DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE MINISTRE de la Santé, Philippe Douste-Blazy, s'est rendu à la maison de retraite Pierre-Brunet d'Arras pour rencontrer le personnel et les familles de malades, après la révélation d'une affaire de maltraitance à personnes âgées. Quatre patients lourdement handicapés auraient subi des violences psychiques et physiques lors de soins : des membres du personnel auraient utilisé du matériel de contention sans raison médicale et se seraient livrés à des violences verbales et à des manquements aux soins. C'est un malade de 60 ans, tétraplégique, qui a alerté le directeur du centre hospitalier d'Arras, dont dépend cette maison de long séjour. Une enquête de police a été décidée par le Parquet. Après les premiers interrogatoires, deux personnes ont été mises en garde à vue lundi après-midi : une infirmière et une aide-soignante, toutes deux employées depuis dix ans dans l'établissement.
Cette affaire de maltraitance a semé la consternation chez le personnel et chez les familles des malades : les 80 pensionnaires de la maison Pierre-Brunet sont particulièrement vulnérables, en raison de leur âge et des multiples handicaps dont ils souffrent. Les quatre victimes ne pouvaient même pas s'exprimer par la parole et donc se plaindre.
« Nous ne laisserons rien passer en matière de maltraitance de personnes âgées, a souligné le ministre. Nous n'avons pas le droit de bafouer la dignité de personnes en situation de vulnérabilité. Si les faits reprochés sont vérifiés, ils feront l'objet de sanctions exemplaires. »
Un travail très ingrat.
A la maison Pierre-Brunet, on a du mal à y croire : « Le personnel est profondément blessé, un climat de méfiance s'est installé dans le service. Les soignants se sentent surveillés par les familles », déplore le Dr Isabelle Beugnet, chef de service, qui s'interroge encore sur ce qui a pu se passer. « Cela fait vraiment mal au cœur ! Nous sommes passés à côté de quelque chose et nous nous sentons responsables. »
Pour cette gériatre qui travaille depuis vingt ans dans le service, dans la majorité des cas, il s'agit plus de négligence que de maltraitance à proprement parler, et les conditions de travail sont souvent en cause. « Le personnel n'est pas choisi en fonction du service. Or le travail est très ingrat en gériatrie. On ne guérit pas les malades. Nous n'avons que de petites victoires ! »
Le manque de personnel est chronique dans les services de gériatrie. Il est encore aggravé par le fort absentéisme qui sévit dans ces services.
« Derrière ces problèmes de maltraitance, c'est toute la place de la personne âgée dans notre société qui est posée, remarque un médecin, aujourd'hui spécialisé dans l'organisation hospitalière. La gériatrie est le parent pauvre de la médecine. C'est une spécialité très lourde sur le plan psychologique, qui n'est absolument pas valorisée. Le personnel fait de l'accompagnement de personnes en fin de vie. La seule reconnaissance pour lui se limite souvent à un sourire ou à une main tendue. Il faut beaucoup de force psychologique pour tenir le coup. Un plus grand turnover dans ce genre de services permettrait d'éviter l'usure des personnes. Les infirmières travaillant dans des contextes difficiles comme celui-là devraient pouvoir faire des pauses dans leur vie professionnelle. Mais cela n'est guère prévu dans l'organisation hospitalière. »
Un numéro national.
Lors de son passage à Arras, Philippe Douste-Blazy n'a pas annoncé de moyens supplémentaires pour renforcer les équipes. En revanche, le ministre souhaite un renforcement des contrôles effectués dans les services, et surtout un meilleur suivi des plaintes, afin que les cas de maltraitance soient effectivement sanctionnés.
Le ministre entend aussi briser le silence qui entoure trop souvent ce genre d'affaires. Les lignes d'écoute mises à la disposition des patients et de leur famille vont être développées, et un numéro national viendra compléter le réseau Alma France, qui fonctionne déjà dans plusieurs départements.
Mais pour alerter SOS-Maltraitance, il faut avoir décelé de mauvais traitements. Ces situations sont souvent difficiles à repérer, lorsque l'on se trouve face à des personnes âgées dépendantes psychologiquement et physiquement. C'est sans doute toute l'organisation des soins qu'il faudrait revoir, pour éviter à l'avenir ce genre de dérapage.
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