Urgences 2003 16-18 avril 2003

Les corps étrangers laryngo-trachéo-bronchiques

Publié le 22/05/2003
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CONGRES HEBDO

Il en va des corps étrangers ORL comme des accidents de voiture : seuls les efforts de prévention - l'interdiction des cacahuètes avant 7 ans notamment - permettront de réduire significativement la morbi-mortalité qui leur est attachée. Les corps étrangers laryngo-trachéo-bronchiques sont encore responsables d'une trentaine de décès par an chez l'enfant de moins de 4 ans et représentent l'accident mortel le plus fréquent avant l'âge de 6 ans. S'ils surviennent dans deux tiers à trois quarts des cas entre 1 et 3 ans, on observe un autre pic de fréquence, par fausse route alimentaire, chez la personne âgée.

Le syndrome de pénétration

L'inhalation du corps étranger (CE), qui s'enclave le plus souvent dans l'arbre bronchique droit en raison de sa position anatomique plus verticale, est responsable du classique syndrome de pénétration dû à un spasme laryngé et à une toux réflexe. Il entraîne dans la majorité des cas l'expulsion de l'intrus.
Lorsque ce dernier reste enclavé, C. Grifon (service d'ORL CHU d'Angers) sépare trois situations :
- la plus fréquente est celle du patient pauci- ou asymptomatique (80 % des cas). Il apparaît alors que si l'entourage déclare avoir assisté au syndrome de pénétration, l'ORL aura 80 % de chances d'observer effectivement un CE laryngo-trachéo-bronchique. Cette probabilité tombe à 20 % en cas de syndrome de pénétration simplement évoqué par les témoins.

Rechercher des signes radiologiques indirects

L'examen clinique livre souvent des éléments de localisation du CE. Ainsi, une dysphonie ou un stridor plaident en faveur d'un enclavement au niveau de la glotte. L'enclavement à l'étage trachéal est caractérisé par une toux et une dyspnée aux changements de position. Enfin, le wheezing et l'abolition du murmure vésiculaire est typique de l'enclavement bronchique. Rappelons que les corps étrangers ne sont radio-opaques que dans 10 à 20 % des cas. Ce seront donc avant tout les signes indirects du bilan radiologique qui devront être recherchés : distension ou atélectasie. En tout état de cause, même si les examens clinique et radiologique sont normaux, l'endoscopie bronchique devra être systématique dès lors que le syndrome de pénétration est certifié par l'entourage. S'il n'est qu'évoqué par les témoins, la fibroscopie ne sera réalisée qu'en cas de diagnostic très probable de CE ou si le suivi du patient est impossible. Devant un tableau clinique plutôt évocateur d'une autre pathologie (rhino-pharyngite, asthme, pneumopathie ou laryngite sous-glottique), un traitement d'épreuve assorti d'un bilan radioclinique à distance (J5) seront suffisants.
L'examen endoscopique sera réalisé en urgence si le corps étranger est enclavé au niveau laryngé ou trachéal ou s'il est multiple. La présence de troubles respiratoires intéressant tout un poumon ou d'un épanchement gazeux ou pleural conduiront à la même décision. Dans les autres cas, il sera préférable d'effectuer la fibroscopie après 6 heures de jeûne. Les ORL utilisent en effet des endoscopes rigides qui ne protègent pas les voies aériennes supérieures d'une éventuelle inhalation de liquide gastrique peropératoire.
Chez un patient asphyxique, c'est bien sûr l'urgence absolue qui prévaut et la manœuvre de Heimlich réalisée (nécessairement) par l'entourage est systématiquement indiquée, même si le corps étranger sous-glottique reste une contre-indication théorique à cette technique.
Dans l'hypothèse où le patient supporte l'oxygénation au masque, le médecin pourra tenter d'extraire le CE avec une pince de Magill. S'il est invisible, c'est l'intubation qui sera indiquée, pour pousser le corps étranger au niveau de la carène et libérer ainsi au moins une des deux bronches souche. Enfin, si le corps étranger et à la fois sous-glottique et non mobilisable, seule la ponction trachéale ou la trachéotomie à la volée permettront de sauver le patient.

Savoir évoquer rétrospectivement un corps étranger

Le corps étranger ancien, dernière hypothèse, est le plus souvent pris en charge par le pédiatre ou le pneumologue, confronté à des complications survenant généralement au septième jour. Il faudra donc évoquer rétrospectivement un CE ancien devant une toux rebelle, une hémoptysie, une broncho-pneumopathie traînante ou encore une bronchite asthmatiforme. L'interrogatoire recherchera alors patiemment tout épisode évoquant un syndrome de pénétration survenu dans la ou les semaines précédentes.

D'après la communication de C. Grifon, service d'ORL, CHU d'Angers.

ANTHELME Jean

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7340