Si les propositions du rapport Domergue pour réformer la chirurgie n'ont pas fait l'unanimité des professionnels concernés, tous, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers, ont reconnu que le diagnostic posé par le député reflète bien la triste réalité de la chirurgie en France (« le Quotidien » du 18 février). Tous, exceptée une petite minorité de chirurgiens, ceux qui exercent dans les hôpitaux privés à but non lucratif.
« Les affirmations sur le secteur participant au service public hospitalier (PSPH) sont des contre-vérités », s'exclame, « effaré », le Dr Jean-Pierre Genet, qui exerce à l'hôpital privé Saint-Camille, à Bry-sur-Marne (94) depuis plus de vingt ans. Ce chirurgien orthopédique, par ailleurs président de la Commission des président de CME du secteur PSPH, réfute l'intégralité des arguments avancés par le Pr Domergue pour dépeindre son secteur. « A le lire, on s'imagine que les chirurgiens des hôpitaux privés sont de grands privilégiés », dit-il. « Nous choisirions nos patients, nous ne prendrions pas de gardes, nous n'assurerions pas les missions du service public, nous serions mieux payés qu'à l'hôpital public... Tout cela est faux », insiste le Dr Genet. « Tellement faux que c'en est provocateur ! », ajoute-t-il.
Le Dr Genet n'est pas le seul à s'être senti « insulté ». Le président du Syndicat des médecins des hôpitaux privés (SYMHOSPRIV), bien qu'il ne soit pas chirurgien mais pneumo-oncologue, a été « scandalisé par la demi-page du rapport consacrée au secteur PSPH ». Rappelant que ce secteur regroupe 15 % des lits MCO en France, le Dr Marc Angebault regrette que « le Pr Domergue n'ait auditionné ni la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif, NDLR) , ni les médecins des hôpitaux privés ». Avant de poursuivre, non sans virulence : « Comment peut-il dire que "dans tous les cas, les chirurgiens sont mieux rémunérés que dans les hôpitaux publics " ? C'est totalement scandaleux. »
Le Dr Genet s'apprête à écrire au Pr Domergue pour rétablir « sa vérité » sur les conditions dans lesquelles lui et ses confrères travaillent. « Dans mon service, par exemple, on prend cinq à six gardes par mois. La simple comparaison des grilles salariales indique que nous gagnons moins que nos confrères du public la plupart du temps. Dire que nous sommes "rémunérés sur les bases du salaire de PH plus 30 %" relève du fantasme, ou de reliquats du passé. Depuis quinze ans, nous ne cessons de dénoncer la dégradation continuelle de nos salaires. »
Conclusions « simplistes »
Le Dr Marc Angebault poursuit le plaidoyer : « Mis à part les centres anticancéreux et quelques rares hôpitaux privés spécialisés, la plupart prennent le tout-venant, et ne trient pas les malades. Et que dire de tous ceux qui ont des services d'urgences ? Le Pr Domergue croit-il que les chirurgiens n'y sont pas présents 24 heures sur 24 ? »
Les médecins des hôpitaux privés, on l'aura compris, font bloc face au passage les concernant dans le rapport Domergue, et regrettent à la fois ses conclusions « simplistes » et son « parti pris ». Pour le président du SYMHOSPRIV, cela témoigne d'une seule chose : « Les gens dans les ministères ne comprennent rien au fonctionnement du secteur PSPH, ou ne veulent rien en savoir. »
La FEHAP organise aujourd'hui une commission MCO. Le rapport Domergue, qui sera distribué aux intervenants présents, occupera sans doute une large place dans la discussion. Georges Riffart, le directeur de la Fédération, ignore encore si la FEHAP va réagir de son côté. Mais son jugement rejoint celui des chirurgiens : « Concernant leur rémunération, le rapport se base sur ce qui avait été fixé dans un accord signé en 1980. Depuis, il n'y a eu aucune évolution à la hausse. Tandis qu'à l'hôpital public, on a créé le douzième, le treizième échelon, diverses primes... Les PH, de plus, peuvent travailler en libéral, ce qui est interdit pour nos praticiens. »
L'hypothétique « absence de gardes » fait aussi sourire Georges Riffart, qui rappelle, pour preuve du contraire, que la plupart des hôpitaux privés ont des activités d'urgences. « Bien sûr que le secteur PSPH participe aux missions de service public, conclut-il. C'est d'ailleurs notre définition ! »
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