La marche est un comportement moteur rythmique volontaire complexe. Son caractère implicite suggère que peu de ressources attentionnelles sont nécessaires à son exécution. Différents travaux ont montré qu'il n'en était rien, notamment chez la personne âgée, dont la marche est perturbée dès lors qu'elle est associée à une autre tâche.
V. Dubost (Saint-Etienne) a comparé la marche de 30 sujets âgés fragiles à celle de 30 adultes témoins en bonne santé, avec ou sans réalisation d'une tâche simultanément. Le temps, le nombre de pas, les latéro-déviations et les arrêts étaient enregistrés (caméra vidéo). Les auteurs ont observé que la double tâche était responsable de trois types d'effets : une augmentation du temps et du nombre de pas dans les deux groupes, significativement plus importante chez les sujets âgés que chez les témoins ; une réduction de la cadence et de la longueur du pas chez les sujets âgés et pas chez les témoins ; une augmentation significative du nombre de latéro-déviations et d'arrêts en condition de double tâche dans la population âgée. Ces observations sont en faveur d'une mobilisation des ressources attentionnelles du sujet âgé sur l'exécution de la marche, qui n'est implicite que chez l'adulte en bonne santé.
L'évaluation du risque de chute
La simplicité de réalisation du test de double tâche et sa reproductibilité en font un instrument d'évaluation du risque de chute en gériatrie.
De même, pour R. W. Kressig (Genève Suisse), l'analyse biomécanique de la marche permet d'identifier des modifications à un stade précoce, avant qu'elles ne soient visibles à l'il nu. L'augmentation de l'écartement des deux pieds, une variabilité élevée de l'enjambée et du temps de cycle de marche ont été identifiés comme facteurs prédictifs de chutes. La variabilité en situation de double tâche semble être un marqueur encore plus précoce du risque ultérieur.
Par ailleurs, l'analyse des circonstances des chutes et du profil des « chuteurs » est également riche d'enseignements et permet de cibler une prévention. F. Benoît (Bruxelles, Belgique) a étudié entre 1997 et septembre 2000 les « fiches de chute » enregistrées dans tous les services du CHU Brugmann. Sept cent soixante-douze déclarations ont été prises en compte.
Les circonstances de l'accident
Parmi les « chuteurs », les auteurs ont noté avant l'accident : 34 % de syndromes douloureux non maîtrisés, 50 % de troubles locomoteurs, 5 % de troubles de l'audition, 13 % de troubles visuels, 33 % de vertiges/lipothymies, 7 % de perte de poids, 42 % de dépendance pour le déplacement, 23 % de patients utilisant un appareil d'assistance pour la marche : 34 % d'entre eux avaient des antécédents de chute et 24 % des troubles cognitifs. Les causes incriminées pour expliquer la chute étaient : une perte de connaissance (dans 3 % des cas), une glissade (36 %), un déséquilibre (29 %), ou le fait de trébucher (8 %). Les chutes avaient eu lieu dans : la chambre (27 %), la salle de bains ou les WC (10 %), le couloir (13 %), la salle de séjour (3 %). Enfin, concernant les circonstances au moment de l'accident, les fiches indiquaient : un défaut d'éclairage (64 %), l'absence d'accompagnement (9 %), la présence d'une contention (19 %), d'un appareillage (17 %), d'une perfusion (13 %) ou d'une sonde (5 %). Après la chute, on signalait : une douleur (54 %), une lésion (42 %), une perte de connaissance (3 %). Des examens complémentaires étaient demandés dans 27 % des cas. Et des mesures de prévention secondaire étaient proposées dans 49 % des cas.
Une meilleure connaissance des chutes aboutit à des solutions concrètes. Ainsi, une étude genevoise (C. Maupetit) a montré l'utilité d'un recueil systématique de données relatives aux chutes des personnes âgées, dont l'analyse permet la mise en place de mesures préventives individuelles et environnementales et d'actions de formation du personnel soignant.
Un frein dans les activités quotidiennes
Il s'agit de prendre en compte les répercussions sur la vie quotidienne de la peur de tomber. Celle-ci affecte la qualité de vie des chuteurs et semble associée à un risque accru de déclin fonctionnel. Dans ce contexte, C. Bula (Lausanne, Suisse) a étudié le comportement de 30 patients âgés de plus de 65 ans, admis dans un service de réadaptation gériatrique (deux tiers des patients avaient chuté au moins une fois dans l'année précédente). Leur degré de confiance à effectuer les activités quotidiennes était mesuré par l'échelle « Fall Efficacy Scale » (FES). Les auteurs ont observé des valeurs du score FES variant de 10 à 119. Les résultats du FES étaient corrélés à ceux de l'évaluation de l'équilibre-mobilité selon Tinetti, au statut fonctionnel physique et aux symptômes dépressifs. Comparés aux patients « chuteurs », les « non-chuteurs » avaient un meilleur score FES (mais du fait du faible nombre des « non-chuteurs » la différence, n'est pas significative). Ce travail met l'accent sur les répercussions négatives d'une première chute dans l'exécution des tâches quotidiennes ; elle montre aussi la validité du FES pour mesurer celles-ci.
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