PAR LE Dr THIERRY BOUR*
ENTREE EN VIGUEUR en mars 2005, la classification commune des actes médicaux (CCAM) a profondément modifié les habitudes de cotation des ophtalmologistes en augmentant le nombre de situations cliniques et thérapeutiques pouvant être facturées et en rendant signifiant les codes des actes. Il est donc primordial qu’apparaisse une cohérence entre l’examen du patient, sa transcription dans le dossier et les codes CCAM utilisés. Cette nomenclature est apparue à un moment où les actes techniques ophtalmologiques étaient en pleine croissance et les consultations simples en diminution.
Entre 2006 et 2010, le nombre d’actes CCAM en secteur libéral a crû de 50 % pendant que celui des consultations se réduisait de 13 %. La situation est sans doute similaire dans les hôpitaux, mais nous n’avons pas de chiffres agrégés. Parmi les autres spécialités, l’ophtalmologie se distingue, par un nombre élevé d’associations concernant surtout des actes diagnostiques, de coûts unitaires peu élevés.
Les premières années, les ophtalmologistes se sont appropriés progressivement la CCAM. Les contrôles par les caisses d’assurance-maladie ont été relativement peu nombreux et ciblés sur certains actes dont l’interprétation portait à discussion (par exemple, l’utilisation du code 4 d’association). Depuis 2010, nous assistons à une multiplication des contrôles par les caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) pour des motifs très divers. Cela résulte d’une volonté affirmée par les pouvoirs publics de lutter contre les fraudes sociales, de l’existence de moyens informatiques plus sophistiqués pour repérer les « profils atypiques » d’activité, d’une meilleure coordination entre les CPAM et la CNAMTS, d’une application plus stricte des règles gouvernant la CCAM et sans doute également du besoin de réduire le déficit de la sécurité sociale, les médecins représentant alors un « gisement » d’économies potentielles.
Certains contrôles sont abusifs ou de toute évidence erronés. On a vu ainsi certains médecins conseils se baser sur les règles de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) pour reprocher la cotation d’actes en CCAM ! Ils ont besoin à l’évidence d’une mise à niveau. Il en est de même du refus de cotation unilatérale de l’OCT avec facturation à 50 % pour le deuxième œil : les CPAM en question ont fait marche arrière ou ont été condamnées au tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS). Cette issue favorable résulte directement de discussions menées par le SNOF auprès de la CNAMTS en 2009. Les problèmes concernant l’utilisation de la fluoroscopie se sont apaisés, à condition de l’utiliser à bon escient et en respectant les règles générales de la CCAM. Celles-ci sont décrites dans l’article I-5 du livre I de la CCAM : le compte rendu de l’acte doit comporter les renseignements administratifs (qui sont normalement présents dans le dossier du patient), l’indication, les modalités techniques éventuelles, les résultats qualitatifs et/ou quantitatifs, les conclusions motivées et l’iconographie si nécessaire.
À l’inverse, il faut rappeler que l’utilisation du code 4 d’association n’est plus possible depuis mars 2009 en ophtalmologie. Le code 5 reste utilisable, mais pas à titre systématique et correspond à des situations précises qui laissent cependant une marge d’interprétation pour les deux parties. Le 10 novembre 2011, la Cour de Cassation a rendu un arrêt défavorable à l’association angiographie oculaire-rétinographies, on ne peut donc plus la conseiller.
Des prétextes variés.
La vraie nouveauté des contrôles du service médical, c’est qu’ils portent sur plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’actes à la fois avec des demandes d’indus qui atteignent souvent plusieurs dizaines de milliers d’euros ! Les prétextes sont divers : activité sortant de la moyenne, examens orthoptiques associés quasi systématiquement, redondance entre actes CCAM et orthoptiques similaires (champ visuel, par exemple), absence de prescription pour les actes orthoptiques facturés, cumul CS + acte CCAM (aucune exception n’existe à ce jour en ophtalmologie), actes paraissant trop nombreux pour être réalisés en une journée d’après le contrôle médical…
On ne peut se réfugier derrière le fait que les caisses ont accepté des cotations similaires pendant des années. Elles font les contrôles qu’elles veulent, quand elles le souhaitent, sur les périodes qui les arrangent (mais le délai ne doit pas dépasser trois ans) du moment qu’elles respectent le cadre légal et qu’elles le notifient dans les règles au médecin contrôlé. Les patients peuvent être convoqués et les dossiers étudiés. Le médecin peut être poursuivi au titre de plusieurs contentieux, pas toujours exclusifs les uns des autres : recouvrement d’indus, conventionnel, ordinal, pénalités financières, pénal. À cet égard, rappelons qu’il doit y avoir une correspondance entre la cotation et le contenu du dossier, avec descriptif détaillé, y compris en cas d’examen normal et que les actes effectués doivent pouvoir être justifiés vu le contexte clinique ou les recommandations officielles.
Ces contrôles ne doivent pas être pris à la légère, les délais de réponse respectés. Il est conseillé d’avertir le SNOF et éventuellement la cellule juridique de son syndicat horizontal si on y est adhérent. Le syndicat a besoin d’avoir la totalité du dossier envoyé par la CPAM pour pouvoir porter un avis pertinent. Les réponses, les comptes rendus d’audition et les accords doivent être formalisés par écrit. Parfois, une action contentieuse devant le TASS est nécessaire, il convient alors aussi de s’appuyer sur son assureur en responsabilité civile professionnelle pour la prise en charge des frais judiciaires, il pourra aussi conseiller un avocat.
En attendant une charte.
Il y a un déséquilibre flagrant, en cas de contentieux, entre les moyens dont disposent les caisses et l’ophtalmologiste de base. C’est pourquoi, une charte devrait prochainement être publiée pour préciser les droits et devoirs de chaque partie. Elle sera envoyée avant chaque contrôle conséquent. Cependant, le contrôle médical en sera dispensé s’il y a une suspicion de fraude (faits illicites, commis intentionnellement, dans le but d’obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d’une prestation injustifiée ou indue …), ce qui laisse une marge d’interprétation pour le contrôle.
La meilleure prévention reste dans des dossiers patients complets, bien tenus avec des actes pertinents. En cas de demande d’indu, ne pas oublier d’avertir son syndicat afin de ne pas rester seul devant la puissance administrative et l’aviser également de l’issue de l’affaire afin qu’il puisse faire bénéficier d’autres confrères d’avis éclairés.
* Metz.
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