleuse est avant tout clinique et confirmé par l'histologie. L'histologie classique met en évidence une bulle de topographie sous-épidermique avec un décollement de la totalité de l'épiderme, l'absence de nécrose et l'absence d'acantholyse (qui existe dans le pemphigus). Il existe un infiltrat inflammatoire très important avec des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles.
Un fragment de peau péribulleuse est prélevé pour immunofluorescence directe (IFD) qui montre un dépôt linéaire d'IgG et de C3 dans la zone de la membrane basale.
« Aujourd'hui, souligne L. Valeyrie-Allemore, l'immunofluorescence indirecte est systématique avec recherche d'anticorps circulant dans le sang du patient. »
Une révolution dans le traitement.
Les bulles doivent bénéficier de soins locaux. « Dans un premier temps, conseille L .Valleyrie-Allemore, on peut appliquer un antiseptique dilué. Mais, précise-t-elle , il est inutile de prolonger cette application plus de 3-4 jours. En fait, pour évaluer l'activité de la maladie, on conseille de compter les bulles, de les percer et d'appliquer une solution de nitrate d'argent à 1 % qui a l'avantage de posséder des vertus antiseptiques et asséchantes. Une fois ces soins locaux effectués, la révolution thérapeutique de ces dernières années a été apportée par l'emploi d'emblée d'un corticoïde local de classe 1, le propionate de clobétasol (Dermoval). Il est en effet devenu aberrant de traiter une personne âgée porteuse de pemphygoïde bulleuse par une corticothérapie générale en première intention. D'emblée, il faut traiter les patients avec un dermocorticoïde de classe forte. » La crème doit être appliquée non seulement sur les lésions bulleuses mais sur la totalité de la surface corporelle à raison de 20 g de crème deux fois par jour en traitement d'attaque, lequel est généralement maintenu pendant un mois. La décroissance des applications sera ensuite fonction de la réponse au traitement.
La survie globale des patients est ainsi augmentée avec beaucoup moins d'effets secondaires et de complications notamment infectieuses. A noter que ces applications peuvent quand même avoir certains effets secondaires, bien plus modérés que ceux observés sous corticothérapie par voie générale, à savoir une atrophie cutanée avec une peau devenant plus fine et plus fragile.
Ce changement dans la prise en charge fait suite notamment aux résultats d'une étude multicentrique française (1) issue du travail du groupe « bulles » qui a montré que la corticothérapie locale de classe forte avec le propionate de clobétasol est plus efficace que la corticothérapie orale, mais surtout diminue de façon significative les effets secondaires et la mortalité, en particulier dans les formes sévères (plus de 10 nouvelles bulles/jour). Pour les pemphigoïdes modérées (moins de 10 bulles par jour), l'efficacité, les effets secondaires et la survie sont identiques.
« Quant au méthotrexate, conclut L. Valleyrie-Allemore, il semble intéressant dans un deuxième temps en association aux corticoïdes locaux, ce qui permet de réduire les effets secondaires de ceux-ci ».
D'après la communication du Dr Laurence Valeyrie-Allemore.
(1) Joly P, et coll. A comparison of oral and topical corticosteroids in patients with bullous pemphigoid. N Engl J Med. 2002 ;346 :321-7.
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