La Coordination nationale des médecins spécialistes (CNMS) sollicite l'arbitrage de Jean-François Mattei dans le conflit opposant les caisses d'assurance-maladie et les médecins spécialistes de secteur I, qui poursuivent leurs dépassements d'honoraires pour compenser la non-revalorisation de leurs lettres clés tarifaires depuis huit à treize ans.
Dénonçant « la discrimination d'exercice » entre les secteurs I et II « sans différence de qualification », la CNMS propose, comme « solution rapide » soit la « réouverture du secteur II » à honoraires libres, soit la mise en place d'un « secteur unique », dans lequel les médecins appliqueraient tantôt des tarifs opposables, tantôt des dépassements, en fonction des situations. L'idée du secteur unique, déjà avancée par la Fédération des médecins de France (FMF), est une « alternative plus souple et probablement plus adaptée aux conditions multiples d'exercice des médecins », estime la coordination nationale.
En attendant, la CNMS « appelle les médecins à appliquer des honoraires réels en accord avec leurs exigences déontologiques ou à cesser tout rapport avec les caisses ». Pour la coordination nationale, il est temps de « faire cesser au plus vite cette mascarade » qui consiste à parler encore de spécialistes « conventionnés » après les deux échecs conventionnels de 1998 et de cette année.
Sur le terrain, plusieurs centaines de médecins spécialistes coordonnés se sont déjà déconventionnés (« le Quotidien » du 5 mai). Ils entendent ainsi protester contre le déconventionnement pour un an d'un ophtalmologiste, le Dr Yann Hamard, à l'initiative de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Nantes. C'est une « sanction injustifiée, disproportionnée, abusive » selon la CNMS.
Lundi, un huissier a remis officiellement à la CPAM du Mans les lettres de déconventionnement de 61 spécialistes sarthois de secteur I, avec un préavis de deux mois. « En vingt ans de carrière, je n'avais jamais vu ça », commente le directeur de la CPAM, Patrick Négaret. Selon la coordination des spécialistes de la Sarthe, les lettres concernent 23 % des spécialistes de secteur I du département, mais « de 80 à 100 % » des gynécologues-obstétriciens, pédiatres, ophtalmologues, dermatologues, pneumologues, rhumatologues, rééducateurs fonctionnels et endocrinologues. Après la rupture des négociations conventionnelles au niveau national, « nous n'avons plus aucune perspective d'avenir », explique le Dr Dominique Plat, membre de la coordination 72 et ancien président du syndicat CSMF départemental. Les spécialistes sarthois agissent par solidarité avec le Dr Hamard, qualifié de « bouc émissaire », et non contre leur propre caisse, qui est « gérée de façon intelligente », affirme le Dr Plat.
Le directeur de la CPAM du Mans s'attend déjà à une autre vague de déconventionnement dans d'autres spécialités. D'ici au 5 juillet (date du déconventionnement effectif), Patrick Négaret espère que la publication du règlement conventionnel minimal et des consignes de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) arrangeront les choses. Il souhaite notamment obtenir le « feu vert de la CNAM pour maintenir le remboursement aux patients (malgré le déconventionnement, NDLR), car ce serait quand même très gênant qu'ils soient pénalisés ».
Dans les autres départements, ce sont les ophtalmologues qui se déconventionnent les premiers. Après la Loire-Atlantique hier, le Finistère, le Morbihan, les Côtes-d'Armor et l'Ille-et-Vilaine doivent faire un tir groupé ces jours-ci, devançant la Mayenne et la Basse-Normandie.
Dans les Côtes-d'Armor, la coordination a déjà recueilli les lettres de déconventionnement d' « environ 75 % » des ophtalmologues de secteur I, selon le Dr Yann Le Guen. A la coordination du Morbihan, le Dr Gérard Decroix précise que « le mouvement est suivi à plus de 70 % chez les ophtalmos », qui envisagent, en outre, « une grève d'une semaine ». En Ille-et-Vilaine, le Dr Frédéric Nouvellon, de la coordination départementale, précise qu'entre « 35 et 37 lettres » (représentant les deux tiers des ophtalmologues de secteur I) seront remises par un huissier à la CPAM de Rennes aujourd'hui.
Enfin, après la manifestation d'hier à Versailles, ce sont les médecins spécialistes lorrains qui doivent se rassembler devant la CPAM de Metz aujourd'hui pour manifester leur solidarité envers 31 confrères sanctionnés.
Tarifs : la CNAM s'adresse directement aux assurés
En position délicate vis-à-vis des médecins, la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a décidé de soigner sa communication en direction des patients.
Sa prochaine « Lettre aux assurés » (datée de juin), envoyée avec les relevés de remboursement, est ainsi consacrée aux tarifs conventionnels des consultations, l'objectif annoncé étant de « faire le point » sur la situation tarifaire au 1er mai 2003 après les changements intervenus ces derniers mois. Dans ce document pédagogique, dont certains dénonceront le caractère un peu provocateur dans un contexte troublé, la caisse rappelle les tarifs « officiels » des consultations au cabinet des généralistes (20 euros) et des spécialistes (23 euros) en secteur I, sans oublier certaines « particularités » : consultations des psychiatres, certaines consultations des cardiologues ou des pédiatres. A propos des dépassements d'honoraires des médecins installés en secteur I, la caisse souligne leur caractère « exceptionnel, face à une demande particulière du patient ». « Plus de 85 % des médecins généralistes et près de 65 % des médecins spécialistes exercent en secteur I et doivent donc respecter les tarifs officiels », martèle la caisse.
La CNAM rappelle au passage aux assurés le taux de remboursement qu'elle applique sur les consultations (70 % sur la base des tarifs officiels sauf pour les 6 millions de personnes en ALD prises en charge à 100 % et les victimes d'un accident du travail). L'assurance-maladie précise enfin que les consultations des 668 médecins non conventionnés qui exercent en France « sont remboursées sur la base d'un tarif d'autorité inférieur à 1 euro ».
C. D.
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