CONGRES HEBDO
La plupart des complications aiguës fracturaires présentes chez l'adulte peuvent se retrouver chez l'enfant, mais ce terrain impose une démarche autant diagnostique que thérapeutique particulière.
Comme toujours, lorsqu'il s'agit des membres, la préoccupation neuro-vasculaire doit polariser la vigilance du soignant. Les lésions vasculaires n'ont aucune raison, a priori, d'être moins fréquentes chez l'enfant que chez l'adulte ; il convient donc d'être plutôt méfiant sur ce terrain, car la circulation collatérale, de meilleure qualité en général, gêne parfois le diagnostic précoce, clinique ou ultrasonique, de par son aspect faussement rassurant.
Les complications nerveuses
Des spasmes vasculaires sévères peuvent également survenir chez l'enfant et imposent des mesures énergiques et urgentes de prise en charge. En dehors des tableaux évidents d'ischémie aiguë, dès que les circonstances traumatiques ou la présentation en font évoquer la possibilité, il importe de suspecter une atteinte vasculaire lorsqu'une fracture se trouve en regard d'un trajet vasculaire. Il importe donc, au moindre doute, de recourir à l'artériographie à visée de bilan vasculaire. Suivant les résultats de cette dernière, et après stabilisation osseuse, des gestes de reconstructions vasculaires seront éventuellement préconisés en évitant, sur ce terrain, le recours à des greffons prothétiques. Les lésions nerveuses périphériques peuvent être de révélation immédiate ou différée et résulter d'une contusion, d'un étirement ou d'une section du tronc nerveux... La difficulté diagnostique explique, chez l'enfant, le caractère volontiers différé du diagnostic.
Ces complications nerveuses sont assez souvent d'évolution favorable et l'attitude thérapeutique consiste alors à en surveiller la récupération. Une décision d'exploration chirurgicale s'impose néanmoins parfois si aucune récupération ne s'annonce au terme de six mois.
Les syndromes compartimentaux sont également bien connus chez l'enfant. Leur déterminisme pathogénique fait participer variablement ischémie, stase veineuse par hyperpression, ischémie tissulaire par autocompression au sein d'un compartiment inextensible.
Leur diagnostic demeure difficile et l'est encore plus depuis la quasi-généralisation d'une analgésie postopératoire de meilleure efficacité.
L'étude, voire la surveillance des mesures de pression à l'intérieur des loges, est la méthode adoptée pour pallier de telles difficultés diagnostiques ; cependant les dispositifs de mesure ne sont pas partout disponibles et leur interprétation doit être guidée par l'expérience. Il est admis que, plus que la valeur absolue de la pression intracompartimentale, c'est la différentielle de celle-ci avec la pression diastolique qui est indicatrice, en cas de diminution importante, d'un syndrome de loge (cycle de sous-perfusion tissulaire).
L'identification d'un syndrome de loge débutant impose l'aponévrotomie d'urgence, éventuellement à plan cutané ouvert.
Antibioprophylaxie et fracture ouverte
Les fractures ouvertes sont une forme compliquée n'épargnant pas plus l'enfant que l'adulte ; les principes de prise en charge, développés chez l'adulte par l'expérience, sont tout à fait applicables à l'enfant ; s'il semble que le risque infectieux se trouve mieux contrôlé chez l'enfant, c'est probablement du fait que, dans cette population, les lésions graves, et/ou à haute énergie, et/ou à forte contamination y sont moins fréquentes. Cette impression favorable ne doit cependant autoriser aucun manque de rigueur dans la prise en charge initiale et amène à l'utilisation large de l'antibioprophylaxie.
Les complications thrombo-emboliques des fractures sont beaucoup plus rares par rapport aux données établies chez l'adulte. La prévention thrombo-embolique ne s'impose donc que chez les adolescents pubères ou en cas de pathologie congénitale prédisposant à un événement thrombo-embolique.
Pour ce qui est enfin des complications liées au traitement, elles sont possibles également chez l'enfant quelle que soit l'option choisie, orthopédique ou chirurgicale par ostéosynthèse, et réclament vigilance et effort d'information des soignants envers l'enfant ou ses ayants droit.
Les complications spécifiques de certaines localisations
Selon la topographie fracturaire, le risque de complication peut adopter un profil spécifique. Les fractures supra-condyliennes du coude exposent particulièrement à un risque d'atteinte nerveuse ou vasculaire ; l'atteinte nerveuse peut être mono-, bi- ou tri- tronculaire. Une lésion du nerf médian est relativement rare ; celles du nerf radial ou cubital dépendent en partie du mode de déplacement fracturaire. L'atteinte vasculaire revêt différents tableaux cliniques : ischémie aiguë, hypoperfusion... Elle impose la réduction fracturaire d'urgence, complétée d'une fixation stable ; l'exploration vasculaire, éventuellement précédée d'une artériographie, ne s'impose qu'en cas de non-normalisation de la situation vasculaire après réduction fracturaire.
Certaines fractures du genou exposent particulièrement à ce type de complication, qu'il s'agisse des décollements épiphysaires de l'extrémité inférieure du fémur ou de l'extrémité supérieure du tibia. Dans cette dernière localisation, tout particulièrement, l'exploration artériographique s'impose en cas d'épisode ischémique.
Les fractures importantes du bassin par traumatismes sévères peuvent s'accompagner de complications viscérales, plus particulièrement urinaires, ou hémorragiques. Ces dernières nécessitent parfois le recours, sous contrôle artériographique, à des embolisations sélectives. Certaines fractures très complexes des membres imposent une amputation plutôt que de devoir soumettre l'enfant à des programmes répétitifs et aléatoires de reconstruction pendant le restant de sa croissance.
Eduquer et informer
Enfin, on ne peut clore ce survol des fractures compliquées sans évoquer les complications de fractures survenant sur des terrains particuliers : les fractures de l'enfant battu, avec leur risque de retentissement psychologique, et qui requièrent au moindre doute une hospitalisation de précaution ; les fractures pathologiques sur affection ostéopéniante, sur ostéomyélite ou sur tumeur qui nécessitent l'identification de la condition préexistante à la fracture.
L'enfant est un terrain particulier, dont une bonne connaissance permet de limiter le risque et la gravité des complications fracturaires aiguës. C'est également un terrain électif où les mesures de prévention fracturaire sont spécialement efficaces et ces dernières relèvent d'un effort d'éducation et d'information en direction du plus grand nombre.
D'après la conférence d'enseignement du Dr. Bruno Dohin ( CHU Edouard-Herriot, Lyon).
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