LES CHIRURGIENS LIBÉRAUX n'avaient plus fait parler d'eux depuis leur « opération deuxième Manche », qui avait conduit seulement 300 d'entre eux à Camber Sands en Angleterre au mois de mai. Depuis la fin de l'été, l'Union des chirurgiens de France (Ucdf) incite ses 2 300 adhérents à facturer directement aux patients leurs honoraires, sans passer par les comptes mandataires des cliniques. Cette consigne visait en fait à préparer le terrain à un autre mot d'ordre qui sera dévoilé officiellement aujourd'hui. L'Ucdf appelle ni plus ni moins à une rebellion tarifaire des chirurgiens libéraux (installés à 80 % en secteur II), en leur demandant de procéder unilatéralement à « une remise à niveau » de leurs honoraires, notamment grâce à la facturation directe.
Ce nouveau mouvement de protestation des chirurgiens libéraux intervient seulement quelques jours après la polémique sur la flambée des dépassements d'honoraires en secteur II, voire en secteur I (« le Quotidien » des 13 et 21 octobre). « Il faut arrêter de jouer aux vierges effarouchées, s'emporte le Dr Philippe Cuq, président de l'Ucdf. Comment a-t-on payé la chirurgie depuis vingt ans ? Par les dépassements d'honoraires ! Je viens d'apprendre que le tarif du gaz allait augmenter de 12,5 % sur une seule année ; c'est ce que la chirurgie a obtenu (sur le KCC) en quinze ans ! Vous trouvez ça normal ? »
Le Dr Cuq déplore que l'accord chirurgiens du 24 août 2004 ne soit toujours « pas rempli, notamment dans son versant tarifaire », plus d'un an après sa signature. L'accord prévoyait en particulier une revalorisation de 25 % des tarifs chirurgicaux remboursables et la création d'un secteur optionnel, voire une réouverture du secteur II selon les interprétations de son ambigu « point 9 ».
Pour le leader de l'Ucdf, le compte n'est pas bon.
Selon lui, la nouvelle nomenclature technique (Ccam) mise en place cette année n'a permis d'augmenter que « de 6 à 8 % » en moyenne les tarifs chirurgicaux remboursables par la Sécu, tout en créant un différentiel entre les tarifs des secteurs I et II.
De son côté, l'assurance-maladie a mis en ligne sur son site Internet (1) un « Mémotarifs » qui dresse un bilan financier beaucoup plus optimiste de la Ccam à travers une centaine d' « exemples d'actes fréquents ou représentatifs » dans douze spécialités chirurgicales.
Le problème des actes courants.
Dans ce document, la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) a calculé que le tarif Ccam de 2005 pouvait, selon les cas, être stable (+0 %) ou varier à la hausse jusqu'à + 179 % (pour l'amputation ou désarticulation d'un orteil) par rapport au tarif 2004 de l'ancienne nomenclature Ngap.
« Le tarif de certains actes rares progresse de plus de 100 %, mais pour revaloriser le métier de chirurgien, ce sont les actes courants qu'il faut augmenter ! », réplique le Dr Cuq. Il revendique « un prix plancher » pour les « petits actes opératoires », comme l'ongle incarné, qui rapporte dans la Ccam « brut de 50 à 60 euros , soit net 30 euros, ou moins », compte tenu des charges fixes des praticiens exerçant dans un bloc (assurance, normes de qualité et de sécurité).
« On ne peut pas en rester là, lâche le président de l'Ucdf. Nous allons nous organiser pour que l'accord du 24 août soit appliqué ». Le syndicat a pour objectif d' « utiliser en toute logique la Ccam V0 [première version de la Ccam, Ndlr] et de l'adapter en fonction du coût de la pratique des chirurgiens ». Fruit de dix ans de travail du pôle nomenclature de la Sécu en lien avec les sociétés savantes, la Ccam V0 « avait fait à peu près l'unanimité », rappelle le Dr Cuq. Puis les partenaires conventionnels ont changé la donne en passant un compromis politique le 25 février dernier. Ils ont ainsi renoncé à l'application immédiate des tarifs cibles prévus par la Ccam V0 (orientés à la baisse ou à la hausse en fonction de cette hiérarchisation actualisée des actes techniques), afin que la nouvelle nomenclature ne lèse aucune spécialité financièrement.
Les chirurgiens de l'Ucdf, eux, veulent se référer à la Ccam originelle, « avec une valeur du point travail qu'(ils) détermineront (eux)-mêmes sur des bases économiques réalistes », précise le Dr Jean-Michel Amar. « L'assurance-maladie remboursera ce qu'elle pourra », ajoute le vice-président de l'Ucdf.
Et les patients dans tout ça ?
Le syndicat de chirurgiens leur prépare un hit-parade des meilleures complémentaires santé « d'ici à la fin de l'année ». D'ores et déjà, le site Web du syndicat se fait l'écho de classements parus dans la presse pour « choisir un bon contrat au meilleur prix ».
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