Titre du congrès oblige, les organisateurs de la réunion des coordinations à Montpellier ont tenté de coller au sujet en retraçant la longue marche en terrain miné de ces nouveaux « aventuriers des temps modernes » qu'ont été les généralistes, lors de leur révolte de l'année dernière et de cette année.
Tour à tour, les représentants à la tribune des coordinations des départements les plus actifs ont évoqué la montée de la colère sur le terrain dès la mi-novembre 2001, ces coups de fil passés entre confrères pour constater que tous partageaient la même indignation et le même avis : il faut bouger. « Alors nous avons décidé de louer une salle sur nos propres deniers, et nous nous sommes retrouvés 400 dans une ambiance presque insurrectionnelle », s'émerveille encore le Dr Antoine Leveneur, porte-parole du Calvados. « Dans toutes les régions, les médecins sont sortis de l'ombre. En deux mois, 70 départements se sont fédérés », résume le Dr Guenebeaud, porte-parole des Hautes-Pyrénées, qui constate: « Nous avons abattu le mur de l'individualisme. »
Un « réveil de la base » que les responsables syndicaux, invités à la tribune, ne peuvent que saluer : « L'expression publique de ce malaise est due à la coordination et nous a permis d'obtenir des avancées », reconnaît le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF. Mais « nous faisions déjà les mêmes propositions sans réussir à nous faire entendre », ajoute-t-il. Son voisin de tribune, le Dr Michel Combier, président de l'UNOF, rappelle que son syndicat a résisté au plan Juppé et se félicite de la combativité des coordinations. Il espère qu'elles vont « faire venir des jeunes » et éviter que les médecins ne « rentrent dans leur coquille ».
Le Dr Philippe Sopena, ancien vice-président de MG-France, et qui est parmi les contestataires de la direction actuelle de ce syndicat de généralistes, s'interroge de son côté : « Pourquoi ça a marché cette fois-là, alors que nous nous battions depuis longtemps ? »
Mais la salle n'entendait pas se contenter des satisfecits et des questions de la tribune. Sans tenir compte du thème du congrès, les réactions ont commencé à fuser : « Et maintenant, allons-nous nous endormir sur nos 20 euros ? » « Comment empêcher l'obligation de télétransmission et l'obligation de gardes qui vont nous tomber dessus ? »« Est-il encore temps de se mobiliser contre l'accord-cadre interprofessionnel qui va être signé et comment empêcher la mainmise d'un syndicat minoritaire de dentistes sur l'ensemble des professions médicales ? » (voir page 3).
La salle s'empare de la parole et ne la lâche plus. Certains proposent des manifestations de rue, d'autres, des actions en justice financées par une collecte, un référendum dans toute la profession avec refus d'appliquer les nouvelles obligations si une majorité exprime son opposition. Le débat s'engage peu à peu autour d'un non-conventionnement : intervention après intervention, les généralistes de la salle précisent qu'il ne s'agit pas, pour eux, d'une opposition au principe conventionnel mais du rejet d'une convention « coercitive », ce rejet apparaissant comme l'un des moyens pour obtenir une convention « honnête ». La question d'intégrer les spécialistes de secteur I à la bataille annoncée semble également recevoir un écho plutôt favorable.
La reprise du mouvement de contestation, qui s'est dessinée à Montpellier tant dans cette réunion publique que pendant l'assemblée générale des coordinations tenue la veille (voir encadré), semble souhaiter l'union des coordinations et des syndicats.
Le ton avait d'ailleurs été donné dès le début de la réunion, par une ovation de la base découvrant la présence, côte à côte à la tribune, des différents représentants des généralistes. Au fil des débats, les coups de griffe entre les uns et les autres ont d'ailleurs été rares et légers. L'ambiance était au rassemblement. La première concrétisation de cette volonté unitaire pourrait être la création, ces jours-ci, d'une intersyndicale sur la permanence des soins, qui se donnera les moyens d'imposer un « volontariat participatif ». Reste à savoir si le vent de Montpellier soufflera jusque dans les autres départements.
Appel à la « mobilisation »
La Coordination nationale des médecins généralistes (CONAT) « appelle tous les médecins généralistes de France à s'unir derrière (elle) et tous les syndicats médicaux sans exclusive, pour imposer une permanence des soins incitative basée sur le volontariat », à l'issue de son assemblée générale qui s'est tenue samedi à Montpellier. Rappelant que la grève des gardes « est toujours en cours », la CONAT proteste contre l'amendement du gouvernement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2003) qui fait de la permanence des soins une « mission d'intérêt général ».
La Coordination nationale tire à boulets rouges sur le projet d'accord-cadre interprofessionnel (ACIP), ou socle du système conventionnel (voir page 3), négocié par les caisses et le Centre national des professions de santé (CNPS). La coordination « dénonce l'absence de démocratie dans le fonctionnement du CNPS », car certains délégués sont « désignés directement par son président en vue de modifier les statuts à sa convenance ».
Sur le fond, la CONAT considère que l'ACIP « impose au médecin généraliste, sans contrepartie aucune : l'obligation de télétransmission [l'ACIP renvoie le dispositif d'indemnisation à la convention des médecins, NDLR] et l'obligation de maintenance du matériel ». En outre, selon l'un des porte-parole de la coordination, le Dr Jean-Paul Hamon, la CONAT soupçonne les caisses d'assurance-maladie de vouloir « le tiers payant généralisé », puisqu'elles défendent la dispense d'avance de frais comme « un service rendu aux patients ».
En conséquence, la CONAT « demande aux médecins généralistes de refuser cet esclavage conventionnel et de se préparer au non-conventionnement ».
A. B.
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