Les acteurs et patients VIH sont particulièrement concernés par ces évolutions, selon le Pr Geneviève Chêne (Université de Bordeaux). La question est maintenant de savoir comment les acteurs vont s’approprier l’écosystème en pleine restructuration en région et comment celui-ci leur permettra d’exprimer leurs besoins et de maîtriser leur propre santé. Par voie de conséquence, les Corevih sont aussi directement concernés par cette réforme. Ils représentent un modèle de coordination de tous les professionnels de la prévention, du soin, mais aussi de l’information, de la recherche, de la formation mais aussi les associations de malades et d’usagers. Le renforcement des actions de prévention et de promotion tel que voulu par la nouvelle loi sera facilité.
Avec la réforme territoriale et la nouvelle loi de santé, des changements vont s’opérer au niveau des Corevih. Ce qui va vraiment changer : la logique de communauté professionnelle de territoire. En d’autres termes, désormais, les stratégies pourraient venir « d’en bas » : les professionnels de proximité se concerteront et indiqueront leurs difficultés et leurs besoins aux instances de territoire (ARS et fonctions d’appui des professionnels). C’est un changement d’état d’esprit car jusque là, l’ARS convoquait et rapprochait les acteurs.
Le Pr Geneviève Chêne explique combien ce pan de santé publique est complexe. « Accéder à la prévention est bien plus difficile que d’accéder au soin. Or on sait que la prévention et la promotion ne touchent que ceux dont les conditions socio-économiques sont les plus confortables. Il faut que les acteurs de terrain et les usagers expriment leurs besoins en matière de prévention. Ensuite, il ne faut pas oublier que les solutions “territoires-dépendant” visent malgré tout des personnes identiques, même si le profil de territoire est différent. Donc il ne faudra pas multiplier les initiatives indépendamment les uns des autres et, au contraire, ne pas hésiter à faire de l’inter-Corevih pour offrir les mêmes solutions. »
Si la prévention et la promotion ne font pas partie de la culture française, les choses ont changé depuis plusieurs années, selon le Pr Geneviève Chêne. En matière économique, l’efficacité de l’évaluation a été démontrée dans certains pans de prise en charge comme celle de la prévention secondaire par des antihypertenseurs. « Mais la thématique est sensible lorsqu’il faut apporter le même niveau de preuve qu’en soins pour créer une culture de l’évaluation de la prévention et voir les moyens être alloués plus largement à la prévention. Les données big data/open data aideront, à condition que leur accès soit effectivement facilité. »
Ce que le Pr Philippe Morlat, chef de service de médecine interne et maladies infectieuses (CHU de Bordeaux), a confirmé : « On va pouvoir faire une analyse des données relatives aux personnes infectées à partir des données de l’assurance maladie. Leur accès devrait être plus facile avec cette loi de santé. » Autre point d’achoppement, évoqué par le Dr Denis Lacoste, président du Corevih Aquitaine : « Le Corevih n’est pas un opérateur, il coordonne, il anime les acteurs de santé concernés. On sait qu’aujourd’hui, ces derniers sont débordés, on le voit au travers de l’ETP. Comment faire pour que ces personnes arrivent à se positionner désormais aussi sur la prévention ? La prévention secondaire permise par un traitement ne suffit pas. » Et si les préventions secondaire et tertiaire sont efficaces dans le domaine du VIH, la prévention primaire est plus problématique.
Benoît Ellebode a conclu : « La loi de santé est une loi organique. Il faut comprendre que la puissance d’action des acteurs de territoire est supérieure à ce qu’apporte la loi. On a des tas d’outils pour agir aujourd’hui en proximité. Pour assurer cette transition, il faut de la recherche dans le domaine de la prévention, des moyens financiers, une professionnalisation de la prévention et enfin une coordination des politiques publiques avec les collectivités, les représentants de l’État. »
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