L A toute nouvelle Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) n'a pas attendu la date officielle de son baptême, prévu le 4 octobre, pour réunir les médias et tirer le signal d'alarme. L'annonce par le gouvernement de la création de 40 000 emplois à l'hôpital public, dans le cadre de la mise en uvre de la réduction du temps de travail (RTT), a fait l'effet d'une bombe, chez les responsables des cliniques.
Face à « la gravité de la situation », pour reprendre ses propres termes, le Dr Max Ponseillé, président de la nouvelle structure (qui réunit maintenant la Fédération intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée - FIEHP - et l'Union hospitalière privée - UHP -), a réagi au plus vite. La première déclaration de son nouveau mandat consiste à adresser une demande solennelle au gouvernement afin qu'il accorde aux cliniques « un accompagnement économique de l'effort social, à travers une enveloppe dédiée proportionnellement équivalente à celle dont ont bénéficié les salariés de l'hôpital public, soit six milliards de francs ».
Recours à l'intérim
Comment la FHP en arrive-t-elle au chiffre de six milliards ? « Dans le protocole Aubry de mars 2 000, dix milliards de francs avaient été accordés aux hôpitaux. Le coût de la création de 40 000 postes qui vient d'être annoncée est estimé à onze milliards. L'ensemble représente vingt milliards sur trois ans. Nous en représentons un tiers. Donc, nous demandons six milliards », calcule Alain Coulomb, ancien délégué de l'UHP devenu délégué de la nouvelle fédération, qui estime que le secteur hospitalier public a reçu 2,8 fois plus d'aides que le secteur hospitalier privé.
Les revendications de la FHP reposent sur la conviction que les hôpitaux publics ne pourront réussir à pourvoir ces nouveaux postes qu'à la condition de vider les établissements privés de leur personnel. « Ces 40 000 emplois ne peuvent en aucun cas être 40 000 créations d'emploi : il n'y aura pas, dans les trois prochaines années, 40 000 professionnels de santé formés recherchant un emploi », analyse le Dr Ponseillé.
La pénurie actuelle de personnel soignant, qui touche surtout les infirmières, en est un signe. Le fait que les écoles d'infirmières, dont les quotas ont été augmentés, soient loin de faire le plein en est un autre. Le secteur privé est encore plus touché par cette insuffisance de personnel que le secteur public. De nombreux établissements privés sont obligés de recourir à l'intérim, un système dans lequel les rémunérations proposées sont plus élevées. « Les coûts passent du simple au double, cela plombe les comptes d'exploitation, explique le Dr Ponseillé. Mais le problème n'est même plus là : même en intérim, on ne parvient plus à trouver du personnel. »
Les cliniques sont pénalisées par le niveau de rémunération qu'elles proposent au personnel soignant, inférieur de 15 à 30 % à celui du privé. « Nos personnels ont les mêmes diplômes, exercent les mêmes métiers, subissent les mêmes contraintes. Ils méritent le même traitement », déclare le Dr Ponseillé. D'où la demande d'une enveloppe spécifique pour le privé.
Déjà des transferts
Le scénario selon lequel les cliniques seraient vidées de leur personnel au profit des hôpitaux ne paraît pas absurde. « La simple annonce d'Elisabeth Guigou a déjà créé des transferts dans certaines villes de province, comme Périgueux et Agen, souligne Alain Coulomb. A Périgueux, douze personnes sont parties de la clinique vers l'hôpital. Cela veut dire qu'un service devra fermer. » Pour le délégué de la FHP, toutes les villes moyennes où un hôpital et une clinique sont face à face sont menacées.
La FHP demande au gouvernement de « ne pas créer un seul poste de soignant à l'hôpital public, dans le cadre des 35 heures, tant qu'une étude sérieuse des besoins, des perspectives démographiques et des moyens de répondre à la demande d'infirmiers et de professionnels paramédicaux ne sera pas effectuée et portée à la connaissance du public ».
« Il ne faut pas compter sur les cliniques privées pour assumer le risque sanitaire que le gouvernement vient de créer », prévient le Dr Ponseillé.
Une fédération pour 1 300 établissements
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) est le fruit de la fusion de la Fédération intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée (FIEHP) et de l'Union hospitalière privée (UHP), qui a eu lieu le 24 juillet. L'hospitalisation privée compte 1 300 établissements, soit un tiers des établissements de santé en France, 130 000 salariés et 40 000 médecins. Elle occupe une place prépondérante dans l'activité ambulatoire : 90 % des interventions, 60 % des chimiothérapies, près de 50 % des dialyses. Le secteur privé est également essentiel dans les prises en charge en hospitalisation complète : plus de 50 % des interventions chirurgicales, près de 40 % des accouchements. Il reçoit 6 millions de patients chaque année. Moins consommateur de ressources financières que le secteur public (il revendique un coût de prise en charge moyen inférieur de 30 à 40 %), il souffre, cependant, d'une dégradation de la rentabilité de ses établissements.
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