la visite chez le chirurgien-dentiste n'avait autrefois d'autre motif que la douleur insoutenable d'une ou plusieurs dents, un œdème de la face apparu sournoisement ou la fracture d'une dent à la suite d'un accident. Aujourd'hui, l'urgence est bien entendu toujours traitée, mais les chirurgiens-dentistes accordent une place de plus en plus importante à la prévention.
Le chirurgien-dentiste se trouve souvent en première ligne dans le dépistage et la prévention de certaines maladies, notamment en dermatologie buccale et péribuccale. Il peut être le « premier maillon de la chaîne thérapeutique » en détectant des lésions précancéreuses ou cancéreuses, des lésions opportunistes du sida, des gingivorragies pouvant être le signe d'hémopathies, des formes particulières de lichens qui témoignent de lésions hépatiques, des parodontopathies conséquence du diabète, des glossodynies reflets de certaines formes de dépression.
A l'inverse, le chirurgien-dentiste est un acteur majeur pour prévenir les conséquences, parfois graves, de pathologies buccales : les foyers infectieux buccaux non soignés peuvent être à l'origine de graves infections cardiaques, pulmonaires, rénales et urinaires.
Campagnes antitabac.
Une longue session du congrès a été consacrée au tabac et aux dents. « La bouche, remarque le Dr Christine Romagna-Genon, est la grande oubliée dans toutes les campagnes antitabac. » On met en exergue la nocivité du tabac pour l'appareil cardio-vasculaire ou les poumons, les risques de cancers, mais on ne parle jamais de la bouche, porte d'entrée du corps, premier organe concerné par la consommation de tabac. Les muqueuses buccales et des dents paient pourtant un lourd tribut. Outre la coloration dentaire par la nicotine, la mauvaise haleine, l'augmentation de la quantité de tartre, l'agression répétée du goudron et autres constituants de la fumée provoque une réaction de défense des muqueuses de la bouche, entraînant des lésions leucoplasiques et une hyperkératinisation. Le tabagisme rend plus agressive la flore microbienne buccale qui colonise dents et gencives, il modifie la microcirculation sanguine des gencives, d'où des mécanismes inflammatoires augmentés, une réponse immunitaire abaissée au niveau des muqueuses buccales. En cas d'extraction, la cicatrisation des tissus (os et gencive) est altérée. Toutes les études le montrent, les fumeurs ont un risque plus élevé de perdre leurs dents (de six à sept fois plus que la population non fumeuse) par caries et par l'importance des maladies parodontales. Le chirurgien-dentiste a donc un rôle primordial dans les campagnes de prévention tabagique.
En matière de santé publique, le chirurgien-dentiste peut également être un acteur majeur de la lutte contre l'obésité de l'enfant. Grignotage, alimentation déstructurée, abus de boissons sucrées sont autant de facteurs destructeurs des dents fragiles du jeune enfant, responsables de caries multiples et destructrices par une rupture de la physiologie buccale. Dans plusieurs études suédoises, une corrélation a été démontrée chez l'adolescent entre la prévalence des caries et des maladies parodontales et l'indice de masse corporelle.
Des solutions pour les édentés.
Autre préoccupation, la santé bucco-dentaire des personnes âgées en France, qui est négligée voire abandonnée, à partir de 60 ans. Tous les praticiens le constatent, on assiste à une dégradation lente et progressive de l'état bucco-dentaire, liée à une baisse du niveau de l'hygiène, à la moindre fréquence des visites chez le dentiste et à une dégradation de l'état général des patients, souvent atteint de plusieurs pathologies et donc polymédiqués. A 60 ans, 60 % d'entre eux ont perdu plusieurs dents, 20 % sont édentés totaux ; à 70 ans, on estime la proportion d'édentés totaux à 30 %. Ce mauvais entretien de la bouche a des retentissements importants sur la santé, avec des risques infectieux majeurs et des préjudices qui ne sont pas qu'esthétiques (modifications physiques de la face avec affaissement du visage, déplacement de la mandibule, lèvres rentrantes, troubles de l'élocution, de la mastication). Ces derniers troubles conduisent le sujet âgé à modifier son alimentation et, peu à peu, conduisent à la malnutrition, voire la dénutrition. La perte d'appétit souvent attribuée à l'âge est en fait liée à la perte de la fonction masticatrice.
Les dentistes ont des moyens performants, sûrs, simples ou plus sophistiqués, pour rendre à la cavité buccale ses principales fonctions. Des implants permettent par exemple « de clipper » les prothèses totales sur la mandibule. Ils peuvent être posés chez des personnes de plus de 80 ans et permettent le rétablissement presque total de la mastication, de l'élocution et du sourire. L'implant joue aussi souvent un rôle d'antirésorption osseuse et, dans certains cas (type d'implants OsseoSpeed d'Astrarech, filiale d'AstraZeneca), on peut observer une croissance osseuse périphérique.
Pour les personnes âgées, les dentistes demandent la coopération des médecins, notamment des généralistes. « Faites ouvrir la bouche, regardez l'état de celle-ci, des dents et interrogez-les sur leurs prothèses, s'ils les portent, les nettoient, les supportent. »
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