La santé en librairie
« Je m'engage à essayer 1°) de respirer de l'air frais partout où je travaille et joue, 2°) de rester au grand air autant que possible, 3°) de dormir avec les fenêtres ouvertes, etc. ». Des douze Commandements de la santé édictés par des associations de lutte contre la tuberculose et destinés aux écoliers français entre 1920 et 1940, beaucoup étonneraient les écoliers d'aujourd'hui, toujours appelés cependant à se brosser les dents « surtout le soir » et à se laver les mains « avant les repas et en sortant des VC ».
Ce n'est pas la seule surprise réservée aux lecteurs du petit livre de l'historien Roger-Henri Guerrand. N'affirme-t-il pas qu' « on a écrit nombre de stupidités sur la "saleté" prétendue du Moyen Age » ? Que malgré la méfiance vis-à-vis de l'eau qui a marqué les XVIe et XVIIe siècles, « la propreté semble l'une des conditions de la beauté », pour les femmes au moins ? Ou que « se laver soigneusement les mains » est « un impératif constant de tous les régimes anciens » ?
Sans doute les moyens de l'hygiène, du bidet au tout à l'égout, de l'eau courante aux « cabinets d'aisance », des premières lois de salubrité publique en 1850 à la création d'un ministère de la Santé publique en 1930, se sont-ils développés de façon spectaculaire au cours des deux derniers siècles. Certes, les Français se lavent abondamment, leurs logements sont en principe moins malsains, les épidémies de choléra ne sont plus à craindre, la tuberculose est devenue une maladie rare et la chirurgie respecte de sévères précautions d'asepsie. Pourtant, les infections nosocomiales restent préoccupantes, les déjections canines et les crachats infestent les villes, les rivières charrient des eaux polluées, les ordures débordent et l'habitude d'aérer s'est bien perdue. Indiscutablement, « il reste beaucoup à faire ».
Un mouvement international
Patrice Bourdelais, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et initiateur d'un colloque consacré à l'histoire et à l'actualité de l'hygiénisme, relève aussi dans les premiers paragraphes de son introduction les résultats contrastés obtenus grâce à l'hygiène. Grâce à la juxtaposition d' « approches synthétiques » et d' « études de cas », l'ouvrage collectif dont il a dirigé la rédaction à partir du colloque, retrace le long chemin qui a fait de l'hygiénisme un « mouvement international ».
Ainsi, l'exemple de deux médecins du XVIIIe siècle donne une idée des différentes façons dont l'hygiénisme pouvait être conçu et initié, l'un optant pour une police médicale faisant « respecter le nécessaire hygiénique par la force », l'autre prônant plutôt une médecine d'éducation. Si les auteurs privilégient d'abord la France et plus particulièrement Paris pour illustrer l'évolution de l'hygiénisme, d'autres, rédigeant le plus souvent leur intervention en anglais, montrent que le mouvement hygiéniste a vite atteint l'Angleterre ou le Mexique.
On découvre alors que l'hygiène fut « la toute première discipline revendiquant un corpus savant à trouver une expression internationale », au milieu du XIXe siècle. Des incursions dans divers pays et à diverses époques mettent en évidence les pouvoirs d'un hygiénisme qui semble bien devoir atteindre le monde entier, tout comme les conflits qu'il peut faire naître entre liberté individuelle et libertés publiques et la tendance au passage d'un « biopouvoir » à une « biolégitimité » de plus en plus étendue.
« Hygiène », Roger-Henri Guerrand, Editions de la Villette (144, avenue de Flandre, 75019 Paris), 106 pages, 9 euros.
« Les Hygiénistes », sous la direction de Patrice Bourdelais, éditions Belin, 544 pages, 24,24 euros.
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