« Exils », de Tony Gatlif

Les cicatrices

Publié le 23/05/2004

Article réservé aux abonnés

1276184122F_Img173995.jpg

1276184123F_Img173996.jpg

« LE FILM n'est pas né d'une idée, explique le réalisateur de « Gadjo Dilo », né en 1948 à Alger, mais du désir de me pencher sur mes propres cicatrices. Il m'a fallu 43 ans pour retourner sur la terre de mon enfance ».
Cette terre, il faut la conquérir. Cet itinéraire, il faut l'incarner. Voici Zano : il veut découvrir le pays que sa famille, qui comptait un grand-père instituteur (comme celui qui a fait découvrir le cinéma au jeune Tony), a dû quitter en catastrophe. Naïma, qui n'a pas appris l'arabe, son père ne voulait pas, et qui mange le camembert coulant à la cuillère, le suit sans enthousiasme. Avant d'atteindre Alger, peu après le tremblement de terre, ils feront beaucoup de détours et de rencontres, en Espagne et au Maroc.
Tony Gatlif ne s'embarrasse pas d'explications biographiques et psychologiques détaillées. Il se contente du minimum pour faire comprendre ce qui est en jeu. Il préfère, comme il le dit, se tenir « au plus près de la matière. De la matière humaine, animale. Mais aussi minérale et végétale ». Au plus près des corps « qui s'explorent ou se fuient, s'effleurent ou s'agrippent (...) qui se racontent par la peau et ses cicatrices ».
C'est ce qui est beau dans son film, jusqu'à la longue transe finale, inspirée d'un rituel cathartique soufiste. D'autant plus beau que les corps suivent les rythmes de la musique, qui a son cheminement propre, du techno au flamenco. Signée par Gatlif lui-même et Delphine Mantoulet, elle exprime les états d'âme.
Zano est joué par Romain Duris, qu'on ne présente plus depuis les films de Cédric Klapish et qui a déjà tourné deux fois avec Gatlif. Naïma a la vivacité de Lubna Azabal, que l'on vient d'admirer dans « Viva Laldjérie ». Un duo bien trouvé pour un beau voyage à rebours de l'exil.